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Les Livres

Lève-toi et tue le premier, L’histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël, Ronen Bergman (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 14 Septembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Lève-toi et tue le premier, L’histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël, Ronen Bergman, Grasset, février 2020, trad. anglais, Johan-Frédérik Hel Guedj, 938 pages, 29 €

 

Une main avec une bague ornée d’un rubis. C’est tout ce qui était resté en ce bas monde – mais ce fut suffisant pour l’identifier – du général iranien Qassem Soleimani, un des individus les plus dangereux de la planète, après que son convoi eut été touché par un missile sur l’aéroport de Bagdad, le 3 janvier 2020. Soleimani n’était pas un ami d’Israël, qui avait failli l’éliminer douze ans plus tôt, en même temps qu’un autre malfaisant, Imad Moughniyeh. Ce ne fut cependant pas un doigt israélien qui poussa le bouton, même si l’État hébreu a sans doute fourni des renseignements (le tir d’un missile depuis un drone est l’aboutissement d’une longue chaîne d’informations et de décisions). L’ordre était venu du président Trump, qui avait fait sienne une des méthodes les plus caractéristiques des services secrets israéliens.

Ma Douleur, Mohamed Ghafir (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 11 Septembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Histoire

Ma Douleur, Mohamed Ghafir, éd. Ressouvenances, 2019, 80 pages, 10 €

 

Journal de détention

Ma Douleur, livre au titre sobre, évoque l’arrestation de Mohamed Ghafir à Paris le 9 janvier 1958 par la DST. Cet Algérien né en 1934, qui ayant refusé d’effectuer son service militaire dans l’armée française, fut emprisonné plusieurs fois à Fresnes, à la Santé, à Châlons-sur-Marne et dans le camp de rétention du Larzac, en tant que responsable du FLN en France. Ce cahier de doléances, rédigé sous forme d’un journal, où sont reproduits deux fac-similés du manuscrit original, recoupe les « événements » d’Algérie par le biais d’un seul homme, et c’est cela qui est d’un grand intérêt. Les rendez-vous militants de Mohamed Ghafir sont inscrits avec précision. Les noms de famille des résistants sont systématiquement effacés et gommés du cahier, preuve de la grande honnêteté de l’homme, qui, par ailleurs, ne mange pas à sa faim. En plus de se trouver quotidiennement objet de brimades racistes, les Algériens étaient taxés d’« étrangers ». Les policiers, munis de règlements préfectoraux, usaient en toute impunité de la force afin d’entraver leur liberté de circuler, sous peine de « ratonnades ».

Les sœurs aux yeux bleus, Marie Sizun (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 11 Septembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Les sœurs aux yeux bleus, juin 2020, 396 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Marie Sizun Edition: Folio (Gallimard)

 

Comment entrevoir une autre vie, une possibilité d’émancipation et d’accomplissement personnel ?

En cette seconde moitié du XIXe siècle, c’est bien difficile pour les enfants Sézeneau : ils sont cinq, deux garçons Isidore et Eugène, trois filles, Louise, Eugénie, et Alice, nés tous à cette époque. Le père, Léonard Sézeneau, est une sorte de pater familias, ombrageux, autoritaire, peu disert. Il fait planer son autorité sur le foyer. Son épouse, Hulda, est décédée et des mauvaises langues affirment que c’est parce que Hulda aurait appris la liaison qu’entretient Léonard avec Livia Bergvist, une jeune femme d’origine suédoise, qui est la gouvernante de la famille Sézeneau.

Très vite, la narratrice Marie Sizun nous initie aux secrets plus ou moins inavouables de cette famille : Livia cache une naissance, un enfant qu’elle aurait pu avoir avec Léonard. Mais c’est le parcours des filles qui est privilégié dans ce roman. Les scènes sont décrites par Marie Sizun comme des épisodes de séries télévisées. On se laisse prendre à cette convention car Marie Sizun a de la sympathie pour ces sœurs aux yeux bleus.

Le goût de l’esprit français, Collectif (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 11 Septembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Mercure de France, Anthologie

Le goût de l’esprit français, Collectif, textes choisis et présentés par Antoine Gavory, mars 2020, 126 pages, 8,20 € Edition: Gallimard

 

Une sélection de textes représentatifs de « l’esprit français », tel est le pari d’Antoine Gavory et du Mercure de France dans cette jolie petite collection intitulée « Le goût de… ». En trois parties et 31 textes, nous retrouvons la quintessence de ce qui fait l’esprit – au sens du « wit » anglais – des auteurs français, depuis Molière jusqu’à Jean Dutourd ou René de Obaldia, en passant par Georges Courteline et Jules Renard. Car la dimension de l’humour, de la dérision mais aussi d’un certain engagement est prégnante dans le parti-pris de l’auteur de cette sélection.

A côté de textes classiques exigeants, tirés de Dom Juan ou du Misanthrope de Molière, ou bien le monologue de Figaro de Beaumarchais ou la tirade des nez de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, se trouvent des extraits d’auteurs exhumés du purgatoire des lettres, comme Antoine de Rivarol ou Anatole France. Un credo de Jean d’Ormesson sur la littérature et son goût des livres, issu de Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit, côtoie des nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon, teintées « d’humour ou de coquinerie », transcrites de dépêche d’agence de presse et sélectionnées parmi les 1210 qu’il rédigea en deux ans au sein du journal Le Matin : « A Oyonnax, Mlle Cottet, 18 ans, a vitriolé M. Besnard, 25 ans. L’amour, naturellement ».

Diogène, L’antisocial, Jean-Manuel Roubineau (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 11 Septembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Diogène, L’antisocial, Jean-Manuel Roubineau, PUF, janvier 2020, 235 pages, 15 €

« Que fait donc Diogène avec une lanterne ?

Se disaient des Dandys à l’élégant maintien.

Messieurs, je cherche un homme, et de mon œil lent terne

Je n’en vois pas, dit-il : ce mot les vexa bien ».

M. de Rambuteau

(Sur une caricature d’Honoré Daumier. Cf. Fig. 6 du livre)

L’homme libre

Être un homme libre, certains pensent y être parvenus, beaucoup le souhaitent qui ne le seront jamais. Démontrer sa liberté personnelle chaque jour à ses concitoyens n’est pas non plus à la portée du premier venu. De nos jours, sous nos latitudes, nous n’avons connu que le président François Hollande monté sur un engin motorisé qui, chaque matin, apportait à sa Dulcinée les croissants de leur petit déjeuner. Le fait fut observé et moqué à souhait, ce qui semble démontrer que cette liberté-là n’a pas bonne presse, sans doute parce que l’habitude de l’exercer est encore peu fréquente et mal considérée.