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Les Livres

Pieds nus dans R, Perrine Le Querrec

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 14 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Carnets du dessert de lune

Pieds nus dans R, février 2015, 28 pages, 5 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec Edition: Carnets du dessert de lune

 

Petit joyau ce pousse-café là, tête-bêche en plus : Pieds nus dans R. ou Barefoot in R. dans sa version anglaise, traduit en anglais par Derek Munn. Petit joyau car la plume de Perrine Le Querrec, quand elle ne la laboure pas, vole au-dessus de la page, et il pleut des mots, il pleut de la langue de poète, de celle qui enivre, que l’on boirait encore et encore, jusqu’à tomber par terre ivre vivant ! Ce livre dédié à N. parle d’un « il » qui revient de R. pieds nus : j’ai perdu mes chaussures à R., me dit-il en arrivant (…) R. qui se targue d’être la Ville, une ville tout en cadres en bordures en netteté.

Comment cela a-t-il pu arriver ? Comment perdre ses chaussures, sa raison, son assise et son apparence, comment se délacer – ô savoureux double sens –, s’égarer, se soustraire aux codes de R., nation d’ordre, de discipline où le premier pas de l’enfant est calculé à la courbe du rendement de R. ? Oui, comment ? Dans un rythme entraînant, envoûtant qui galope sur la page comme une épidémie de pieds nus justement, on se laisse gagner par l’exaltation liberterre de ce nudisme, deux pieds, nus de chair de veines et d’os, de pieds sans semblants, sans artifices ni parures.

L’Océan au bout du chemin, Neil Gaiman

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 14 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Au Diable Vauvert

L’Océan au bout du chemin, octobre 2014, 314 pages, 18 € . Ecrivain(s): Neil Gaiman Edition: Au Diable Vauvert

 

Neil Gaiman est un grand raconteur ; toute son œuvre publiée en français est là pour le prouver, de De Bons Présages (en collaboration avec Terry Pratchett, pas moins) à American Gods, du recueil Des Choses Fragiles à la fantasy de Stardust, du Londres fantasmé de Neverwhere à ce bref récit sur l’enfance qu’est Coraline, tout est enchanteur et… enchanté, puisque le fantastique dans toutes ses variantes, jusqu’au merveilleux, est à l’honneur chez cet Anglais né en 1960.

D’enfance et de merveilleux, il est aussi question, L’Océan Au Bout Du Chemin, très beau roman qui s’ouvre sur un deuil : un homme, la quarantaine passée, vient d’assister à un service funéraire et doit se rendre chez sa sœur, lorsqu’il décide de suivre le « petit chemin de campagne de [s]on enfance [,] désormais une route d’asphalte noir qui servait de zone tampon entre deux lotissements tentaculaires » ; cette route le mène finalement à « dans toute la gloire décatie de ses briques rouges : la ferme des Hempstock », et c’est là qu’il rencontre une vieille femme, qui au nom du passé l’autorise à se rendre près d’une mare que sa petite-fille appelait « l’océan », ainsi que s’en souvient le narrateur en s’en approchant…

Un vague sentiment de perte, Andrzej Stasiuk

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Lundi, 13 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Récits, Actes Sud

Un vague sentiment de perte, traduit du polonais par Margot Carlier février 2015, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Andrzej Stasiuk Edition: Actes Sud

 

Quatre récits, quatre personnages, quatre disparus et un vibrant hommage pour chacun d’entre eux, c’est ce que donne à lire Un vague sentiment de perte de Andrzej Stasiuk.

Une grand-mère qui croit aux esprits et qui sans doute sera celle qui lui lèguera cet art du conte ; Augustin, l’ami, écrivain solitaire, retrouvé dans un talus pas encore mort mais presque et qui mourra seul dans sa chambre d’hôpital « avec vue sur la colline et le village » et « sans personne à ses côtés » ; une petite chienne et un ami de toujours, tous chers à l’auteur, vont prendre place dans chacun de ces récits.

« J’écris cette nécrologie canine ou plutôt ce souvenir à la mémoire d’un animal encore vivant car pour la première fois je suis amené à regarder aussi longtemps, de façon systématique et détaillée un être se transformer en un corps invalide puis finalement en cadavre ».

De Gaulle et Mauriac, Le dialogue oublié, Bertrand Le Gendre

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 11 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Fayard, Histoire

De Gaulle et Mauriac, Le dialogue oublié, mars 2015, 180 pages, 18 € . Ecrivain(s): Bertrand Le Gendre Edition: Fayard

 

« Leur héritage nous fait leçon, mais c’est un héritage sans héritiers. De Gaulle et Mauriac sont trop singuliers pour que l’on puisse se réclamer d’eux de nos jours ».

Le dialogue oublié ou les raisons d’une passion française. C’est à cette part de l’histoire politique et littéraire française que nous convie Bertrand Le Gendre. A la gauche il y a François Mauriac (c’est de Gaulle qui parle), prix Nobel de littérature, journaliste admiré, craint et parfois honni, chrétien social, d’une trempe rarement égalée. A ma droite le Général de Gaulle, l’homme de Londres, surréaliste sur ces messages de Radio Londres (Philippe Sollers) « Les renards n’ont pas forcément la rage, je répète… ». « J’aime les femmes en bleu, je répète… ». « Nous nous roulerons sur le gazon ! », l’homme de l’unification de la Résistance, de la V° République et de la fin de la guerre d’Algérie. Leur dialogue court sur trente ans, de l’Occupation aux lendemains de mai 68. Leur histoire, comme celle finalement de Malraux et du Général (l’occasion de lire ou de relire le lumineux André Malraux Charles de Gaulle, une histoire, deux légendes d’Alexandre Duval-Stalla, L’Infini Gallimard), est cette part commune de l’Histoire française, cette passion commune. Tous les deux s’emploient à choyer leur langue et leur territoire, au risque parfois d’être incompris.

De haute lutte, Ambai

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 10 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Nouvelles, Zulma

De haute lutte, février 2015, traduit du tamoul par Dominique Vitalyos et Krishna Nagarathinam, 215 pages, 18 € . Ecrivain(s): Ambai Edition: Zulma

 

Ce recueil incisif rassemble quatre nouvelles, qu’on pourrait presque qualifier de romans par leur longueur, par le nombre des fragments constitutifs de leur déroulement narratif, par l’amplitude spatio-temporelle de l’intrigue et par la richesse contextuelle de l’histoire individuelle de leur personnage principal.

Le manuscrit : Chentamarai baigne depuis l’enfance dans un milieu d’artistes où sa mère, Tirumakal, une universitaire férue de littérature, de poésie, de chansons et musiques classiques indiennes qui tient salon tous les vendredis, ayant quitté son mari, fait figure de femme libre au sein d’une société dominée par les hommes. Chentamarai découvre un jour un manuscrit dans lequel sa mère raconte les difficultés et humiliations qu’elle a connues dans sa vie conjugale, dans sa relation avec son époux.

Mais dites-moi, qu’y a-t-il de révolutionnaire à dire qu’une veuve ne peut espérer retrouver l’accès à une vie digne de ce nom qu’en se remariant ? […] Quand vous affirmez qu’il est nécessaire de lui associer un homme pour lui offrir une nouvelle vie, c’est comme si vous disiez qu’elle doit toujours rester sous le contrôle d’un représentant du genre masculin…