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Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka (2ème recension)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 06 Novembre 2012. , dans USA, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Phébus

Certaines n’avaient jamais vu la mer, trad. USA par Carine Chichereau, 142 pages, 15 € . Ecrivain(s): Julie Otsuka Edition: Phébus

La lecture de certains romans s’apparente, parfois, à une révélation douloureuse, une évocation puissante, grave. Celui de Julie Otsuka Certaines n’avaient jamais vu la mer est de ceux-là : c’est l’odyssée de jeunes japonaises, à qui on a promis de se marier en émigrant aux Etats-Unis pour rejoindre leurs compatriotes déjà établis en Amérique, et censés leur apporter le bonheur conjugal, l’accès à l’aisance matérielle. Hélas, ces candidates naïves sont cruellement déçues. Elles le sont dès leur traversée en bateau, accomplie dans les pires conditions, plus proche des transports d’esclaves que d’un voyage ordinaire. A leur arrivée, elles endurent des conditions de travail atroces, sont violées par leurs maris, êtres frustes, rustres, dont les métiers réels sont bien moins prestigieux qu’annoncés à leur départ du Japon.

Ce récit, c’est toute une chronique de la vie de ces immigrants japonais des années trente aux Etats-Unis, dont la cohabitation avec les Américains est difficile, parsemée d’embûches, dont l’éloignement culturel des deux civilisations n’est pas la moindre. La maîtrise de la langue anglaise par ces femmes est laborieuse, elles ne parviennent à apprendre que quelques mots durant leur séjour.

Qu'avons-nous fait de nos rêves ?, Jennifer Egan

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 24 Octobre 2012. , dans USA, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Stock

Qu’avons-nous fait de nos rêves ?, trad. de l’anglais (USA) par Sylvie Schneiter, 371 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jennifer Egan Edition: Stock

Tout d’abord, une envie de dire qu’on a déjà lu ça, que c’est de l’histoire ancienne : les années passées, la fuite du temps, la jeunesse un peu paumée, tatouée, « piercée », droguée, rock’n roll, beaucoup musicienne, les rassemblements de foule, la vie dans une cité sans âme, les rêves broyés, rendant à chacun son anonymat premier. Comment s’appelait-il (elle) déjà ? Refaire sa vie, la revivre à l’envers, avec des incrustations ici ou là, des arrêts sur image plus ou moins longs.

Lincoln, le fils adolescent de Sasha, l’a bien compris qui, fou de rock, apprécie la chanson à l’aune de ses pauses.

C’est l’histoire d’un petit groupe de musiciens adolescents, c’est l’histoire du monde du (show) business, des ratés de la vie, des loupés, des actes manqués, comme ces petits assemblages que fait Sasha, cleptomane, des objets dérobés, pour leur donner une autre vie, une autre chance, comme ces distorsions que fait subir à ses journées la petite fille de Sasha, décomposant et recomposant la vie de sa famille en bulles, en arbres généalogiques, en labyrinthes, en jeux fléchés où questions et réponses se mordent la queue, donnant à entendre qu’on peut tout refaire, une fois fixées les choses. Ou ces SMS dont la langue phonétique s’apprécie aussi en langage des signes : ouvrir les doigts ou les rapprocher, pour s’éloigner du texte ou de l’objet de l’échange, ou le faire venir à soi.

L'échec, James Greer

Ecrit par Yann Suty , le Lundi, 22 Octobre 2012. , dans USA, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld

L’échec (The Failure), traduit de l’anglais (USA) par Guylaine Vivarat avec l’auteur, 4 octobre 2012, 212 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): James Greer Edition: Joelle Losfeld

 

Comme le titre l’indique, L’échec est l’histoire d’un échec. Dès la première page, James Greer fait plonger le lecteur au cœur d’une action très absurde. Ed Mémoir est au volant de sa voiture. Son téléphone sonne, mais il ne répond pas. Et c’est dommage pour lui car il aurait alors entendu que son père venait de rendre l’âme et qu’il lui léguait assez pour financer le développement de son prototype, le Pandémonium. S’il avait entendu le téléphone, il aurait sans doute levé le pied et évité la collision frontale avec un véhicule arrivé à contresens et il ne se serait pas retrouvé dans le coma.

Ed conduisait sa voiture juste après « le fiasco du comptoir coréen ». Il venait de braquer un bureau de change dans l’objectif de mettre la main sur 50.000 dollars qui lui permettraient de financer son projet, le Pandémonium.

Le Pandémonium est une technologie de placement de publicités subsensorielles sur le web. « C’est une manière indétectable d’interférer avec des sites Internet en plaçant des messages subsensoriels qui seraient vus à leur insu par ceux qui consultent le site. Par exemple, si tu détestais les Républicains, tu pourrais aller sur un site républicain pour placer un message disant : Votez démocrate ».

Némésis, Philip Roth

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Octobre 2012. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Némésis (Nemesis) trad. USA Marie-Claire Pasquier septembre 2012. 226 p. 19,90 € . Ecrivain(s): Philip Roth Edition: Gallimard

 

"Il faut, avec les mots de tout le monde, écrire comme personne." Colette

 

On ne pourrait mieux épingler l’art éblouissant de Philip Roth que par cette citation. Et en particulier pour donner à ceux qui n’ont pas encore lu Némésis une idée du miracle que produit ce livre : dérouler un récit captivant avec un naturel, une élégance, une authenticité qui sont la marque des seuls grands maîtres.

Tout y est parfait : l’économie et la richesse lexicales, l’organisation serrée et impeccable de la narration, les portraits inoubliables des personnages, le souffle de rage enfin qui emporte tout sur son passage. Presque tranquillement, Philip Roth construit le point d’orgue de son œuvre comme un véritable défi universel.

C, Tom McCarthy

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 09 Octobre 2012. , dans USA, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil), La rentrée littéraire

C (C), trad. de l’anglais par Thierry Decottignies, 23 août 2012, 430 p. 24 € . Ecrivain(s): Tom McCarthy Edition: L'Olivier (Seuil)

 

La quatrième de couverture de C, le nouveau roman de Tom McCarthy, est alléchante au possible :

« Qu’est-ce que C ?

C comme Serge Carrefax. Comme le cyanure avec lequel se suicide Sophie, sa sœur bien-aimée. Comme la cocaïne dont il abuse.

Mais aussi C comme communication. Car Serge, né au début du XXe siècle, en même temps que la télégraphie sans fil, et élevé dans un institut pour sourds, est plongé depuis sa naissance dans un monde étrange et poétique de signaux qu’il ne peut déchiffrer.

Lorsque la guerre de 1914 éclate, c’est la fin de l’idylle. Opérateur radio à bord d’un aéroplane, capturé puis interné en Allemagne, toujours à la recherche de la voix perdue des morts, il participe à l’expédition de Lord Carnavon, l’égyptologue qui, pour avoir violé la tombe de Toutankhamon, mourut, dit-on, de la « malédiction du pharaon ».