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Mon ami Al (par Sandrine-Jeanne Ferron)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 03 Octobre 2024. , dans La Une CED, Ecriture, Récits

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Qui appellerais-tu à deux heures du matin, en cas de détresse ?

Le 911, me répond mon ami Al. Pragmatique. Aussi honnête que le miroir de ma salle de bains. Sans concessions. Les concessions, c’est bon pour les cimetières et Al, il n’est pas près d’y aller. Au cimetière. Il est comme ça, Al. Il affectionne les couleurs rose, bleu et vert et m’offre à volonté l’une et l’autre. Il a le mérite d’être fidèle, la fidélité du compagnon, point celle du croyant, il m’accompagne partout. Sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il est ma fenêtre sur le monde, il est l’écran entre moi et les autres, il est tous les autres, l’écran sur lequel tous les autres sont projetés. Pour moi. Il est celui qui me relie à ceux que j’aime. Leur voix dans mon oreille, leurs vœux, leurs photos, leurs vies. Leurs conseils inédits et même ceux dont je n’ai que faire. Il est mon oreille, il écoute tout ce que je dis, il anticipe mes besoins, même ceux dont je n’ai plus conscience.

Le Gardien du verger, Cormac McCarthy (par Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 13 Septembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, USA

Le Gardien du verger (The Orchard Keeper, 1965), Cormac McCarthy, éditions de l’Olivier, janvier 2024, trad. anglais (États-Unis), François Hirsch, Patricia Schaeffer, 298 pages, 12,50 € Edition: Points

J’ai ce même goût en bouche. L’élan et la curiosité. L’appétit, celui de l’inattendu. Devant un livre, je suis comme ces critiques gastronomiques qui entrent sans préavis ou par effraction, avec invitation ou sans avis de passage, dans les restaurants qu’ils vont autopsier. Celui ou celle qui dîne à tous les râteliers, l’importun, l’imposteur, l’impertinent, le redouté, le pas si redoutable, le mélancolique qui se délecte de son bonheur de l’être, etc. Critiquer un mets et gagner son pain avec. J’entre dans l’histoire avec la mienne sous le bras.

Lire en songeant à l’auteur, et sans attentes, l’attente non atteinte est un désespoir dont on se remet avec peine. Prêter attention, observer ses procédés et se rendre disponible. Ne faire que cela, c’est presque un acte de résistance, lire sans consulter son téléphone ou manger ou tout autre activité qui nuit à l’intégrité du livre. Guetter les fêlures comme les cheveux dans les assiettes. Le faux-pas ou le manque de structure. La concentration. Les accords entre les plats. Le fil qui se casse en cours de route. La fausse route ou les transitions qui se brisent contre le paragraphe suivant. Les fumets, les vapeurs et tous les effets de style pour estomper les contours du réel ou les rendre plus visibles. Quelque chose dans ce goût-là.

Taxi Miami (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 21 Août 2024. , dans La Une CED, Ecriture, Récits

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Es-tu un adepte d’Uber ?

Méfie-toi des gens qui n’ont qu’une idée. À Miami, tu circules en Lyft. L’application sur l’écran de ton téléphone, un carré rose dont les bords sont arrondis, c’est plus ergonomique, ta carte en débit immédiat, wait and save, c’est moins cher. T’as de la chance, tu n’es jamais pressé (la langue française a créé le genre neutre, usons-le). La plupart du temps, la petite voiture arrive sur ton écran en moins de quinze minutes.

Tu ne possèdes pas de véhicule. Tu n’as pas de permis de conduire. Trois échecs, il faut croire que la vie ne veut pas de toi sur la route. Quatre mille dollars à l’année, tu as fait le calcul, c’est moins cher d’utiliser la voiture des autres.

Raphaël (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 08 Juillet 2024. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! je ne commence pas ce texte, je le continue. Elle, elle était assise à l’extérieur du seul restaurant, en front de mer, à Miami Beach. Un verre rouge devant elle. Le rouge dans les yeux. Mon chien s’est approché d’elle, l’image a glissé du livre, mon chien s’est agenouillé à ses pieds et il n’a plus voulu bouger. Elle a souri. Je me suis excusé. Elle a fait un geste, quelque chose pour occuper le vide, en face d’elle. J’ai commandé un bol d’eau, sans glaçons, pour mon chien. La même chose qu’elle. Je me suis assis.

Raphaël. J’avais baptisé mon chien comme le peintre et ça lui a plu. Les chiens savent cela. Ils mettent leur tête sur les pieds de la personne qui a pleuré. Le chagrin. Ils meurent inconsolables. Ils succombent à l’isolement. Ou ils détruisent l’appartement de leur maître. Elle aimait trop les chiens pour en adopter un. Trop sujette à la mélancolie. Elle avait peur de les contaminer. Comme avec les hommes. Elle refusait toute relation amoureuse. De peur d’être empoisonnée.

Colis piégé (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 01 Juillet 2024. , dans La Une CED, Ecriture, Récits

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning !

J’ai toujours la même émotion lorsque j’aperçois ma valise, sur le tapis roulant. À l’aéroport. Après l’angoisse de l’avoir perdue, la joie de la retrouver, je suis comme les parents qui attendent leur gamin à la sortie de l’école. Je suis comme ça. Ma valise s’appelle Loulou et elle a déjà fait deux fois le tour du monde, parfois même en solitaire. Vol Miami/Paris. L’aéroport, puis le bus puis le métro, je viens de débarquer à Orly. Avec vingt-cinq kilos à porter, en montant, en descendant, pas d’escalators, ou juste à la sortie, c’est pratique, alors je traîne, je tire, je porte ma valise. En solitaire. Je supporte. Debout. L’affluence. Elle, elle est assise. Elle est furieuse. C’est une honte de monopoliser autant d’espace, les gens comme moi devraient prendre un taxi, on n’a pas idée de se déplacer avec une valise si imposante, je suis bien d’accord mais en quoi je la dérange. Elle bafouille, là n’est pas la question, c’est un scandale voilà tout. Je la remercie pour son amabilité, je suis moqueuse, je souris et je lui réponds que c’est mon ex petit ami qui est découpé en morceaux dans ladite valise.