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Recensions

S’adapter, Clara Dupont-Monod, Stock (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 08 Décembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Stock

S’adapter, août 2021, 171 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Clara Dupont-Monod Edition: Stock

 

Il a dix ans quand il s’éteint, comme la flamme vacillante d’une bougie. L’enfant entend et sent, mais ne voit pas, ne manifeste pas. Son corps se développe, pas son esprit, reclus, muré. Un petit filet de voix, de son, s’échappe de lui pour dire son bien-être, ou son inconfort, pas sa joie, ni son déplaisir. Ce ne sont pas des sentiments mais une modulation, comme celle d’une rivière, sur le fil.

Mais cet enfant « inadapté », qui ne convient pas à la vie, va cependant faire enfler autour de lui, révéler et réveiller ce qui se tapit, se cache en profondeur en chacun des membres de sa famille : ils sont cinq avec lui, ils seront cinq après lui, quand la mère donnera naissance, pour réparer la place de l’enfant mort, à un frère empreint de lui.

Cet enfant fragile, désarticulé tel un pantin, non fini, prend pourtant, pour chacun de ceux qui l’entourent, à sa manière, une place prépondérante.

Un été sans les hommes, Siri Hustvedt, Actes Sud (par Marie Duclos)

, le Mardi, 07 Décembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Babel (Actes Sud)

Un été sans les hommes, trad. anglais, Catherine Le Bœuf, 224 pages, 18,30 € . Ecrivain(s): Siri Hustvedt Edition: Babel (Actes Sud)

 

Ce roman est une pérégrination entre générations, déclenchée par une pause sentimentale entre Mia, épouse blessée qui déroule le récit, et son mari Boris, neurobiologiste. Le ton peut être humoristique quand Mia nomme la maîtresse de son mari « la Pause », mais il devient triste et touchant lorsqu’elle explique que cet événement a déclenché son hospitalisation en milieu psychiatrique pour une psychose.

Mia, à la suite de cet enfermement, va rejoindre sa mère et reprendre une vie relationnelle à distance de son mari. Ces relations vont aller du club de lecture de sa mère à la classe de poésie qu’elle anime pour un groupe d’adolescentes complexes, en passant par une voisine mère de famille au bord de la rupture. Mia analyse avec finesse et précision les états d’âme de toutes ces personnes et va de l’une à l’autre. La fiction est donc composée de plusieurs voix émanant de femmes d’âge différent et vivant des situations différentes. Elle se nourrit aussi de chacun, mais surtout elle prend le parti de donner d’elle-même, ce qui lui permet de prendre de la distance par rapport à son aventure conjugale qu’elle aborde avec une intelligence émotionnelle retrouvée peu à peu au contact des autres et de sa fille Daisy.

Petits portraits de chats, Collectif, Grasset-Jeunesse (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 07 Décembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Petits portraits de chats, Collectif, Grasset-Jeunesse, novembre 2021, 32 pages, 19,90 € Edition: Grasset

Le plus petit des félins est un chef-d’œuvre (Léonard de Vinci)

 

Une anthologie de patte-pelu

Le chat, animal relativement indépendant, a été chargé de connotations diverses, le plus souvent négatives, voire maléfiques, spécifiquement en Occident chrétien, ce qui lui a valu de subir bien des persécutions. Par contre, en ancienne Égypte, le petit félin fut adoré et les grands prêtres consacraient un culte important à Bastet, la déesse bienveillante du foyer et du chat domestique (bien qu’elle prenne parfois l’aspect guerrier et dangereux d’une lionne). Également, au Japon, le mistigri est divinisé, et l’on trouve une série de maneki neko, de chats porte-bonheur aux pattes articulées, devant et à l’intérieur des magasins. Dans la tradition musulmane, le chat est doué de chance, doté de sept vies et possède des qualités magiques. En Afrique, notre patte-pelu est porteur d’un don de clairvoyance. L’animal, fascinant, énigmatique, a été thématisé depuis des siècles, un sujet d’études en littérature et aux beaux-arts, de la Renaissance jusqu’au 19ème siècle.

La vie devant soi, Romain Gary, Folio (par Anaé Balista)

, le Lundi, 06 Décembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

La vie devant soi, mars 1982, 288 pages, 8,10 € . Ecrivain(s): Romain Gary


C’est entre les dernières pages du livre, cachés au numéro 268, que se dessinent les mots suivants : « Je voyais bien qu’elle ne respirait plus mais ça m’était égal, je l’aimais même sans respirer ».


Avec une remarquable simplicité, Gary rappelle ici que rien ne dépasse l’amour porté par un enfant. Ce dévouement intérieur ne se cultive pas tout au long d’une vie mais prend véritablement sens une fois la mort venue. Et c’est par l’intermédiaire d’un jeune garçon que l’auteur nous fait part de cet enseignement.

En effet, cet amour indéfectible même au-delà de la tombe est au cœur de la relation des deux protagonistes. On retrouve d’un côté le jeune Momo, fils de prostituée, délaissé, et de l’autre madame Rosa, vieille femme juive que le temps a fini par abîmer. Une relation unique va alors se nouer entre eux, pas plus amicale que parentale mais plutôt une attache mutuelle entre deux exclus de la société.

Lao du placard, Loïc Demey, Cheyne éditeur (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Décembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse, Cheyne Editeur

Lao du placard, Loïc Demey, Cheyne éditeur, Coll. Poèmes pour grandir, septembre 2021, Ill. Clothilde Staës, 48 pages, 15 € Edition: Cheyne Editeur

 

Loïc Demey est professeur, écrivain, romancier, poète. Il est Lorrain. Le jeune auteur s’est fait remarquer de la critique par quatre livres depuis 2014. Le voici entré dans la collection destinée aux enfants, avec un très beau récit poétique. Tiré à 3000 exemplaires, l’ouvrage pourra séduire les plus réticents à cette littérature d’enfance. Ici respirent l’intelligence, la finesse, l’étonnement, et les mots de Demey ont trouvé un allié sans pareil avec les images très colorées, très vives et imaginatives de Clothilde Staës.

Ou comment en quarante-huit pages entrer dans le monde d’un enfant différent, Lao. Il ne parle pas mais comprend tout. Il s’invente des publicités au creux de son placard. Sa mère est triste. Son père l’a quittée. Il y a bien les grands-parents qui veillent sur lui et l’accueillent.

Dans cet univers feutré, triste, le pouvoir de l’imagination se donne les mots que l’enfant ne possède pas.