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Critiques

À mon père, mon repère, Fawaz Hussain (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

À mon père, mon repère, Éditions du Jasmin, septembre 2021, 206 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain

 

Los

Dans son nouveau livre, Fawaz Hussain s’adresse à son père, un repère pour lui, le fils, un point d’ancrage, un jalon, en un los élogieux : « océan d’amour sans rivage, immensité de bonté ». Il saisit la figure d’un homme rare, cavalier, à la dentition en or, « autrefois une ornementation faciale très courante chez les femmes transitionnelles-traditionnelles (…) un signe de prestige » (Fatima Ayat, Horizons Maghrébins n°25/26, 1994). Cette mode très appréciée a été depuis dépréciée à cause de l’occidentalisation du Maghreb, puis redevenue l’apanage de riches rappeurs internationaux, adeptes de grillz, prothèses en or et incrustations de pierres précieuses. Fawaz Hussain aborde de nouveau sa filiation avec le peuple kurde, dont la présence et la civilisation sont anciennes.

Chroniques du bord du monde, Histoire d’un désert entre Syrie, Irak et Arabie, Vincent Capdepuy (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 02 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Histoire, Payot

Chroniques du bord du monde, Histoire d’un désert entre Syrie, Irak et Arabie, Vincent Capdepuy, mars 2021, 480 pages, 23 € Edition: Payot

 

Intéressantes et documentées chroniques où l’auteur nous rappelle que « les blancs des cartes sont aussi souvent des blancs de l’Histoire, à la lisière parfois de hauts lieux comme Damas ».

Le désert a fait les hommes et les peuples parfois mouvants comme les sables qui en révèlent la matière principale. L’Histoire des peuples est semée d’embûches et d’utilisations diverses rendues pratiques dans le quotidien quand, par exemple, des colonnes antiques sont intégrées au bâti récent.

C’est que l’Histoire, comme le sable, a ses propres et parfois regrettables, mouvances : « L’objectif de ce livre est une tentative de se décentrer en mettant la focale sur la steppe, la badiya, sans qu’on attribue nécessairement une identification précise aux populations qui l’ont habitée : Bédouins, Arabes, Saracènes, Araméens, ou je ne sais quel autre ethnonyme ».

Le Cercueil de Job, Lance Weller (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 01 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Le Cercueil de Job (Job’s Coffin, 2021), septembre 2021, trad américain, François Happe, 465 pages, 25 € . Ecrivain(s): Lance Weller Edition: Gallmeister

 

Lance Weller place son roman sous les ombres tutélaires de Cormac McCarthy et de Shelby Foote. Sa maîtrise stylistique, son sens prodigieux de la structure romanesque, lui permettent cette audace qu’il assume et transcende. Le Cercueil de Job est une traversée sous le ciel du Sud alors que grondent les canons meurtriers de la Guerre Civile, sous les étoiles d’un ciel sans Dieu ou d’un Dieu indifférent au malheur des hommes, jetés dans l’enfer de la folie guerrière ou de la folie raciale et dont la solitude ne se brise que quand une balle vient leur traverser le corps, pour les enlever à ce monde de terreur, ou les en extraire, brisés, abîmés pour toujours. On entend dans l’écriture de Lance Weller le chant désolé de La Route, de Méridien de sang, de Shiloh ; mais on entend surtout la scansion particulière de l’écriture de Lance, qui tourne autour d’une scène, en extrait tout le champ de vision, capte la douleur des personnages et nous l’envoie comme autant de blessures dans nos consciences d’hommes – étrange espèce de ceux qui sont capables de ça. De haïr, de pendre, de brûler vifs, de castrer, de violer, d’exclure des hommes et des femmes de la condition d’humains.

Un libraire, Mérédith Le Dez (par Marie-Hélène Prouteau)

Ecrit par Marie-Hélène Prouteau , le Mercredi, 01 Septembre 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Philippe Rey

Un libraire, Mérédith Le Dez, septembre 2021, 140 pages, 16 € Edition: Philippe Rey

 

C’est un livre vibrant qu’a écrit Mérédith Le Dez, en hommage à Jacques Allano, libraire qui avait cofondé « Le Pain des rêves » à Saint-Brieuc. Celui-ci, parti en retraite après quarante ans de librairie, avait choisi de la reprendre en octobre 2019 pour en éviter la fermeture. Il en a été profondément heureux jusqu’au 16 mai 2020 où, épuisé par le premier confinement, il s’est donné la mort. Écrivain et poète, Mérédith Le Dez fut libraire à ses côtés, embarquée dans ce qu’elle appelle « l’équipage du Pain des rêves ».

La déflagration de l’événement tragique a bouleversé sa vie et radicalement infléchi son trajet d’écrivain. L’écriture, portée ici par un lyrisme très retenu, se fait tombeau littéraire. Tout se passe comme si cette vague noire du drame portait Mérédith Le Dez jusqu’à une intense vérité intérieure qui trouve sa forme la plus accomplie. Le titre indéfini et générique à la fois, la dédicace libellée « Aux essentiels » sont hautement signifiants. Dès le commencement du récit, Mérédith Le Dez a une idée en tête, mettre en lumière l’expérience de tous à travers celle d’un d’entre eux. Porter un questionnement sur les « essentiels » : pourquoi des libraires en temps de détresse, oserait-on en reprenant Hölderlin.

L’exactitude des songes, Denis Grozdanovitch (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Mardi, 31 Août 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts, Le Rouergue

L’exactitude des songes, Denis Grozdanovitch, 128 pages, 22 € Edition: Le Rouergue


« La vision photographique se distingue par une aptitude singulière à découvrir de la beauté dans tout ce que l’on peut apercevoir mais que l’on néglige habituellement comme offrant un aspect trop ordinaire » (Susan Sontag, Sur la photographie).

Le titre du dernier opus de Denis Grozdanovitch, L’exactitude des songes, paru en janvier 2012 aux Éditions du Rouergue, a la beauté mélancolique des oxymores, des vieilles photos sépia, des murs lézardés, des amitiés burinées par le temps.

L’auteur publie ici des photographies prises de 1978 à aujourd’hui, accompagnées de textes courts, empreints d’une lenteur contemplative, tant il s’agit de cueillir, au cœur des choses, la poésie latente qui y gît. – Écrire avec la lumière, sur une plage temporelle de plus de trente ans, impressions fugitives, visions, enthousiasmes, comme pour les ressusciter, puisque, nous le rappelle Denis Grozdanovitch en une manière d’hommage à Marcel Proust, « on ne vit réellement sa vie qu’après coup ».