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Critiques

Je cherche un homme, Hugo Chereul (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Jeudi, 25 Janvier 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Je cherche un homme, Hugo Chereul, éditions Mané Huily

 

Le civet Chereul

 

Certains écrivent comme d’autres peignent.

Lisant Hugo Chereul, j’avais Jean Rustin en tête ou Paul Rebeyrolle en fond de rétine. Une peinture dure, une peinture des sens et du cri, de la matière fécale ou humorale. Rustin et Rebeyrolle, par exemple, nous disent de regarder et, en même temps, nous retournent le regard à l’intérieur. Viscéralement, tripaillhaineusement.

Chereul est de cette toile intérieure, de ce coup de pinceau, une écriture au couteau.

Le Désert des Tartares (Il deserto dei Tartari, 1940), Dino Buzzati (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 24 Janvier 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Pocket, En Vitrine, Italie

Le Désert des Tartares (Il deserto dei Tartari, 1940), Dino Buzzati, Editions Pocket, 2004, trad. italien, Michel Arnaud, 267 pages Edition: Pocket

 

C’est avec Le Désert des Tartares, publié en 1940, que Dino Buzzati devint un écrivain majeur, en Italie et dans le monde. Ce qui a fasciné – et fascine encore – les lecteurs est ce monument d’immobilité et d’intemporalité que l’auteur a bâti autour d’une attente qui, bien que palpable au quotidien, semble proche d’un univers onirique. Si le rêve est déplacement, condensation et métaphore, celui de Giovanni Drogo, le jeune sous-lieutenant est immuabilité, dilatation et réalisme. De quelle attente s’agit-il ? D’un possible (probable ?) assaut à venir des Tartares contre la forteresse qu’il défend ? La courbe narrative du roman nous laisse plutôt penser à la seule attente qui compte dans une vie : celle de la mort, faisant ainsi de ce roman une métaphore de la condition humaine.

Le Labyrinthe des égarés, L’Occident et ses adversaires, Amin Maalouf (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 24 Janvier 2024. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Grasset

Le Labyrinthe des égarés, L’Occident et ses adversaires, Amin Maalouf, Grasset, octobre 2023, 448 pages, 23 € Edition: Grasset

 

Le tout nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie Française se livre ici à un riche travail d’historien, dont la lecture est rendue agréable, et immédiatement accessible à tous, tant l’écriture en est assimilable à celle d’un roman.

L’auteur reconstitue la trajectoire de quatre des grandes puissances contemporaines, avec dessein de mettre en lumière la manière dont elles sont passées, en un laps de temps historique extraordinairement bref, du stade de nations arriérées (par rapport au niveau de modernité et de développement auquel était parvenu, à l’issue d’une évolution bien plus lente, séculaire, l’occident européen) à celui de puissances de premier plan ayant égalé, voire dépassé, le poids économique et l’influence politique des Etats européens qui considéraient il y a peu avec suffisance et mépris leur « sous-développement » vu comme inhérent à leur « sous-culture », voire à des traits génétiques héréditaires ne leur permettant pas de « progresser »…

La Louve de Kharkov, Jean-Louis Bachelet (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 23 Janvier 2024. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

La Louve de Kharkov, Jean-Louis Bachelet, éditions Les Provinciales, octobre 2023, 188 pages, 18 €

 

Dans une page célèbre de sa Poétique, Aristote opposait l’histoire – qui raconte des choses s’étant réellement produites et dit, ou cherche à dire, la vérité, à la poésie, qui conte des histoires inventées. Il n’y a de prime abord rien d’original dans cette opposition, sur laquelle Platon s’était fondé pour exclure les poètes (c’est-à-dire les artistes) de sa Cité idéale, sauf qu’Aristote en déduisait la supériorité paradoxale de la poésie – donc de la fiction – sur l’histoire – donc la réalité ou ce qui passe pour tel : « […] la différence entre l’historien et le poète ne vient pas du fait que l’un s’exprime en vers ou l’autre en prose (on pourrait mettre l’œuvre d’Hérodote en vers, et elle n’en serait pas moins de l’histoire en vers qu’en prose) ; mais elle vient de ce fait que l’un dit ce qui a eu lieu, l’autre ce à quoi l’on peut s’attendre. Voilà pourquoi la poésie est une chose plus philosophique et plus noble que l’histoire : la poésie dit plutôt le général, l’histoire le particulier » (Poétique, chapitre IX, traduction de Michel Magnien).

La Dernière Partie, Wiesław Myśliwski (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 19 Janvier 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Actes Sud

La Dernière Partie, Wiesław Myśliwski, Actes Sud, 2016, trad. polonais, Margot Carlier, 448 pages, 23,80 € Edition: Actes Sud

 

Cet imposant roman de Myśliwski constitue une invite à un foisonnant vagabondage mémoriel. Ecrit à la première personne par un narrateur qui se livre, et ce faisant, potentiellement, se délivre, il conduit le lecteur à décomposer et recomposer le cheminement d’une vie, dans sa plus stricte intimité, par le recoupement d’une série d’épisodes se succédant, se chevauchant parfois, d’une manière absolument décousue, ce qui apparaît comme pouvant métaphoriquement évoquer la période durant laquelle le personnage, alors jeune apprenti tailleur, a pour tâche unique, répétitive, de découdre des vêtements apportés par les clients dans la perspective qu’en soient réutilisées les pièces pour la création d’un nouvel habit.

« Même les gens m’apparaissaient comme à travers leurs coutures, et plus j’observais quelqu’un, plus je ne retenais de lui que ses coutures. En apparence, la personne semblait entière, mais à regarder de plus près, elle se révélait rapiécée avec des morceaux, des bouts, des fragments divers… ».