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Recensions

Célébrations du Bonheur, Emmanuel Jaffelin (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 24 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, Essais, La Une Livres

Célébrations du Bonheur, Emmanuel Jaffelin, Michel Lafon, septembre 2021, 176 pages, 12 €

L’essai d’Emmanuel Jaffelin cherche à nous mettre sur la voie du bonheur et de la sagesse, par une démonstration très didactique en trois parties : l’auteur établit une distinction entre le Malheur, l’Heur et le Bonheur. Le Malheur provient d’un être « méchant », victime de ses pulsions ou passions ; le Malheur est toujours possible car aléatoire, et souvent ressenti comme une injustice. L’Heur, c’est-à-dire la chance, le hasard, apporte momentanément un bienfait, tel le coup de foudre ou le gain au jeu de hasard et d’argent. Le Bonheur, au contraire, est un état qui dépend de soi, qui relève de notre propre volonté et de notre détachement des passions. A l’appui de la démonstration sont convoqués de nombreux exemples, fictionnels ou factuels, mythiques ou contemporains : l’amour (malheureux ?) de Roméo et Juliette, l’histoire de quelques (heureux ?) gagnants du Loto, l’expérience des stoïciens, tel l’esclave Epictète, la vie de l’astrophysicien Stephen Hawking, atteint de sclérose latérale amyotrophique, ou de Jean-Dominique Bauby, qui souffre du syndrome d’enfermement, les amours romancées de Solal et Ariane dans Belle du Seigneur ou de Chloé et Colin dans L’Ecume des jours, les épisodes de la série Minority Report, inspirés de l’ouvrage de Philip K. Dick et auparavant adaptés en film par Steven Spielberg en 2002, le film Quatre mariages et un enterrement (1994) avec Hugh Grant, etc.

L’Amoureuse, Le roman de Marie-Madeleine, Cécilia Dutter (par Laurent Bettoni)

Ecrit par Laurent Bettoni , le Jeudi, 23 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman

L’Amoureuse, Le roman de Marie-Madeleine, éditions Tallandier, août 2021, 280 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Cécilia Dutter

Marie est une jeune fille de 13 ans qui vit avec ses parents, sa sœur et son frère, à Béthanie, en Judée, au 1er siècle. Son avenir y est tout tracé : on lui trouvera bientôt un homme aux côtés de qui elle pourra devenir une épouse modèle et une mère de famille soumise à la loi maritale. Mais l’adolescente refuse de se plier à ces règles établies par les Juifs pieux de son époque pour mieux enfermer la femme. Au lieu de cela, elle rêve de liberté, de luxe, de richesse, de plaisir. Elle rêve de vivre comme les aristocrates proches du pouvoir romain. Alors, un jour, elle s’enfuit du foyer parental où elle s’ennuie ferme sans avoir plus rien à espérer et se rend à Magdala.

Sensuelle et audacieuse, elle ne tarde pas à faire tourner les têtes et devient très rapidement Marie de Magdala, la courtisane la plus prisée de Palestine. Les hommes puissants sont à ses pieds et y déposent des richesses… en échange d’une nuit, d’une nuit seulement. Ainsi Marie enchaîne-t-elle les amants et les ébats, mais ces aventures d’un soir restent sans lendemain et ne sont rien d’autre, au fond, que des passes tarifées, là où la jeune femme espère et croit naïvement à chaque fois en l’amour. Car en plus de sa couche, elle ouvre toujours son cœur. C’est pourquoi, après dix ans d’une vie de débauche, elle ressent un profond vide en elle et craint de sombrer dans la vacuité de son existence.

Les Roses bleues de Ravensbrück, Jeanine Baude (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 21 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Les Roses bleues de Ravensbrück, Jeanine Baude, Éditions La Rumeur Libre, avril 2021, 80 pages, 15 €

 

Dédié à nombre de femmes qui ont subi les camps, ici Ravensbrück, et en particulier à sa tante Adrienne, le livre de Jeanine Baude tente un hommage désespéré à toutes celles qui ont souffert des camps nazis et ont « entamé » littéralement leur vie aux griffures des camps de la mort. Parallèlement à ces destins broyés, la poète souligne son propre destin, de souffrante. Elle a connu le cancer et ses affres. Elle chante ainsi à deux tons la destinée des femmes, des blessées, des souffrantes de la vie ordinaire.

