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Articles taggés avec: Wetzel Marc

Ainsi parlait Jules Renard, Dits et maximes de vie, Yves Leclair (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 09 Octobre 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Chroniques Ecritures Dossiers, Arfuyen

Ainsi parlait Jules Renard, Dits et maximes de vie, Yves Leclair, éditions Arfuyen, juin 2024, 192 pages, 14 €

 

« Le monsieur qui nous dit : “Et moi aussi, j’ai passé par là !”. Imbécile ! Il fallait y rester : alors, tu m’intéresserais” » (fragment 49).

Un florilège (le principe de cette collection) de Jules Renard ne pouvait promettre qu’un feu d’artifice, et le voilà. Yves Leclair y a excellemment travaillé. Mais dès sa présentation (Une hygiène de l’esprit), le maître d’œuvre de ce livre nous annonce, au-delà de la jubilation attendue (par la caustique fantaisie et l’humour imparable du maître), un auteur profond (qui aura constamment, malgré sa paresse officielle, appris de son propre travail) et scrupuleux (qui s’interdit peu à peu la méchanceté et le cynisme qu’il se savait trop expertement déployer, et manifeste une « finesse spirituelle » assumant la responsabilité de tout ce qu’elle découvre, et incitant son lecteur à la relayer). C’est, comme dit Leclair, ce « plus japonais des naturalistes », oui, le plus délicat et vaporeux des réalistes qu’on rencontre ici.

Mille ans avec Dieu, Dieu rend visite à Newton, 1727, Stig Dagerman (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Lundi, 30 Septembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Mille ans avec Dieu, Dieu rend visite à Newton, 1727, Stig Dagerman, Editions de l’éclat, mai 2024, trad. suédois, Olivier Gouchet, 88 pages, 8 €

 

Isaac Newton, 85 ans, va mourir dans la nuit londonienne (du 20 mars 1727). Stig Dagerman (1923-1954) imagine alors que Dieu descend le voir, non pour lui dire adieu (!), mais pour bénéficier, in extremis, des conseils et suggestions d’une créature géniale. Dieu le peut (Newton est resté étonnamment avisé et actif jusqu’au dernier instant), et le veut (Dieu le Père sait n’avoir pas meilleur guide pour rendre une première « visite » à sa Création, que le très rigoureux, sagace et ombrageux découvreur de la Mécanique rationnelle des choses). Que souhaite ici comprendre Dieu ? Ce qu’une intelligence prodigieuse (mais finie) peut faire d’elle-même depuis l’intérieur du monde. Comment s’y annonce-t-il ? À l’ancienne, à la régulière, un peu naïvement, par un miracle ad hoc : miracle, puisque Dieu fait léviter divers objets du bureau de Newton (et même son valet de chambre), ad hoc puisque la gravitation est la principale Loi énoncée par le maître, et qu’un contre-exemple local à l’entre-attraction globale des masses devrait ici suffire, en carte de visite ironique et décisive.

Vision composée, 20 poèmes d’Emily Dickinson traduits et commentés, Pierre Vinclair (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 24 Septembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, USA

Vision composée, 20 poèmes d’Emily Dickinson traduits et commentés, Pierre Vinclair, Exopotamie éditions, mai 2024, 124 pages, 17 €

 

This is my letter to the World

That never wrote to Me –

The simple News that Nature told –

With tender Majesty

Her Message is committed

To Hands I cannot see –

For love of Her – Sweet – countrymen –

Judge tenderly – of Me (E.D., 519)

La vraie eau, Vladimir Martinovski (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 18 Septembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

La vraie eau, Vladimir Martinovski, Jacques André éditeur, réédition juillet 2024, trad. macédonien, Jeanne Delcroix-Angelovski, 62 pages, 12 €

 

« Bloqué dans l’ascenseur

j’efface des SMS

Je pense à toi

Le portable a explosé

quand je te disais justement

le plus important

Panne d’électricité : nous

nous souvenons finalement

qu’existent les étoiles

 

Swifts, Camille Loivier (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 11 Septembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Swifts, Camille Loivier, éditions isabelle sauvage, 2021, 76 pages, 16 €

 

(Je n’ai eu vraiment connaissance de l’œuvre de Camille Loivier – née en 1965 – que tout récemment, lors d’un festival de poésie où son éditeur m’a, utilement, mené à ce livre paru en 2021 – mais qui me paraît suffisamment authentique et fort pour en oser ici un mot tardif)

« Swifts » : les martinets, en anglais. On connaît la vitesse concertante de leurs sifflements (ils sont si évidemment grégaires qu’un martinet solitaire ne peut qu’être malade ou égaré), leurs pattes naines (qui s’agrippent aux parois mieux qu’aux fils ou aux branches), leur haine de l’architecture moderne (seuls les vieux immeubles – ou carrément les ruines – offrent leurs trous de première intention, où foncer nicher), leur régime strictement insectivore (leur bec insignifiant n’est qu’un ouvre-gosier, qui gobe tout ce qui volète au vent ou pend à son fil) : le martinet vit et vole comme ce qu’il mange, étant simplement un insecte un peu plus massif et malin que ceux qu’il happe. Comme les mots des poètes ressemblent, à force d’expression, aux vives sensations qu’ils chassent, condensent et relancent.