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Critiques

Des milliers de lunes, Sebastian Barry (par Marie Duclos)

, le Mercredi, 08 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Des milliers de lunes, août 2021, trad. irlandais, Laetitia Devaux, 240 pages, 21 € . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Joelle Losfeld

 

Lorsque l’on referme ce livre, on s’attend à tourner la tête et croiser le regard curieux et mélancolique de Winona Cole, orpheline indienne lakota, sur son mulet à la lisière d’une forêt. Son personnage est riche de ses origines mélangées à sa drôle d’éducation par deux hommes qui après avoir été soldats travaillent dans une ferme qui ne leur appartient pas. Nous sommes dans le Tennessee au cours des années qui suivent la guerre de sécession.

Très vite le lecteur vit les relations de ces personnes pauvres qui font au mieux pour élever Winona en compagnie de Lige, le propriétaire de la ferme, et Rosalee, ancienne esclave, et son fils, et qui travaillent dur. Les sentiments et émotions de chacun sont analysés avec le regard à la fois acéré́ et tendre de la jeune indienne. Le texte allie ainsi légèreté́, profondeur et poésie. La société́ américaine après la guerre est nourrie de violence à l’égard des indiens et des anciens esclaves. Les réflexes identitaires sont très présents.

Plasmas, Céline Minard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Rivages

Plasmas, août 2021, 158 p. 17 € . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Payot

 

Céline Minard est heureusement là dans le paysage littéraire français. Elle étonne et détonne par une virtuosité stylistique hors du commun et une imagination débridée, capable d’inventer des mondes fictionnels plus encore qu’improbables. Le Grand Jeu, Olimpia, Faillir être flingué, Bacchantes (entre autres), sont des jaillissements de territoires inexplorés, saisissants, des explorations de genres ignorés ou presque par la littérature française. La déclamation antique, le western, l’ermitage, le casse et, avec ce roman, la Science-Fiction. Minard est un écrivain. La chose est si rare aujourd’hui en France. Elle crée des mondes et les fait vivre, de toutes pièces, sans s’emberlificoter dans on ne sait quel rapport à la réalité ou à l’actualité. Minard, c’est la mort de l’auto ou de l’exo fiction, c’est la chose littéraire dans sa pureté, sa raison d’être, sa brutalité. Aux tâcherons d’aujourd’hui qui s’essaient péniblement à extraire de l’Histoire, du fait-divers, des biographies de gens célèbres, un vague roman tirebouchonné, emprunté dans tous les sens du terme, sans surprise, Céline Minard répond que la littérature est libre de toute entrave, de toute attache, de tout genre, qu’elle est le territoire infini de l’imaginaire et qu’elle n’a de compte à rendre à personne.

Quat’ saisons, Antoine Blondin (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 07 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Quat’ saisons, Antoine Blondin, juin 2021, 288 pages, 8,50 € Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Les trois premiers romans d’Antoine Blondin (1922-1991) ont été ici même célébrés lors de leur réédition à La Petite Vermillon il y a quatre ans ; puisque cette honorable collection s’obstine à éloigner de l’oubli cet encore plus honorable auteur, célébrons donc le seul recueil de nouvelles publié du vivant de Blondin, Quat’ saisons (1975) augmenté de six nouvelles extraites du recueil posthume Premières et dernières nouvelles (2004, non encore réédité en poche). Une fois n’est pas coutume, plutôt qu’entamer nous-même la glose de Quat’ saisons, laissons l’auteur présenter son livre :

« Au fil d’une année, les voitures des quat’ saisons proposent sur les marchés un fouillis de primeurs contrastées en volumes et en couleurs. Il arrive pourtant qu’un œil sensible découvre une harmonie sous ces disparates : pommes de terre nouvelles, carottes nouvelles, tomates nouvelles… L’auteur de ce livre, à l’éventaire duquel on ne trouve que des nouvelles, tout court, ne souhaite pas autre chose. Il a choisi de remonter le cours des quatre saisons, de l’hiver au printemps, parce qu’ayant été cueilli à froid, il a essayé de terminer sur un coup de grâce ».

La mort écrite de Flaubert, Nécrologies, Marina Girardin (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 06 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

La mort écrite de Flaubert, Nécrologies, Marina Girardin, éditions Honoré Champion, mai 2021, 464 pages, 68 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Les nécrologies de Flaubert ou la fondation d’un mythe littéraire

Que nous disent les nécrologies d’un écrivain ? En quoi ces textes qui annoncent la mort, qui déplorent, qui célèbrent, qui retracent la vie et l’œuvre permettent-ils d’assister « à la naissance […] d’un véritable mythe littéraire » ? C’est à ces questions que répond la riche étude de Marina Girardin, qui a réuni une centaine d’articles nécrologiques dédiés à Gustave Flaubert. Ils sont ici classés chronologiquement et selon leur genre : « Nécrologies », « Les dépêches et reportages d’obsèques », ou encore « Les portraits, témoignages et commentaires ». Cet ensemble met en lumière la manière dont s’opère « une transformation de la relation critique : par sa mort, l’écrivain devient auteur ».

Une année de solitude, Didier Ben Loulou (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits

Une année de solitude, Arnaud Bizalion Éditeur, mai 2021, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Didier Ben Loulou

 

« Jusqu’à quel âge se sent-on immortel ? Sûrement jusqu’à ce que tu ne puisses plus avancer ni sentir les “onze encens de la beauté du monde” ».

« Être à Jérusalem, c’est avoir choisi d’être définitivement dans la rupture ».

« Tu es accompagné, lors de ton dîner ce vendredi soir, par un petit bouquet de fleurs sauvages qui poussent un peu partout en abondance : fleurs jaunes et oranges, capucines et mimosa. Elles tiennent conversation à ton âme et la tendresse de leurs pétales te fait sentir que la vie ne tient qu’à un souffle ».

Une année de solitude, c’est une année passée à écrire, à lire, à écouter, à parler, à photographier, une année virale qui semble durer un siècle. Une année qui s’ouvre un 12 janvier froid à Paris, un jour sans éclat, où les mots et l’amour s’envolent, les uns reviendront, l’autre qui le sait. Une année qui s’achève un an plus tard par une citation d’Hölderlin : Mais toi, tu es né pour un jour limpide. Une année de solitude à Jérusalem, ce lieu hors de tout, intermédiaire entre ciel et terre ; parfois cloîtré dans son bureau, sur sa petite terrasse, parfois arpentant comme il le fait depuis des années les rues de la vieille ville et ses collines.