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Les Belles Lettres


Les Belles Lettres proposent la plus importante bibliothèque au monde de textes classiques.

Depuis 1919, les civilisations anciennes voient leur patrimoine littéraire rendu accessible au lecteur, par un méticuleux travail d'édition et de traduction de textes souvent encore inédits éclairés par des introductions et un appareil de notes.

À ce jour, notre catalogue, unique en son genre, comprend plus de mille textes grecs, latins, chinois, sanskrits, donnés dans des éditions bilingues de référence et issus de disciplines diverses qui ont marqué le progrès de notre connaissance : la philosophie, les religions, la philologie, les sciences, la médecine, l'histoire, la poésie et le théâtre.

Pour respecter les rigoureux principes d'édition de sources anciennes, les Belles Lettres coopèrent avec les meilleurs spécialistes, en France comme à l'étranger. De ce patient travail dans la tradition des Humanistes de la Renaissance, nait un linéaire de sources qui va de l'Antiquité à la Renaissance, de l'Occident à l'Orient.

Lui répondent les travaux de penseurs et d'historiens contemporains aux livres de tous domaines (histoire, science, philosophie, art), et dont les connaissances et idées méritent une transmission.

Notre catalogue est un pari sur la force de l'écho entre notre monde et celui des anciens. Pour ne pas perdre le futur. Ainsi va le monde, et nos livres.

Le vrai croyant, Pensées sur la nature des mouvements de masse, Eric Hoffer (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 11 Avril 2022. , dans Les Belles Lettres, Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres

Le vrai croyant, Pensées sur la nature des mouvements de masse, Eric Hoffer, janvier 2022, trad. anglais (USA) Pierre Francart, 264 pages, 17,50 € Edition: Les Belles Lettres

 

Si l’on considère Eric Hoffer (1902-1983) comme un philosophe, un penseur (et il n’y a aucune raison de ne pas le considérer comme tel) et que l’on recherche sur le réseau Internet des informations au sujet de ce philosophe, de ce penseur, très mal connu en France, on sera surpris de tomber sur des photographies qui correspondent fort peu à l’idée que l’on se fait d’un philosophe, un individu en général peu solide physiquement, vêtu de tweed, assis dans un confortable fauteuil ou à son bureau (mais cette image est en soi très récente). Coiffé d’une casquette, un cigare bon marché calé entre les dents, Hoffer fut chercheur d’or, ouvrier agricole et débardeur dans le port de San Francisco, lisant et écrivant à ses heures perdues et bien employées tout à la fois. Son livre le plus célèbre (ou le moins ignoré), et également son premier livre, The True Believer (1951), avait été publié en traduction française dès 1966, sous un titre différent, mais n’avait pas été « reçu » en France. Fallait-il donner une nouvelle chance à ce volume oublié ou ajourné ? La réponse sera à la fois affirmative et enthousiaste, tant Le vrai croyant possède l’éclat limpide d’un grand livre.

Prise de sang, Emmanuel Berl (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 14 Janvier 2021. , dans Les Belles Lettres, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Prise de sang, Emmanuel Berl, 2020, 246 pages, 13,90 € Edition: Les Belles Lettres

 

Publié en 1946, Prise de sang est un livre composé sur les décombres. Personnalité du monde littéraire parisien, Emmanuel Berl avait été jugé suffisamment français pour récrire, en juin 1940, certains discours de Philippe Pétain (il estimait avec raison que la prose cacochyme et crachotante du maréchal n’atteignait pas à la puissance rhétorique de Churchill ou De Gaulle), dont celui contenant la fameuse phrase « La terre, elle, ne ment pas » (aussi belle et creuse, si l’on y réfléchit bien, que n’importe quel slogan électoral). Dans les mois qui suivirent, cependant, Berl ne fut plus jugé assez français (autrement dit, trop juif) pour jouir de ses droits civiques et continuer à vivre sans se cacher. La Corrèze et le Lot, deux départements suffisamment vastes et vides pour qu’un Juif pût s’y dissimuler sans courir trop de risques (et, n’étant pas le premier venu, Berl pouvait compter sur de solides amitiés, nouées avant-guerre), lui offrirent l’hospitalité.

