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Colis piégé (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard 01.07.24 dans La Une CED, Ecriture, Récits

Colis piégé (par Sandrine Ferron-Veillard)

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning !

J’ai toujours la même émotion lorsque j’aperçois ma valise, sur le tapis roulant. À l’aéroport. Après l’angoisse de l’avoir perdue, la joie de la retrouver, je suis comme les parents qui attendent leur gamin à la sortie de l’école. Je suis comme ça. Ma valise s’appelle Loulou et elle a déjà fait deux fois le tour du monde, parfois même en solitaire. Vol Miami/Paris. L’aéroport, puis le bus puis le métro, je viens de débarquer à Orly. Avec vingt-cinq kilos à porter, en montant, en descendant, pas d’escalators, ou juste à la sortie, c’est pratique, alors je traîne, je tire, je porte ma valise. En solitaire. Je supporte. Debout. L’affluence. Elle, elle est assise. Elle est furieuse. C’est une honte de monopoliser autant d’espace, les gens comme moi devraient prendre un taxi, on n’a pas idée de se déplacer avec une valise si imposante, je suis bien d’accord mais en quoi je la dérange. Elle bafouille, là n’est pas la question, c’est un scandale voilà tout. Je la remercie pour son amabilité, je suis moqueuse, je souris et je lui réponds que c’est mon ex petit ami qui est découpé en morceaux dans ladite valise.

Quelqu’un derrière moi pouffe de rire. Non, tous les Français ne sont pas comme elle, ils ont le sens de l’accueil et de la fraternité, et puis ce sont toujours les plus nantis qui sont les plus inhospitaliers, bref, c’est tout le wagon qui s’en mêle. Le monsieur à côté de moi rate sa station. Je descends à la mienne. Fin de l’histoire. J’arrive chez mon amie qui m’a confié son chien pour deux semaines en échange de son appartement. Le chien est âgé, il doit suivre un traitement matin et soir, pilules à fourrer dans des boulettes de viande mais tout devrait bien se passer. Adresse et numéro de téléphone du vétérinaire. Quatre billets de cinquante euros dans une enveloppe, au cas où. Elle peut partir en paix. Et Frédéric aussi. L’usage du « mais » me préoccupe.

Frédéric est mort. Il faut emmener Frédéric chez le vétérinaire. Faire constater le décès et procéder à l’inhumation. Oui mais comment et dans quoi. La valise. Prendre un taxi. C’est ridicule. Le vétérinaire est à six stations. Je prends un drap. Le linceul. Et je glisse Frédéric dessus. Dans ma valise. Le métro. Les marches. En descendant. En montant. Un type propose de m’aider. Bien sûr que j’accepte. Qu’est-ce que je transporte de si lourd, dans cette valise. Du matériel informatique. Eh bien, le type, vous savez quoi ? il s’est barré avec la valise !

Expliquer par texto à mon amie que non seulement son chien est mort mais en plus qu’il a disparu. Mon amie m’a répondu : MDR. Elle m’a répondu que ce n’était pas ma faute et que ça lui passera l’envie de voler désormais. J’ai cru qu’elle parlait de Frédéric. Frédéric qui portait le prénom de son ex, le chien de son ex. Et c’est moi qui ai pleuré. La disparition. Et je suis allée acheter une nouvelle valise et je l’ai baptisée Frédérique.

 

Sandrine-Jeanne Ferron



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A propos du rédacteur

Jeanne Ferron-Veillard

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Jeanne Ferron-Veillard naît le 16 septembre 1975, à Lorient. Grandit en Bretagne puis à Albi. A l’âge des grandes mutations, part sur Paris : pensionnaire à l’école de La Légion d’Honneur. Les études ? Niveau licence, quelques souvenirs en Lettres Modernes. Puis ce sera l’Angleterre où elle restera quatre années. Retour en France, entre autres responsable d’une très jolie librairie à Paris. Petit tour de France puis du monde, lit, écrit et vit depuis au même endroit incognito.