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Rivages poche

Pro domo et mundo, Aphorismes et réflexions II, Karl Kraus

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 19 Mai 2015. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Langue allemande

Pro domo et mundo, Aphorismes et réflexions II, mars 2015, traduction de l’Allemand et préface de Pierre Deshusses, 176 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Karl Kraus Edition: Rivages poche

Cela faisait des siècles qu’on ne crachait plus quand passait un écrivain.

Avant la création du monde, le dernier couple d’humains sera chassé du jardin de l’hôpital.

Il y a des gens qui en veulent toute leur vie à un mendiant de ne rien lui avoir donné.

Proposition pour regagner cette ville : modification du dialecte et interdiction de la reproduction.

 

Karl Kraus écrit à Vienne, entre deux catastrophes annoncées, la fin de l’empire austro-hongrois des Habsbourg et l’avènement du national-socialisme allemand. Il ne cesse dans son journal Die Fackel de mettre en garde ses lecteurs contre la ruine qui s’annonce. Karl Kraus est en guerre, en guerre permanente contre la langue frelatée des journalistes, contre la bourgeoisie, le mensonge, la corruption, et la manipulation des masses, mais aussi les complaisances douteuses et les dénis de justice. Il manie la satire et l’attaque directe, la visée frontale, c’est un snipper, la plume et la parole, car il se pique également d’organiser des soirées de lectures publiques qui connaissent de grands succès – ce que j’écris est du théâtre écrit.

Les exploits d’un jeune Don Juan, suivi de Les Onze mille verges, Guillaume Apollinaire

Ecrit par Frédéric Aribit , le Samedi, 08 Février 2014. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Contes

Les exploits d’un jeune Don Juan, suivi de Les Onze mille verges, 2013, préface de Christelle Taraud, 284 p. 7,65 € . Ecrivain(s): Guillaume Apollinaire Edition: Rivages poche

 

Rien n’est aussi contagieux que le sexe. Les moralistes de tout poil, qui n’ont souvent été à cheval que sur les principes, le savent bien qui, siècle après siècle et de quelque bénitier qu’ils se réclament, se sont acharnés à interdire ces « livres qu’on ne lit que d’une main » dont parlait Jean-Jacques Rousseau. Qu’il y ait là, dans ces pages, quelque chose qui plonge au plus profond de l’indicible, qui nous ramène au fond de ces désirs aveugles, informulables, inavouables, et où l’on retrouve le corps immédiat de l’autre, dans cette disponibilité réciproque où l’on pourrait mourir, bref qu’il s’agisse d’une liberté d’être à laquelle personne n’est jamais obligé, mais où l’humanité entière se donne toujours son rendez-vous nocturne, de quelque façon qu’elle l’accepte ou qu’elle le refuse, tout cela n’y aura jamais rien fait. Les interdictions continuent de tomber comme des couperets.

Charles Baudelaire, Théophile Gautier

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 06 Février 2014. , dans Rivages poche, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie

Charles Baudelaire. Septembre 2013. 118 p. 6,10 € . Ecrivain(s): Théophile Gautier Edition: Rivages poche

 

La lecture de ce petit fascicule ne peut qu’emporter et l’adhésion et l’enthousiasme du lecteur. Théophile Gautier montre un double mérite dans cette œuvre.

Tout d’abord, bien sûr, être le premier à écrire un grand texte sur Baudelaire. Pour nous, lecteurs d’aujourd’hui, ce petit livre s’ajoute à la montagne de textes, analyses, exégèses, biographies qui se sont accumulés sur Charles Baudelaire depuis 150 ans. Mais en fait, c’est bien le premier chronologiquement que nous avons là dans les mains. Un développement du discours funèbre que Gautier ne prononça pas au cimetière Montparnasse le 2 septembre 1867, quand l’auteur des Fleurs du mal fut porté en terre en présence de quelques personnes, de quelques amis.

Et le second mérite – pas le moindre – rendre au plus tôt à Baudelaire la place qui lui appartient, la première parmi les poètes ! Gautier n’a pas attendu la mort de Baudelaire pour le faire, ce qui rehausse encore l’intelligence de sa lecture. Depuis la parution des Fleurs, Gautier n’a cessé de dire son admiration pour l’œuvre et son auteur, alors que les imbéciles déchainaient leur fiel – par Figaro interposé entre autres – contre le recueil qui allait bouleverser à jamais la poésie française ! Baudelaire ne s’y trompa guère en dédiant ses « Fleurs » à Gautier, au « poète impeccable ».

De tes yeux, tu me vis, Sjon

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 10 Juin 2013. , dans Rivages poche, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Pays nordiques, Roman

De tes yeux, tu me vis, traduit de l’islandais par Eric Boury, 2013, 320 pages, 9,15 € . Ecrivain(s): Sjon Edition: Rivages poche

 

Un rêve ? Un fil de lecture ? Une vue onirique de la guerre depuis un lieu préservé ? Aucun des personnages de cette « histoire d’amour » ne semble avoir d’épaisseur, prisonnier qu’il est des matriochkas d’une pensée poétique, kaléidoscope déformant et reformant sens et paysages mentaux : « Et quand il ne leur resta plus qu’à border la jeune fille dans le livre, à la napper de lait et de pain, à poser le matelas sur le secrétaire afin qu’elle puisse lire tandis qu’elle mangerait quelques allumettes et qu’elle se désaltérerait avec un peu de cire chaude, ils avaient eu tout le loisir d’examiner le malheureux qui dormait comme un ange malgré tout ce vacarme » (p.125-126).

Vies dans un rêve, rêve de vies éparses, souvenirs empruntés… L’étrangeté fantastique du monde de Kafka y côtoie la spiritualité hébraïque « Quand je n’étais qu’une matière informe,

tes yeux me voyaient » (Psaumes, 139,16).

Nombreux sont les clins d’œil cinématographiques :

Les forêts du Maine, Henry David Thoreau

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 17 Janvier 2013. , dans Rivages poche, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Récits

Les forêts du Maine, Henry David Thoreau. Trad. de l'anglais (USA) et présenté par Thierry Gillyboeuf. septembre 2012. 216 p. 8,65 € . Ecrivain(s): Henry David Thoreau Edition: Rivages poche

 

Si écologistes, panthéistes et autres adorateurs de la nature se réclament depuis toujours de Henry David Thoreau, il en est qui pourraient le faire de toute évidence mais qui n’en ont pas eu l’occasion, ce sont les romantiques européens. Remarquez l’inverse est tout aussi vrai. Thoreau partage assurément des sources d’inspiration littéraire avec le vaste courant romantique, de Rousseau à Goethe, à Hugo – avec un arrêt important du côté de chez Chateaubriand. Des pages entières du Génie du christianisme – toutes celles qui concernent les forêts du Nouveau-Monde – évoquent Thoreau à s’y méprendre. Qu’on en juge :

« La rivière qui coulait à mes pieds, tour à tour se perdait dans les bois, tour à tour reparaissait toute brillante des constellations de la nuit, qu'elle répétait dans son sein. Dans une vaste prairie, de l'autre côté de cette rivière, la clarté de la lune dormait sans mouvement, sur les gazons. Des bouleaux agités par les brises, et dispersés çà et là dans la savane, formaient des îles d'ombres flottantes, sur une mer immobile de lumière. Auprès, tout était silence et repos, hors la chute de quelques feuilles, le passage brusque d'un vent subit, les gémissements rares et interrompus de la hulotte ; »