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Les Livres

Écrits stupéfiants, Drogues & littérature d’Homère à Will Self, Cécile Guilbert (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 17 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Robert Laffont

Écrits stupéfiants, Drogues & littérature d’Homère à Will Self, Cécile Guilbert, septembre 2019, 1440 pages, 32 € Edition: Robert Laffont

 

Drogue et Littérature ou les poisons du rêve

Entre enfer et paradis, produit et dose, Cécile Guilbert rappelle que la drogue offre une dualité. Il y a là extase et souffrance. Les adjuvants illicites font sombrer mais aussi ils sont capables d’ouvrir des portes (particulièrement les psychédéliques). La drogue est donc souvent au seuil de la littérature et ce, depuis la poésie védique et donc quasiment les origines de l’humanité. Mais les écrivains s’en servent véritablement beaucoup plus tard.

Cécile Guilbert nous rapproche de lieux étranges voire – comme Michaux – des « rencontres avec les Dieux », bref d’un ailleurs inatteignable – source de savoir ou paradis. La mesure de l’être est donc métamorphosée par le « poison noir » de l’Opium qui provoque « la rencontre de Pommard et du Pernod » selon Cocteau qui est bien plus qu’un dandy de la drogue auquel il fut réduit. La drogue est souvent une esthétique qui dilate le temps. Et Cécile Guibert fait le tour de la question dans une classification judicieuse abondamment illustrée de textes significatifs.

La soupe d’orge perlé et autres nouvelles, Ludmila Oulitskaïa (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 17 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Nouvelles, Folio (Gallimard)

La soupe d’orge perlé et autres nouvelles, septembre 2019, trad. russe Sophie Benech, 112 pages, 2 € . Ecrivain(s): Ludmila Oulitskaïa Edition: Folio (Gallimard)

 

 

Trois nouvelles échappées de l’univers d’enfance de la grande Ludmila Oulitskaïa. Si la délicatesse d’âme a un sens, il est là, dans ces cent pages, imprégnées de douceur et de tourment, d’espoir et de colère, d’amour et de dégoût de la petite fille qui se raconte, qui nous raconte. La mort du « petit père des peuples » est proche et sert de toile de fond et aussi de chronomètre à la première nouvelle, le 2 mars de cette année-là. La Russie est là, elle aussi, dans son hiver persistant et dur. La voix de cette petite narratrice – la voix d’Oulitskaïa – chaude et ténue fait contraste dans cet écrin de grand froid, météorologique et symbolique dans cette URSS exsangue après les décennies de stalinisme. La famille constitue le refuge ultime. Surtout la famille juive, pour une petite fille. Son grand-père, en écho à Staline, se meurt dans la maison.

Ô pruniers en fleur, Ryôkan (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 17 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Folio (Gallimard), Japon

Ô pruniers en fleur, Ryôkan, Folio Sagesses, septembre 2019, trad. japonais Alain-Louis Colas, 112 pages, 3,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Quatre-vingt-dix-sept textes poétiques illustrent à l’envi le grand talent du moine poète Ryôkan, né en 1758 et décédé en 1831.

Le plus souvent développée en quintils saisissants de justesse et d’élégance, la poésie de Ryôkan trace de la nature traversée un portrait tout en nuances où les fragrances, les beautés, ainsi que les réalités les plus triviales, dessinent une relation inspirée à la beauté des paysages, entre les « pluies d’automne » et « les journées où les corbeaux/ du bois sont sans voix ».

Ici, la voix restitue « nuées », « neige », « beaux jours », dans un souci constant de description au plus juste de l’objet. Ici, se perçoit toujours la saison, puisque l’écriture s’arrime elle comme le sang au corps.

Monsieur Amérique, Nicolas Chemla (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 16 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Roman, Séguier

Monsieur Amérique, Nicolas Chemla, janvier 2019, 610 pages, 22 € Edition: Séguier

 

 

Les garçons aiment jouer à qui a la plus grosse. Dès la cour de récréation, le concours commence. Les garçons ont aussi de l’imagination. Ils appliquent ce jeu à des tas de disciplines. Les garçons aiment bien jouer à qui est le plus fort. Dès la cour de récréation, ils commencent à se bagarrer. Les garçons peuvent aussi jouer en même temps à qui a la plus grosse et qui est le plus fort. Et pour combiner les deux, qu’y a-t-il de mieux qu’un concours de bodybuilding ?

Monsieur Amérique se présente comme un roman biographique. C’est donc une biographie, en l’occurrence celle du bodybuilder américain Mike Mentzer, et en même temps une réinvention de sa vie, une re-création. A partir d’éléments réels, la fiction s’impose ou la fiction tente de sublimer le réel, de lui donner plus de muscle.

Du fond de l’abîme, Walter de la Mare (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 16 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Rivages poche

Du fond de l’abîme, Walter de la Mare, trad. anglais, Dominique Bertrand, Marianne Tomi, 264 pages, 9,15 € Edition: Rivages poche

 

Walter de la Mare, mort en 1956, immense de talent, est injustement méconnu en France. Or, les œuvres de cet écrivain devraient, ou auraient dû s’avérer incontournables. Parce que Walter de la Mare a un style – outre le fait qu’il en ait un propre lui appartenant – travaillé au cordeau et non moins muni de grande fluidité (en cela, il faut saluer les traductions françaises dont nous disposons). Parce que ses nouvelles, précisément dans ce recueil Du fond de l’abîme, se révèlent chaque fois des rêves prégnants, puissants, ahurissants, qui nous font prendre part largement à la vie intérieure des protagonistes, dont les inquiétudes se manifestent souvent par l’effet d’hallucinations dangereusement merveilleuses, aux effets de claire-voie qui ne sont pas sans rappeler les meilleures atmosphères rendues par Rembrandt ou, si le jour est plus présent, par Friedrich (entre autres exemples). A tel point que, sans user d’événements nécessairement riches en rebondissements, le nouvelliste fait naître des ambiances (liées à de profonds questionnements) qui semblent imprimées en nous pour longtemps.