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Les Livres

De l’Angleterre et des Anglais, Graham Swift (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Iles britanniques, Récits, Folio (Gallimard)

De l’Angleterre et des Anglais, juillet 2020, trad. anglais, Marie-Odile Fortier-Masek, 368 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans ce recueil de 25 nouvelles très courtes, Graham Swift fixe avec un œil d’une précision extrême le destin d’autant de personnages, qui, sans son habileté d’écrivain, sa sensibilité et son regard teinté d’une ironie souvent bienveillante, n’auraient eu que peu de chances de retenir notre attention. Tous ou presque sont issus de la middle-class britannique, anglais de pure souche ou représentants de ce que l’Empire a colonisé pendant plusieurs siècles aux quatre coins du globe et vivent éparpillés sur une grande partie du territoire britannique, tous sont décrits à un moment de leur histoire personnelle où ils se trouvent en grande vulnérabilité tant sur le plan psychologique, qu’affectif, voire matériel.

Lire ce recueil de nouvelles revient à comprendre comment passionner son lecteur lorsque les héros sont d’une banalité affligeante, qu’ils se complaisent dans une forme de désespoir tranquille, glissent de l’ennui vers une résignation emplie de souvenirs à ressasser, essaient de comprendre quand et pourquoi ils en sont arrivés à leur état actuel avant l’inéluctable pirouette vers le néant.

En marche !, Benoît Duteurtre (par Christelle Brocard)

, le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

En marche !, Benoît Duteurtre, février 2020, 240 pages, 7,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

La littérature, reflet de la société ?

Thomas, jeune député de 28 ans, arbore fièrement les couleurs de son parti politique « En avant ! », et compte fermement œuvrer pour la révolution centriste éco-responsable promise aux électeurs. Mû par un enthousiasme exacerbé à l’égard des théories du professeur d’économie et de philosophie, Stepan Gloss, il se concocte un « voyage d’étude » en Rugénie, jeune république indépendante d’Europe centrale qui, candidate à l’Union, représente le modèle phare de reconversion d’un ancien État socialiste : sa « Tendre Révolution » lui permit en effet de mettre un terme à la domination molduve mais, plus encore, intègre un programme pilote qui, directement influencé par l’idéologie glossienne, est censé instaurer une société modèle, ouverte et responsable. On comprend donc l’engouement du jeune Thomas pour son expérience rugène et sa volonté farouche d’en tirer méthodes et solutions pratiques au projet de « construire un avenir tous ensemble », prôné par son parti.

Absolution, Yrsa Sigurdardottir (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Actes Noirs (Actes Sud)

Absolution, Yrsa Sigurdardottir, juin 2020, trad. Catherine Mercy et Véronique Mercy, 384 pages, 23 € Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Peu de temps après qu’un crime a été commis, la police islandaise en visionne le film enregistré par les caméras de surveillance. On entre brutalement dans une histoire qui donne froid dans le dos. Stella, une jeune femme, travaille comme ouvreuse dans une salle de cinéma. À la fin de son travail, on la voit devant une grande silhouette en carton en train de manipuler son téléphone portable pour faire des selfies puis, elle disparaît des caméras sans doute pour se diriger vers les toilettes. Sur la vidéo, on peut apercevoir, la suivant discrètement et disparaissant en même temps, une personne déguisée en Dark Vador. L’individu déguisé réapparaît sur un autre plan pris dans le couloir menant à l’issue de secours. Dark Vador traîne Stella gisant sur le sol en la tirant par la cheville, il s’arrête, fixe du regard un extincteur, le décroche et l’abat de toute ses forces sur la tête de la jeune femme. On voit le corps se convulser puis le sang s’échapper du crâne de Stella.

Trois cahiers avec une chanson, Jean-Charles Vegliante (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Trois cahiers avec une chanson, Jean-Charles Vegliante, L’Atelier du Grand Tétras, juillet 2020, 64 pages, 12€

Poésie, question de l’ailleurs

Recevoir un nouveau livre, surtout s’il s’agit d’un recueil de poèmes, est toujours une façon pour moi d’aborder des questions essentielles. Donc, j’aime me confronter à la pâte du poème pour en circonvenir l’aventure sensible et projeter ainsi ma propre sensibilité, les questions qui me traversent sur le texte que je découvre. Je lis donc autant le livre pour lui-même, que je me lis dans le poème. Ici, non seulement le recueil s’ouvre sur deux textes qui orientent une compréhension globale de l’ouvrage, mais encore permettent de juger le poème à partir d’un autre lieu : la mort – dernier séjour où tous les séjours s’achèvent.

En restant un mystère, la mort construit une vision du monde, un endroit d’énigme, où se dirige la douleur du poète pour qui ce mystère fait poème. Pour Jean-Charles Vegliante cette sorte de liturgie est en relation avec la nature. Ou sinon une liturgie et néanmoins une tension vers la fin matérielle des choses, et surtout, l’arc-boutant d’un ailleurs. À mon sens, c’est cela la réponse à ces poèmes, la recherche d’un lieu, d’une habitation plausible, d’une arrivée en terre de beauté.

Apeirogon, Colum McCann (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 04 Septembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Belfond

Apeirogon, traduit de l’anglais (Irlande) par Clément Baude, août 2020, 512 p., 23 euros . Ecrivain(s): Colum McCann Edition: Belfond

 

Un apeirogon est un polygone infini, à multipes facettes. Le roman de Colum McCann est, de la même façon, une construction très élaborée, en forme de boomerang ou de boustrophédon : des chapitres de longueur variable, allant de la phrase à la dizaine de pages, tels des versets ou des sourates, vont croissant de 1 à 500, avec un point d’orgue ou acmé à 1001, puis vont décroissant de 500 à 1. On pense à un retour temporel, à un parallèle existentiel, à l’Hyperion de Dan Simmons et à la course des pèlerins contre le temps.

On pense aussi à une fresque multifocale, extrêmement documentée, dans laquelle le lecteur est assailli d’informations à la fois tragiques et poétiques : ainsi, on apprend que « le terme mayday -apparu en Angleterre en 1923, mais dérivé du français « Venez m’aider »- est toujours répété trois fois, mayday, mayday, mayday. La répétition est vitale : dit une seule fois, le mot pourrait être mal interprété […] » ; de même, « le seelonce mayday, ou silence de détresse, est maintenu sur la fréquence radio jusqu’à ce que le signal de détresse soit terminé.