La poète sait mieux que quiconque que l’histoire ne se balaie pas d’un coup de déni (comme ces falsificateurs nombreux qui inventent, faussent, mentent sur l’histoire). Baude restitue l’histoire vraie de ces femmes, enfermées dans un camp pour femmes, avec tous les « bleus » de leur histoire. Les voilà traquées, haïes, violentées. Les voilà parquées comme du bétail, prêtes à subir poux, maladies, blessures, faim, viols. Elles sont les « roses bleues », ces roses anéanties, qu’une couleur du bleu de la peau abîmée et meurtrie hisse au destin funeste des victimes, des affligées.

Dernière nuit à Montréal / L’Hôtel de verre, Emily St. John Mandel (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 20 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, Polars, La Une Livres, Canada anglophone, Rivages

Dernière nuit à Montréal, mars 2021, trad. Gérard de Cherge, 346 pages, 9,15 € / L’Hôtel de verre, mars 2021, trad. Gérard de Cherge, 398 pages, 22 € . Ecrivain(s): Emily St. John Mandell Edition: Rivages

 

Dernière nuit à Montréal est le premier roman publié par Emily St. John Mandel. Tout commence par une histoire d’amour. Eli, étudiant en linguistique, rencontre Lilia. Il est très épris et pense avoir trouvé en cette dernière la « femme de sa vie ». Lilia semble très attachée à Eli. Et puis, un jour celle-ci dit à Eli vouloir aller acheter le journal. Et, elle ne reparaîtra pas. Eli fera le tour du voisinage, en vain. Et, il se souviendra de ce que lui avait raconté Lilia, que son père l’avait enlevée, l’arrachant à l’emprise d’une mère qu’elle n’aimait pas et qui n’avait d’attention que pour son frère. Elle n’avait alors que sept ans. Elle lui avait dit aussi avoir voyagé de lieu en lieu, d’hôtel en refuge quatorze ans durant, fuyant cette mère. Il lui arrivait juste de laisser sur les pages des bibles Gideon trouvées dans les hôtels quelques lignes : « Arrêtez de me chercher. Je n’ai pas disparu ; je ne veux pas qu’on me retrouve. Je désire rester volatilisée. Je ne veux pas renter à la maison. Lilia ». Seulement, aujourd’hui Lilia est majeure et peut faire ce qu’elle veut.

Berlin Requiem, Xavier-Marie Bonnot (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 17 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Plon

Berlin Requiem, Xavier-Marie Bonnot, septembre 2021, 360 pages, 19 € Edition: Plon

 

Que peut un artiste, un intellectuel, une sommité face à la barbarie d’un régime totalitaire ? Xavier-Marie Bonnot tente de répondre à cette question en mêlant dans ce roman des éléments historiques, tels que les relations du chef d’orchestre du Philarmoniker de Berlin, Wilhelm Furtwängler, avec le régime nazi et ses dignitaires ; et par l’introduction de personnages totalement fictifs, Rodolphe Meister, fils d’une célèbre cantatrice, Christa Meister. Tous trois sont nés à Berlin, se connaissent et se fréquentent, à tel point que le jeune Rodolphe, musicien lui-même, envisage secrètement d’égaler Furtwängler et de le remplacer, si le destin lui sourit. Mais dans ce récit, ce qui est abordé, c’est la question du rapport de l’art et du pouvoir politique. Ainsi, une conversation entre le Führer et le célèbre chef d’orchestre est-elle évoquée au début du roman : les divergences sur le pouvoir de la musique apparaissent : pour Hitler, c’est faire de la musique le « guide de tout un peuple » ; pour Furtwängler, la musique agit autant sur la raison que sur les sentiments. A la fin de cette conversation, le maestro trouve Hitler commun et médiocre : « Cet homme a une multitude d’idées marginales et fort conventionnelles sur l’art. Sa médiocrité m’aurait effrayé si je n’avais pas été persuadé que jamais il ne parviendrait au pouvoir », note-il dans son carnet.