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Recensions

La Dame au cabriolet, Guiou & Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 19 Août 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Serge Safran éditeur

La Dame au cabriolet, Guiou & Morales, juillet 2021, 160 pages, 16,90 € Edition: Serge Safran éditeur

 

« Mon cœur battait si fort que j’étais en apnée. Il faudra que je consulte mon cardio. Je ne pouvais plus respirer, plus parler, plus déglutir. J’irai voir aussi mon ORL. J’entrai dans le bureau. Ils gisaient là tous les trois, étalés à même le sol dans une mare de sang. En faisant rapidement le déroulé des opérations, j’arrivai à la conclusion qu’ils ne s’étaient pas mis d’accord. J’ai oublié d’être conne ».

Dominique Guiou et Thomas Morales ont réussi un réjouissant petit roman policier écrit à quatre mains et à mille idées, inventant par la grâce du roman un privé : une Dame au cabriolet. Yvonne Vitti n’est pas de son temps, mais d’une autre époque, celle des chansons italiennes que plus personne n’écoute et des voitures décapotables fumantes et pétaradantes, qui énervent les écologistes, elle roule au volant d’une Saab cabriolet jaune citron sans âge, et celle des films aux répliques pétillantes et piquantes. On imagine sans mal Yvonne Vitti face à Jean-Pierre Marielle sous l’œil amusé de Philippe de Broca, une héroïne comme le cinématographe, aujourd’hui trop occupé à s’auto-célébrer, n’ose plus en inventer.

Les Centaures, André Lichtenberger (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 18 Août 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman

Les Centaures, André Lichtenberger, Editions Callidor, 2017, Ill. Victor Prouvé, 288 pages, 20 €

 

Avec Les Centaures d’André Lichtenberger, les éditions Callidor remettent en avant un roman qui avait été oublié, dont la dernière réédition remontait à 1924, et dès lors considéré, selon l’éditeur lui-même, comme « le premier roman de fantasy français ».

Initialement publié en 1904, Les Centaures met en scène trois races dominantes sur une terre dont l’époque semble très lointaine, sinon indéterminée. Ces trois races sont les tritons, les faunes et les centaures, ces derniers étant en vérité, par leur force physique exceptionnelle, les véritables dominateurs, ceux dont les paroles de paix ne doivent jamais être bafouées, au risque d’un châtiment suprême. En effet, si l’ensemble des bêtes vouent une gratitude sans pareille aux maîtres centaures, les attaques meurtrières ne sont pas tolérées. Les mangeurs de chair ne peuvent bénéficier de nourriture qu’en se penchant sur des cadavres, quand la nature a fait son devoir. Si un animal agit contrairement à cette loi, il n’existe aucun compromis : il mourra rapidement sous les coups furibonds, violents et indomptables des centaures, qui useront de massues, de leurs sabots et de leurs muscles.

Trahison, Lilja Sigurdardóttir (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 18 Août 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Points

Trahison, Lilja Sigurdardóttir, juin 2020, trad. islandais, Jean-Christophe Salaün, 330 pages, 22 € Edition: Points

 

Ce roman n’est pas à proprement parler un polar, c’est plutôt un thriller politique.

Úrsúla Aradóttir, une jeune femme pleine d’énergie, habituée à travailler pour des missions humanitaires dans des ONG internationales, notamment en Afrique, se voit proposer, à peine rentrée dans son pays, l’Islande, le poste de ministre de l’intérieur. Pensant pouvoir apporter à sa terre natale un peu de son expérience recueillie dans des contrées en voie de développement, elle accepte. Du jour au lendemain elle va se voir projetée sur le devant de la scène dans le milieu politique dont elle ignore tout des pratiques. Úrsúla tient à rester, malgré l’importance de ses fonctions, une femme simple, comme les autres elle veut s’occuper de son mari, de ses enfants, conduire sa voiture. Mais elle s’aperçoit bientôt, alors qu’un SDF un peu violent a trouvé refuge dans son véhicule, que cela ne peut être le cas, elle devra prendre une voiture avec chauffeur et garde du corps. Cette agression si bégnine soit-elle, en apparence, lui ouvre les yeux sur le regard de certains de ses collègues plutôt moqueurs et machistes.

Requiem pour une République, Thomas Cantaloube / Frakas, Thomas Cantaloube (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 06 Juillet 2021. , dans Recensions, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, Gallimard

Edition: Gallimard

Requiem pour une République, Thomas Cantaloube, Folio Policier, avril 2021, 544 pages, 9,20 €

Frakas, Thomas Cantaloube, Gallimard Série Noire, avril 2021, 420 pages, 19 €

 

Requiem pour une République et Frakas ont pour point commun d’être deux romans policiers historiques se déroulant au début de la Ve République. Le premier couvre la période de septembre 1959 à avril 1962, le second de mai 1962 à août 1962. La première période est celle de la décolonisation algérienne, la seconde, celle de la guerre du Cameroun et le début de la « Françafrique ». Les deux ouvrages ont pour trait commun d’emprunter à la réalité sur fond de fiction pour mieux faire comprendre les enjeux politiques et mercantiles ainsi que le climat et les évènements de ces époques. Ainsi trouve-t-on, par exemple, parmi les héros récurrents des deux volumes, Luc Blanchard, Sirius Volkstrom, Antoine Carrega, des silhouettes de personnes connues qui passent en arrière-plan, telles celles du préfet Papon, du sénateur Mitterrand, de Marcantoni, de Charles Pasqua, de Jean-Marie le Pen, de Jean-Pierre Melville, ou bien celle de Gaston Deferre.

Les Délices de Turquie, Jan Wolkers (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 05 Juillet 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Belfond

Les Délices de Turquie, Jan Wolkers, juin 2021, trad. néerlandais (Pays-Bas) Lode Roelandt, 188 pages, 14 € Edition: Belfond

 

« J’étais vraiment dans la merde depuis qu’elle m’avait plaqué. Je ne travaillais plus. Je ne mangeais plus. Toute la journée, je restais allongé entre mes draps sales et je collais le nez sur des photos d’elle à poil, si bien que je pouvais m’imaginer voir frémir ses longs cils surchargés de rimmel lorsque je me branlais ».

Ce sont là les premières lignes du roman de Jan Wolkers. Elles donnent le ton d’un texte dont la trame est somme toute banale : le narrateur se fait plaquer par sa femme, il est malheureux parce que toujours amoureux, jusqu’à l’accompagner dans ses derniers moments. En revanche, c’est bien le ton qui donne au texte sa saveur. Est-il osé ? Certes. Est-il cru ? Parfois aussi. Est-il tendre ? A l’évidence oui.

Ce roman, paru aux Pays-Bas en 1969, et en 1976 pour sa première édition chez Belfond, et réédité à plusieurs reprises, est soutenu par une écriture qui recèle une fougue qui ne s’embarrasse pas du superflu, mais qui ne fait pas non plus l’économie du détail, croustillant si besoin est, morbide quand il le faut, et qui vise à foudroyer les méandres d’une société où les non-dits et l’hypocrisie règnent.