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Critiques

Enfant de salaud, Sorj Chalandon (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mercredi, 06 Octobre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Grasset

Enfant de salaud, août 2021, 336 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Sorj Chalandon Edition: Grasset


« Si tu doutes de tes pouvoirs, tu donnes du pouvoir à tes doutes, et si tu ne connais pas tes blessures, tu leur donnes ton pouvoir. Si quelqu’un me guérit et me retire mon mal, j’entends aussi qu’il me hisse au niveau de conscience que j’aurais atteint si j’avais moi-même résolu ce que ce mal devait m’apprendre. S’il me laisse dans le même état de conscience après m’avoir retiré mon mal, il me vole l’outil de ma croissance que peut être cette maladie » (Taisha Abelar, Le Passage des sorciers)

Il y a des blessures intimes qui ne cicatrisent jamais. On a beau les enfouir dans un oubli mémoriel, conscient ou non, leur dénier l’évidence de nous avoir construit et nourri en nous une faiblesse passive, voire destructrice, ou au contraire un formidable appétit de vivre, elles continuent de suppurer sans jamais que l’on puisse se défaire de leur attrait méphitique. On y revient sans cesse, poussé par le besoin de comprendre ce qui échappe justement à notre compréhension et nous semble pour cela inacceptable. Ces fantômes que nous avons aimés, avant peut-être de les mépriser, voire de les haïr, hantent nos cimetières intimes.

Julius Winsome, Gerard Donovan (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 05 Octobre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Points

Julius Winsome, Gerard Donovan, trad. américain, Georges-Michel Sarotte, 247 pages, 6,50 € Edition: Points

 

Qui est Julius Winsome ?

Un grand lecteur de William Shakespeare ? Sans aucun doute, au milieu des trois mille trois cent quatre-vingt-deux livres que son père lui a légués.

Un solitaire absolu ? Assurément, dans sa cabane perdue dans une forêt du Maine du nord, à la frontière canadienne.

Le propriétaire d’un chien qu’il aime éperdument ? Bien sûr, son Hobbes adoré, mi-terrier mi-pitbull.

Un sniper exceptionnel ? Aussi, quelques-uns vont en faire la terrible expérience.

Ou bien un serial-killer ? Qui sait ?

Confrontations avec l’histoire, François Hartog (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 05 Octobre 2021. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard), Histoire

Confrontations avec l’histoire, François Hartog, mai 2021, 368 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans le numéro 566 du trimestriel La Recherche, dont le thème est « Le Temps et l’Espace », l’historien François Hartog (1946) répond aux questions de Philippe Pajot – un historien dans « Le magazine de référence scientifique » ? Oui, tout à fait à sa place, en accord total avec le thème développé : le temps. En effet, celui-ci semble avoir définitivement cessé de couler depuis le début de la pandémie en cours, en particulier durant les différents confinements, incitant à un présentisme absolu – lié aussi à l’incapacité que semble avoir l’Homme de se projeter dans l’avenir de façon positive depuis quelques décennies. Pour faire bref, entre des machines qui ont accéléré tant les rapports économiques que les rapports humains, les seconds s’inféodant aux premiers, tous réduits à l’instantanéité (d’ailleurs, il est remarquable qu’un réseau social populaire porte un nom proclamant l’instantanéité comme valeur, Instagram), et l’effondrement de plus en plus envisageable d’un certain modèle civilisationnel, l’Homme s’est réfugié dans le présent, devenu le seul moment à discuter, à prendre en considération – et au passage l’histoire a cédé le pas à la mémoire, la tentative de compréhension du passé a cédé le pas à la commémoration, et l’inscription au Patrimoine Mondial de l’Humanité tel que décrété par l’Unesco est devenue la garante de l’existence.

L’Homme qui peignait les âmes, Metin Arditi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 04 Octobre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Grasset

L’Homme qui peignait les âmes, juin 2021, 292 pages, 20 € . Ecrivain(s): Metin Arditi Edition: Grasset

Il y a, on le sait, beaucoup à dire sur le rapport des religions aux images. La répugnance invincible de l’islam vis-à-vis de toute représentation figurée de Dieu – et même du corps humain – est trop connue pour qu’on insiste longuement, sauf à dire qu’elle renoue avec l’iconophobie du judaïsme ancien (un élément supplémentaire accréditant l’hypothèse selon laquelle le Coran aurait été composé par des rabbins hérétiques). L’attitude du christianisme est plus complexe, peut-être parce qu’il chercha de bonne heure à se démarquer du judaïsme. La représentation du Christ fut admise très tôt, encouragée par l’existence de reliques sur lesquelles son visage, voire son corps entier, se seraient posés. Comme toujours dans le christianisme, il y a une profonde logique interne et une vertigineuse contradiction : pourquoi se priverait-on de représenter un Dieu qui s’est incarné et avait vécu parmi les hommes ? Dans l’ensemble, le catholicisme est demeuré fidèle à cette tradition, malgré d’épisodiques poussées iconoclastes, même si celles-ci ne disaient pas leur nom (ainsi dans les décennies qui suivirent le second concile du Vatican, marquées par l’alignement sur le protestantisme). La Réforme, précisément, se montra nettement plus réservée (existe-t-il beaucoup de grands tableaux religieux protestants ?). Le christianisme orthodoxe a, pour sa part, pris le chemin inverse, à tel point que, lorsqu’on visite une de ses églises, on ne sait où poser le regard, en particulier quand on s’approche de l’iconostase, qui sépare l’espace profane et l’espace sacré.

Le mystère Richelieu, Philippe Le Guillou (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 01 Octobre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Robert Laffont, Histoire

Le mystère Richelieu, Philippe Le Guillou, avril 2021, 180 pages, 18 € Edition: Robert Laffont

 

« À partir d’une simple allure, d’une démarche glissante, latérale, à partir d’une barrette cardinalice – plutôt que l’imposant chapeau à houppes –, à partir d’une forme, un triangle en mouvement, le peintre janséniste, unique portraitiste du cardinal a imposé un genre, de manière définitive. Il a créé l’esthétique du portrait de pouvoir ».

Devant nous : un tableau signé Philippe de Champaigne où apparaît le cardinal de Richelieu, c’est cette apparition qui fonde Le mystère Richelieu, qui le nourrit et qui l’éclaire, comme nous éclaire Philippe Le Guillou, grand lecteur de l’épopée politique du cardinal. Arnaud Jean du Plessis de Richelieu eut un pied au XVIe siècle et son corps souffrant et glorieux se déplaça au XVIIe. C’est le siècle d’un homme qui embrassa le pouvoir, la gloire, suscita des jalousies, des ressentiments et des haines, qui brille dans ce livre. Le mystère Richelieu est le roman de ce pouvoir, le récit de cette épopée, de cet homme d’État, saisi au plus profond de son être par une « mystique de l’État », et c’est ce saisissement que décrit, que fait résonner Philippe Le Guillou, tout attentif qu’il est au parcours de ce religieux d’exception.