Lire Gramsci est naturellement un moment important pour la compréhension de l’histoire de la pensée au XXème siècle, de l’histoire du mouvement social et du communisme européen. Et pourtant le bonheur que procure la lecture de ce livre particulier n’a pas grand-chose à voir avec cela. On y trouve rassemblés des textes divers, portant sur les sujets de prédilection d’Antonio Gramsci : les valeurs humaines, la fonction de la culture, les vertus de l’homme privé, la grandeur des humbles. On y trouve surtout une écriture stupéfiante comparée aux grands textes du genre : à la fois très belle et totalement décalée par rapport aux « écrits politiques ». Loin de Lénine, de Mao, du Che, la petite chanson d’Antonio Gramsci fait entendre sa différence radicale.
Point de leçon de socialisme, point de credo révolutionnaire, point de méthode de prise de pouvoir ni de dictature du prolétariat ! Non. Des textes qui parlent de l’amour des hommes et le cœur de Gramsci se confond magnifiquement avec son intelligence. Gramsci aime le genre humain, authentiquement, pas comme « masse » de manœuvre. Il aime les hommes, les femmes du peuple un par un, dans leurs qualités personnelles, leur dévouement, leur labeur, leur humilité. Il aime la morale individuelle, la capacité des humbles à s’entraider, à se soutenir dans la misère, malgré la misère.