Les Argonautiques, Apollonios de Rhodes (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 03 Mars 2020. , dans Les Belles Lettres, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Contes

Les Argonautiques, Apollonios de Rhodes, 2019, trad. grec ancien, Francis Vian, Émile Delage, préface Glenn W. Most, 348 pages, 21 € Edition: Les Belles Lettres

 

Était-il raisonnable d’écrire une épopée quand on venait après Homère ? La question peut être posée autrement : est-il raisonnable d’écrire un roman après Proust ? Était-il raisonnable de composer de la poésie sous le magistère écrasant et tyrannique de Victor Hugo ? Baudelaire l’a pourtant fait, en s’emparant d’une des rares formes poétiques que l’exilé de Guernesey n’avait pas illustrées : le sonnet. Apollonios de Rhodes, né en 295 avant Jésus-Christ, s’est-il posé semblable question ? Nous l’ignorons. En tant que Grec lettré – et de surcroît directeur de la bibliothèque d’Alexandrie – il connaissait naturellement les épopées homériques. Mais le goût littéraire avait changé – on n’ose écrire évolué – et Homère finit par paraître rébarbatif, brutal, aux yeux des Alexandrins érudits et raffinés. Apollonios choisit donc un épisode de la mythologie grecque qu’Homère avait délaissé : la quête de la Toison d’or, sur laquelle il composa une épopée en quatre livres. Le public alexandrin de son époque se trouvait dans le même état d’esprit que les Français du Grand Siècle lorsqu’ils allaient voir Corneille, Racine ou les autres dramaturges : ce n’était pas la nouveauté ou l’originalité du sujet qui leur importait, mais la manière dont il était traité (si génial que soit le réalisateur, tout le monde sait comment se terminera un film sur le Titanic).

Le Thème de notre temps, José Ortega y Gasset (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 20 Novembre 2019. , dans Les Belles Lettres, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Espagne

Le Thème de notre temps, José Ortega y Gasset, Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque classique de la liberté, avril 2019, trad. espagnol, David Uzal, 166 pages, 21 € Edition: Les Belles Lettres

 

José Ortega y Gasset (1883-1955) possède la particularité à la fois étonnante et pas nécessairement enviable d’incarner à lui seul la philosophie en son pays, un grand pays, qui donna au monde des écrivains de tout premier ordre, mais – lui excepté – aucun philosophe important (les théologiens éminents qui fleurirent à Salamanque au XVIe siècle n’étant pas au sens strict des philosophes).

La renommée d’Ortega y Gasset tient avant tout à un titre, La Révolte des masses (1929), ouvrage à la fois daté et prophétique, daté parce que prophétique et qui, à l’heure du solipsisme collectif des réseaux « sociaux », n’a pas perdu sa pertinence. Les éditions Klincksieck avaient naguère entrepris la publication d’Œuvres complètes d’Ortega en français. L’entreprise n’est pas allée au bout. Il a fallu près d’un siècle pour que El tema de nuestro tempo soit traduit en français (le livre a paru en 1923).

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir, Christian Jacob (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 28 Octobre 2019. , dans Les Belles Lettres, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir, Christian Jacob, 2018, 464 pages, 35 € Edition: Les Belles Lettres

 

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir appartient à une catégorie d’ouvrages plus répandue, semble-t-il, dans le monde anglo-saxon qu’en France : le recueil de travaux publié par un savant, coup d’œil rétrospectif jeté à une carrière, dont on peut ainsi (ou non) apprécier la cohérence, les palinodies, les repentirs.

Personne ne trouve extraordinaire de pouvoir lire, dans une savante édition critique du texte original ou dans une simple traduction en livre de poche, les dialogues de Platon, le poème de Lucrèce, les tragédies de Sophocle. Ces œuvres nous enchantent et en ont inspiré bien d’autres. Mais nous oublions que nous n’en disposons que grâce à un improbable concours de circonstances. Derrière chaque page ancienne que nous pouvons lire, il y a le double miracle de sa conservation et de sa transmission. De même que le nombre des êtres humains morts dépasse de loin celui des vivants, la quantité d’œuvres perdues sans retour dépasse celle des œuvres que nous avons conservées. Et même si cela semble difficile à croire, il est tout à fait possible (bien qu’indémontrable) qu’en qualité, ces œuvres disparues aient été supérieures à celles qui nous sont parvenues.