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Poésie

La poésie est sur la table, Denise Le Dantec (par Marie-Hélène Prouteau)

Ecrit par Marie-Hélène Prouteau , le Mardi, 30 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Unicité

La poésie est sur la table, Denise Le Dantec, éditions Unicité, 2023, 170 pages, 15 € . Ecrivain(s): Denise Le Dantec Edition: Unicité

Depuis plus de cinquante ans la poète Denise Le Dantec a composé une œuvre novatrice, inclassable, publiée chez : Flammarion, Stock, La Part commune, L’Herbe qui tremble, Le Silence qui roule, Tarabuste, les éditions des Instants, Unicité, entre autres. Celle qui fut liée à des poètes, tels Michel Leiris, Salah Stétié, Guillevic, Claude Roy, livre ici un très beau recueil aux éditions Unicité dans la Collection Brumes & Lanternes, dirigée par l’écrivain Éric Poindron.

Tous à la table de la poésie ! Le titre du recueil, les trois épigraphes, l’une de Suzanne Doppelt, « Le monde est une table », celle de Jack Spicer, poète américain de la Beat generation, celle aussi d’un extrait des Vedas, placent au cœur du recueil l’évocation de la nourriture, réelle ou symbolique. La jouissance des mets et des breuvages rejoint ici la symbolique poétique en une sorte de métaphore filée. Les cent cinquante-neuf poèmes du recueil, d’une extrême variété de formes, allant d’illuminations, de souvenirs d’enfance à des poèmes de réflexion poétologique se trouvent unis par la thématique de la nourriture. Défilent de drôles de mets, confiture achetée dans « une laverie automatique », salade fattouche, asperges peintes par Édouard Manet, vareniki d’Ukraine et boissons de même acabit, des quatre coins du monde :

L’Œuvre poétique I, Le code de la nuit, Dylan Thomas (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Iles britanniques, Arfuyen

L’Œuvre poétique I, Le code de la nuit, Dylan Thomas, éd. Arfuyen, février 2024, trad. anglais, Hoa Hôï Vuong, 329 pages, 24 €

 

Organicité

L’important travail de traduction et de documentation qu’a fourni le traducteur Hoa Hôï Vuong, mérite largement de faire apprécier l’œuvre poétique de Dylan Thomas en France et en tous pays francophones. Cette traduction, qui n’est pas littérale, arrive cependant à restituer une vision du monde, un univers. Cette langue du poète gallois donne à écrire, à voir et à entendre une forme presque archaïsante de la langue anglaise, et, peut-être cette idée était aussi celle du traducteur. Langue nette et brute, lais modernes, écoute d’un son d’Edgard Varèse.

Ces considérations générales ne doivent pas empêcher de considérer cette littérature comme parlant depuis une organicité de la matière, saillant çà et là comme irruption de l’angoisse. Visions faites d’os et de sang, de tout ce qui est sujet au pourrissement, les asticots, la mort, tout cela se racontant comme en une double vie terrestre, vie combattant la mort, faits vifs de chacune des vies, fluidité conduisant au néant.

Ozane, Claude Donnay (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 23 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Ozane, Claude Donnay, éditions M.E.O, février 2024, 250 pages, 22 €

 

Lorsqu’on ouvre un livre dont on sait qu’il aborde le thème de la Shoah, il y a toujours cette étrange sensation de glace qui envahit le corps, se répand de la page aux doigts du lecteur, et ne le lâche pas. Des images nous viennent à l’esprit ; des mots aussi ; ceux de Primo Levi notamment, qui résonnent dans le vide avec force et gravité : « Considérez si c’est un homme / Que celui qui peine dans la boue / Qui ne connaît pas de repos / Qui se bat pour un quignon de pain / Qui meurt pour un oui pour un non. / Considérez si c’est une femme / Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux / Et jusqu’à la force de se souvenir / Les yeux vides et le sein froid / Comme une grenouille en hiver… ».

Il est très difficile d’écrire sur ce thème après cela, après ces mots gravés sur les murs du temps. Et Claude Donnay a su le faire, dans le roman Ozane, avec sobriété, humilité, dans une écriture à la fois poétique et dure, avec des mots justes, pour rendre hommage à Eliane Gillet et sa famille, et à tous les autres aussi, pour que l’on n’oublie pas…

Éternelle Yuki, Coralie Akiyama (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 23 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Éternelle Yuki, Coralie Akiyama, Éditions du Cygne, Coll. Voix au poème, février 2024, 56 pages, 12 €

 

Akiyama, un autre langage : celui que porte la voix d’une mère, Coralie, à l’adresse de sa fille Yuki coupée d’elle comme une île serait coupée de son archipel.

L’espoir de te revoir s’amuse s’amenuise s’amenuise et

puis comme ça un jour tu me raconteras ta journée je

me jetterai sur l’anecdote comme une affamée sur du

pain.

Yuki signifie « neige », et l’on sait l’inaccessible beauté des neiges éternelles. Neige dont un glaçon par moment renfermerait une pierre et blesserait celle qui innocemment s’en trouverait touchée dans l’éblouissement candide de sa ferveur ; qui atteindrait son corps, son âme, en la brûlant, en les ravissant. En dépit de l’espoir qui tisse sa toile pour en faire la tapisserie d’une Pénélope persévérante et malgré tout tournée vers le possible retour équilibré d’une situation nouée de douloureuse absence.

Quemhrf ! (en manège), Christoph Bruneel (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 04 Avril 2024. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Quemhrf ! (en manège), Christoph Bruneel, Editions de l’Âne qui butine, Coll. Xylophage, décembre 2023, 290 pages, 22 €

 

Que voilà un remarquable OLNI dans le voyage vertigineux de quoi tout lecteur et toute lectrice ne peuvent éviter de se laisser jubilatoirement emporter, noyer, dès l’embarquement ! Objet Littéraire Non Identifiable, cette nouvelle publication de l’Âne qui butine vaut d’abord par le raffinement de son apparence extérieure, la qualité de son papier, l’esthétisme de ses illustrations (les photographies sont l’œuvre de l’auteur).

Bateau ivre que le naute lance sans boussole apparente, comme à l’errance, dans l’océan tantôt démonté, tantôt trompeusement uniforme, de son imagination débridée, vers des destinations a priori inconnues, aux limites improbables, le texte mêle récit hallucinant, péripéties désorientées soufflées par quelque muse défoncée et ponctuellement lyrique et lubrique, morceaux de pure poésie, et, ici et là, des sommes de pages inattendues que l’auteur présente comme des interludes.