L'échec, James Greer
L’échec (The Failure), traduit de l’anglais (USA) par Guylaine Vivarat avec l’auteur, 4 octobre 2012, 212 pages, 19,90 €
Ecrivain(s): James Greer Edition: Joelle Losfeld
Comme le titre l’indique, L’échec est l’histoire d’un échec. Dès la première page, James Greer fait plonger le lecteur au cœur d’une action très absurde. Ed Mémoir est au volant de sa voiture. Son téléphone sonne, mais il ne répond pas. Et c’est dommage pour lui car il aurait alors entendu que son père venait de rendre l’âme et qu’il lui léguait assez pour financer le développement de son prototype, le Pandémonium. S’il avait entendu le téléphone, il aurait sans doute levé le pied et évité la collision frontale avec un véhicule arrivé à contresens et il ne se serait pas retrouvé dans le coma.
Ed conduisait sa voiture juste après « le fiasco du comptoir coréen ». Il venait de braquer un bureau de change dans l’objectif de mettre la main sur 50.000 dollars qui lui permettraient de financer son projet, le Pandémonium.
Le Pandémonium est une technologie de placement de publicités subsensorielles sur le web. « C’est une manière indétectable d’interférer avec des sites Internet en plaçant des messages subsensoriels qui seraient vus à leur insu par ceux qui consultent le site. Par exemple, si tu détestais les Républicains, tu pourrais aller sur un site républicain pour placer un message disant : Votez démocrate ».
Mais il n’a pas répondu au téléphone. Tant pis pour lui.
L’intrigue est finalement assez mince. Ed Mémoir a une idée farfelue. Il a besoin d’argent pour en financer le développement. Il commet un hold-up dans un bureau de change. Cette attaque est un fiasco.
L’originalité est la manière de raconter. Ici, il n’y a rien de linéaire. Au cours des 49 chapitres, James Greer multiplie les aller-retour entre l’avant et l’après accident. Il y a des scènes dans sa chambre d’hôpital. La préparation du braquage. On est deux jours avant le braquage. Ensuite trois mois avant. Trois jours. Deux jours. Le jour même. Une heure avant. Dix minutes avant.
Il multiplie les temps et aussi les points de vue. C’est un grand puzzle à la Alejandro González Inárritu, le réalisateur d’Amours chiennes, de 21 grammes et de Babel qui, avec son scénariste Guillermo Arriaga, n’aimait rien tant que déstructurer un récit. On retrouve aussi l’esprit de Guy Ritchie, surtout du côté de l’humour, avec des films comme Arnaque, crime et botanique. Où, finalement, la faiblesse de l’intrigue est compensée par un grand jeu de montage…
C’est un jeu avec le lecteur auquel se livre James Greer. Si son intrigue avait été linéaire, elle n’aurait eu qu’un intérêt très relatif. Là, il parvient à retenir l’attention, surtout grâce à un humour souvent absurde, très second degré, voire troisième ou quatrième.
Mais c’est un jeu un peu vain, car il manque clairement d’émotion, d’épaisseur. Il manque surtout clairement de littérature. Au fil du livre, la narration s’effiloche et les dialogues se multiplient. On a davantage l’impression de lire un scénario qu’un roman ? Est-ce pour cette raison que la « caution » sur la couverture du livre est le réalisateur de Sexe, mensonges et vidéos ou de Ocean’s Eleven Steven Soderbegh ? Steven Soderbergh qui écrit : « The Failure de James Greer est si bien réussi, dans sa conception aussi bien que dans son exécution, que j’en arrive à douter qu’il l’ait vraiment écrit ».
On pourrait d’ailleurs s’interroger sur cette phrase. Steven Soderbergh figure dans les remerciements de l’auteur. Est-ce parce qu’il considère son ami comme pas assez doué pour avoir pu écrire ce livre ? Ou bien ne veut-il pas croire que ce livre en tant que tel puisse exister ? A moins que ce ne soit là aussi du deuxième degré typique de ce livre…
Yann Suty
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