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Les Livres

Misère de l’homme sans Dieu, Michel Houellebecq et la question de la foi, Collectif, Caroline Julliot, Agathe Novak-Lechevalier (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 15 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Flammarion

Misère de l’homme sans Dieu, Michel Houellebecq et la question de la foi, Collectif, Caroline Julliot, Agathe Novak-Lechevalier, Flammarion, janvier 2022, 384 pages, 14 €

 

S’agit-il vraiment d’une qualité propre à un écrivain, au même rang que le style, l’aptitude à construire une intrigue, à créer des personnages auquel le lecteur aura envie de croire ? On peut en discuter. Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître à Michel Houellebecq une impressionnante capacité à distinguer les « signes des temps ». Par quel prodigieux hasard, après ses déclarations franches sur l’islam, « religion la plus con », ses éditeurs choisirent-ils la date du 11 septembre 2001 pour aller faire amende honorable à la Grande Mosquée de Paris ? Quelques années plus tard, en décembre 2014, la publication annoncée de Soumission s’accompagna d’une écœurante odeur de sang : on allait voir ce qu’on allait voir et tout le landernau de l’antiracisme subventionné, de l’islamophilie aveugle et de la dhimmitude volontaire, se préparait pour la curée médiatique, en attendant peut-être mieux (accuser quelqu’un d’islamophobie équivaut à lui peindre une cible dans le dos ou des pointillés sur la gorge).

Karmina Ultima, Philippe Pratx (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 14 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Le Coudrier

Karmina Ultima, Philippe Pratx, septembre 2021, Ill. Odona Bernard, préface Jean-Michel Aubevert, 162 pages, 20 € Edition: Le Coudrier

 

Ce « chant ultime » du dernier Mangbetu, tel que nous le propose Philippe Pratx, se décompose (et nous entraîne) en quatre voyages fondateurs. La prégnance aventureuse, magique, voire mystique, associée aux paysages du périple, ne se départit pas d’une large signification philosophique : les montagnes – la Morte-Terre – les îles de la Nuit – les contrées de la Brume. Vraisemblablement, l’enjeu est ici de mourir et de renaître : « Il fallut bien me résoudre à la quitter, cette pauvre vieille Terre corrompue (…) Ma vie n’est qu’errance. (…) Ceux que je rencontre se lèvent et partent » (p.16-17). Il s’agit aussi de construire, à travers ces voyages décisifs, sa propre « maison intime », et les livres y ont une place centrale, pour ne pas dire qu’ils représentent la vie.

Le Chant liminaire nous dévoile en partie les raisons qui ont poussé le poète à errer : « Si tu veux être heureux, ignore-toi toi-même, sois à toi le perpétuel “autre”, l’alien et le fou de ta conscience ; ne connais non plus jamais tout à fait “les autres” ni le monde (…) J’ai toujours su (…) dans la catastrophe universelle, demeurer réellement moi-même, j’ai toujours su tout de moi-même. (…) Cela est aussi ma souffrance » (p.34-35).

Le Diable est une Femme, Gérald Wittock (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 14 Mars 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Le Diable est une Femme, Gérald Wittock, Éditions Vérone, février 2022, 418 pages, 25 €

 

S’appuyant sur force chiffres et statistiques, l’auteur se livre, dans sa préface, à une démonstration menant à conclure qu’un homme ordinaire ne peut vraiment connaître que sept villes dans sa vie, ce qui semble à peu près aussi vrai que dire qu’un chat a sept vies. Prenons cette proposition comme un axiome et acceptons-la pour vraie comme nous prenons pour exact les chiffres de l’OMS donnant comme âge moyen d’un être humain soixante-neuf ans et voyons voir où veut en venir Wittock.

La première partie de son livre, qui en comporte quatre, a tout du récit autobiographique si l’on accepte que de la naissance à l’âge de sept ans ses souvenirs lui ont été plutôt relatés et n’ont pas imprimé sa mémoire enfantine (comment pourrait-il se souvenir qu’il est né à 23 heures 50 et qu’il faisait 27°C avec un vent de force 7). Gérald est donc né à Rome le 27 septembre 1966 accueilli par le Ecco il Bèbè. Eccolo ! de sœur Bernadetta et émaille déjà son récit de nombreux jeux de mots et paroles de chanson. À presque six ans (il respecte ses statistiques), il déménage pour Bruxelles, nous sommes le dimanche 3 septembre 1972 et Gérald est devenu Gerry.

Tu vis ou tu meurs, Œuvres poétiques (1960-1969), Anne Sexton (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 14 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Tu vis ou tu meurs, Œuvres poétiques (1960-1969), Anne Sexton, Éditions des femmes-Antoinette Fouque, janvier 2022, trad. anglais (USA) Sabine Huynh, 320 pages, 24 €

 

La question du réel

La question du réel se pose de toute évidence à lecture de ce recueil d’Anne Sexton disparue en 1974. Je dis cela à dessein car l’autrice en son texte met nettement la réalité en échec, réalité débordée par une langue transcendante, une langue qui défait le réel pour le reconstruire. La réalité ici a été altérée par des conflits psychiques – conflits au cœur de la création littéraire devrais-je préciser – dont l’issue a été l’asile. Cela laisse ainsi présager à la fois de la douleur ontologique de la personne et ce qui ouvre malgré tout le répertoire sauvage, flirtant avec l’Art Brut, et l’inquiétude, voire l’inquiétante étrangeté qui nous saisit dans cette prosodie légèrement bizarre.

Aux vents de noroît Ouessant, L’infini des limites, Arnaud Montoux (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 11 Mars 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Aux vents de noroît Ouessant, L’infini des limites, Arnaud Montoux, éditions du Mont-Ailé, décembre 2021, 84 pages, 15 €


L’Ouessant insulaire et légendaire, situé en territoire de « fin de la terre » nommé Finistère, ne pouvait que résonner d’une poésie fouettée par la vigueur des éléments, à l’instar des photographies qui accompagnent les textes d’Arnaud Montoux dans ce beau livre publié par les éditions du Mont-Ailé dans leur Collection Patrimoine « Des pierres et des ailes » dont l’objectif est de « mieux habiter nos lieux de mémoire ». Le prêtre-poète (Arnaud Montoux officie au Diocèse de Sens-Auxerre et est Professeur de Théologie à l’Institut Catholique de Paris), auteur à la fois des photographies et de leur vis-à-vis textuel, porte son passage « au travers des ressacs de chaos » diffusés sur des arrière-plans de couleur noire, il passe « en ruse / au risque d’y briser mâture, équipage, pavillon » sans lâcher sa prise face à la force atlantique, exposé «aux vents de noroît », ce vent du nord-ouest froid et sec qui travaille les hommes, les paysages de la mer.