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Les Livres

Nous l’appelions Em, Jerry Pinto

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 10 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Actes Sud

Nous l’appelions Em, février 2015, traduit de l’anglais (Inde) par Myriam Bellehigue, 260 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jerry Pinto Edition: Actes Sud

 

Et l’enfer s’appela bipolarité…

« Je grandis en entendant dire que ma mère avait un problème de nerfs. Plus tard, on m’expliqua qu’il s’agissait d’une dépression nerveuse… on nous dit qu’elle était schizophrène… finalement, tout le monde s’accorda à dire qu’elle était maniaco-dépressive. Tout au long, elle n’utilisa pour elle-même qu’un seul mot : folle ».

Alors, adulte, il en fit un livre : sa mère, sa sœur, lui et son père, plus quelques autres, parents, amis, psychiatres, face à ce qu’on nomme maladie chronique bipolaire, et qu’on devrait plutôt nommer : monstre ou fauve, qui épuise, et terrorise, revient en boucle, et s’accroche. Un de ses proches mentalement atteint ; un drôle de voyage. Parce qu’il y a sa mère malade, et puis, eux tous, et encore le reste du monde qui regarde et juge. Une douleur fragmentée. Infinie, mâtinée pour autant ça et là de l’émotionnel « normal » et banal de toute vie. Et au bout, ce livre, magnifique, écrit de main de fils, avec la pudeur, l’humanité, le juste, que pas un documentaire ne parvient à rendre (tout en en étant pourtant un, et des meilleurs).

Hors des sentiers battus, Chronique d’une vie politique 1962-2012, Jean-Pierre Soisson

Ecrit par Vincent Robin , le Vendredi, 10 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Editions de Fallois

Hors des sentiers battus, Chronique d’une vie politique 1962-2012, janvier 2015, 304 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Soisson Edition: Editions de Fallois

« Tirer à hue et à dia » rappelait autrefois les cris du laboureur pour faire aller le cheval de trait à droite ou à gauche… Durant la fin du siècle dernier et pour certains hommes politiques étiquetés au centre, cette expression de nette inspiration rustique épinglait leurs hésitations voire même leur propension versatile. Sous le feu critique et la moquerie qui ciblaient de ce temps leur tendance récurrente aux voltefaces ou à l’indécision, certains de ces politiciens aux allures instables mais jamais désorientés s’estimaient au contraire fidèles à une ligne éthique cohérente : « C’est un grand tort d’avoir toujours raison ! ».

Entre tous, et probablement le plus agile à manier le paradoxe et les oxymores, l’agrégé en droit romain et cacique du pouvoir que fut le célèbre Edgar Faure (disparu en mars 1988) défendait ainsi, dans le premier tome de ses Mémoires, la nature décriée cependant toujours assumée de ses provoquantes oscillations. Disciple marquant de cet incontesté dompteur de l’ambigu mais potentat reconnu au sein du landernau politique d’hier, plusieurs fois ministre et élu territorial, Jean-Pierre Soisson aura sans doute fait siennes, d’un bout à l’autre de son parcours atypique quelquefois incompris, les leçons rhétoriques de son mentor éloquent élevé au faîte de sa gloire – d’abord à la présidence du Conseil puis en haut du perchoir de l’Assemblée.

Les Fiancés, Déborah Lévy-Bertherat

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages

Les Fiancés, Mars 2015, 220 p. 18 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Délicieux univers que celui de ce roman. La douleur pourtant y est omniprésente mais, Déborah Lévy-Bertherat déroule les pelotes du temps qui passe avec une douceur, une délicatesse, une finesse infinies. La tragédie humaine – celle, universelle, de l’inéluctable vieillesse et sa fin – prend du coup des couleurs moins sombres, est irisée d’arcs-en-ciel. Il faut dire que l’écriture ici, poétique et soignée, n’a pas pour objet la noirceur. Et elle atteint parfaitement ses fins : parler du destin sans verser, jamais, dans le pathos du romantisme désespéré.

Pourtant, le sujet aurait pu y tomber. Deux vieillards, un homme et une femme, Madeleine et René, se croisent dans une maison de retraite au crépuscule de leurs vies.  Et ils vont connaître une dernière – très belle – histoire d’amour. A partir de cette matrice, Déborah Lévy-Bertherat va décliner un beau roman sur le temps. Le temps perdu, à jamais. Le temps récurrent, celui de la mémoire, le temps retrouvé enfin, celui de l’affect (re)vécu.

Price, Steve Tesich

Ecrit par Victoire NGuyen , le Jeudi, 09 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Monsieur Toussaint Louverture

Price, août 2014, trad. de l’Américain par Jeanine Hérisson, 537 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Steve Tesich Edition: Monsieur Toussaint Louverture

 

« Et soudain, l’été »

Daniel Price vient d’avoir dix-huit ans. Il va terminer ses études secondaires et avoir son diplôme. Cependant, il a perdu son combat de lutte. De ce fait, il n’aura pas la bourse universitaire qui lui aurait permis de quitter East Chicago. L’été est là et Daniel ainsi que ses deux amis de lycée déambulent dans les rues de cette ville ouvrière sans savoir encore ce que l’avenir leur réserve. Mais ceci n’est que de courte durée : l’agonie puis la mort de son père, sa rencontre avec la mystérieuse et indécise Rachel vont définitivement faire basculer Daniel dans la vie adulte…

Price est un roman fait de bruits et de fureurs. C’est la fureur de vivre et d’aimer avant que le destin ne s’en mêle pour tout détruire. C’est le temps des serments inutiles, des amitiés fragiles. Le lecteur suit les déconfitures de Daniel et voit dans sa souffrance l’amorce d’une destinée hors du commun : le roman s’achève sur une note d’espoir, un changement d’identité permettant peut-être au jeune homme dépouillé de ses rêves de devenir écrivain. Mais pas avant l’événement cathartique.

Avaler du sable, Antônio Xerxenesky

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 08 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Asphalte éditions

Avaler du sable, février 2015, traduit du portugais (Brésil) par Mélanie Fusaro, 178 pages, 15 € . Ecrivain(s): Antônio Xerxenesky Edition: Asphalte éditions

 

« Un fils qui ne savait même pas boire. Ça ne pouvait pas être un homme, un vrai. Surtout dans une ville où, selon Miguel, la sobriété est déraison ».

Ce roman parle d’un homme qui nous raconte comment il écrit un roman sur l’histoire de ses ancêtres, et en même temps ce roman que nous lisons est aussi le roman que cet homme écrit, et le roman qu’écrit cet homme démarre comme un western : Mavrak, petite ville perdue au milieu d’un désert du Far-West, sable, poussière, saloon, prostituées, une église qui a brûlé, deux familles rivales depuis des lustres, les Marlowe et les Ramirez… Un western donc, qui va finir comme un remake de La nuit des morts vivants. Sang, sable et poussière.

« Il y avait la peur. Il y avait la peur partout. Aujourd’hui, les hommes ont peur pour un rien ; autrefois ils craignaient la nuit et la mort. Même avec un révolver dans la poche. Peu importait l’arme qui pesait dans l’étui ».