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Rivages poche

Pourquoi aurais-je survécu ?, Edith Bruck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 01 Avril 2022. , dans Rivages poche, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Italie

Pourquoi aurais-je survécu ?, Edith Bruck, janvier 2022, trad. italien, René de Ceccatty, 128 pages, 8,50 € Edition: Rivages poche

 

En cette année de 77ème commémoration de la libération du camp d’Auschwitz, plusieurs publications permettent d’évaluer la tragédie : Auschwitz, ville tranquille, de Primo Levi, Le Pain perdu, d’Edith Bruck, et ses propres poèmes sur le camp d’extermination et ce qui a suivi.

Agée de 91 ans, Edith Bruck vit toujours et voit rassemblés ses poèmes de diverses époques.

La question du titre, incisive, quand on a perdu la moitié de sa famille dans les camps, trouve plusieurs réponses : la vie miraculeuse après les pertes, la volonté de témoigner en dépit de tout, la survie en poèmes et en actes, etc.

La poète, à côté de nombreux récits et témoignages, veut ici inscrire en poèmes forts, incisifs et brûlants, sa vision, par l’adulte, par la petite fille qui a vécu cela, par la force d’une mémoire intacte et intègre pour rameuter tout : les visages de ses proches, la dureté des temps, la mère, Dieu, le complice que fut son mari Nelo, lui aussi disparu.

Une dame perdue, Willa Cather (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 22 Septembre 2021. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Une dame perdue (A Lost Lady, 1923), trad. américain, Marc Chenetier, 190 pages, 7,20 € . Ecrivain(s): Willa Cather Edition: Rivages poche

 

Willa Cather est une incomparable portraitiste de femmes. Nous l’avions pointé déjà à propos de Mon ennemie mortelle (My Mortal Enemy, 1927), où le personnage de Myra Driscoll éclaboussait le lecteur de sa beauté, de son intelligence et de sa séduction. C’est une autre dame splendide qui est le personnage central de ce roman, Marian Forrester. Elle règne sur la propriété familiale, quelque part à l’Ouest, sur la ligne de chemin de fer Burlington qui ouvre le chemin des Nouvelles Frontières. Sa beauté parfaite, son élégance vestimentaire et morale, sa générosité et son attention envers les autres, en font une femme d’exception. Le bon capitaine Forrester, son vieil époux – ils ont 25 ans d’écart – débonnaire et au grand cœur, la rend parfaitement heureuse.

Une ombre cependant : ils n’ont pas eu d’enfant mais Marian sait attirer autour d’elle ceux du village, des gamins pauvres pour la plupart et éblouis par leur bonne « déesse », qui s’intéresse à eux, les invite à jouer sur ses terres et au bord de son étang, leur offre des goûters délicieux.

La Patte du chat, Jacques Cazotte (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 26 Mai 2021. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Contes

La Patte du chat, Jacques Cazotte, avril 2021, 96 pages, 7,60 €

 

Complexe histoire que celle de Jacques Cazotte (1719-1792), pourfendeur des mœurs de son temps, et pourtant fidèle à un esprit « Ancien Régime » au point d’avoir dit, en montant sur l’échafaud : « Je meurs comme j’ai vécu, fidèle à mon Dieu et à mon roi ». Pour lui, à la fin de sa vie, alors qu’il est entré dans les ordres, le Bien est incarné en la cause royaliste, et la Révolution, c’est le Mal en action. Le Mal est déjà au cœur de son récit le plus célèbre, Le Diable amoureux, publié en 1771, cette « nouvelle espagnole » qui valut à son auteur le titre de « père du fantastique » français.

Du Diable amoureux, rien ne sera dit ici, car c’est un récit paru trente années auparavant qui retient notre attention, actualité éditoriale et curiosité littéraire obligent : La Patte du chat. L’expression « curiosité littéraire » n’est pas vaine : ce bref récit, par un tout jeune homme, est dans la veine parodique de son époque, à mi-chemin entre le conte de fées remis au goût du jour à la fin du siècle précédent (d’Aulnoy, Perrault) et l’orientalisme dans l’air du temps depuis qu’Antoine Galland a refondu en français Les Mille et une nuits.

Le philosophe sans maître, Ibn Tufayl (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 15 Avril 2021. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Le philosophe sans maître, Ibn Tufayl, Traduit de l’arabe par Etienne-Marc Quatremer, février 2021, 215 pages, 9,10 €

 

Le philosophe autodidacte

Le philosophe sans maître ou Le Philosophe autodidacte est un « chef-d’œuvre de la philosophie arabo-andalouse » (Brenet), écrit par Abu Jaafar Ebn Tophail ou Ibn Tufayl (en arabe : ابن طفيل), né en 1110 à Wadi-Asch, aujourd’hui Guadix, et mort en 1185 à Marrakech, présenté ici dans la traduction d’Étienne Marc Quatremère (1782-1857). L’ouvrage commence par une allégeance à l’Islam, et d’emblée place le texte sous l’égide de la révélation et de la mystique.

Dans Le philosophe sans maître, l’exemple de l’homme aveugle, qui apprend par la seule force de son intelligence le nom et la qualité de ce qui l’entoure, est une théorie aristotélicienne de la reconnaissance des espèces et de leur classification. Une fois guéri, l’aveugle « trouvera toutes choses exactement conformes aux idées qu’il s’en était formées » (Tufayl). Bien entendu, cette faculté de connaissance ne s’obtient que grâce à « la contemplation », et ne parvient qu’avec « l’union », traduit en arabe par « la familiarité avec Dieu », la « sainteté parfaite ».

La vérité des masques, Essais et aphorismes, Oscar Wilde (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 08 Janvier 2021. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Iles britanniques

La vérité des masques, Essais et aphorismes, octobre 2020, trad. anglais, Jules Cantel, François Dupuigrenet, 368 pages, 9,70 € . Ecrivain(s): Oscar Wilde Edition: Rivages poche

 

Éloge et dithyrambe : le critique en esthète

Oscar Fingal O’Flahertie Wills Wilde, dit Oscar Wilde, né le 16 octobre 1854, fut un des dramaturges les plus en vue de Londres. Condamné à deux ans de travaux forcés pour « grave immoralité », il mourut dans le dénuement à Paris, en 1906, à l’âge de 46 ans. Son ouvrage, La vérité des masques, Essais et aphorismes, est conçu comme une sorte de bréviaire critique, présenté ici dans la traduction historique de Jules Cantel et dont François Dupuigrenet Desroussilles, chartiste, a assuré la direction, la préface et traduit le chapitre des Maximes. Ces Maximes à l’usage des jeunes gens et pour l’instruction des personnes instruites sont rédigées sur un ton caustique. « Tout et son contraire » serait l’adage adopté par Wilde pour ses aphorismes brillants, traités sur un mode faussement désinvolte. Les vérités pratiques de l’opinion, c’est-à-dire les idées reçues, les stéréotypes, sont dévidés sous le rouet de la langue irrévérencieuse du grand auteur irlandais.