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Des liens invisibles, tendus / Taut, invisible threads, Dara Barnat

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 16 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Recours au poème Editeur

Des liens invisibles, tendus / Taut, invisible threads, recueil bilingue, poèmes traduits de l’anglais (Israël) par Sabine Huynh, 114 pages, 8 € . Ecrivain(s): Dara Barnat Edition: Recours au poème Editeur

 

Dara Barnat : Jamais ne faire fi

 

Composer une poésie qui puisse tout à la fois embrasser l’Histoire et la vie de chacun, avec ses petitesses et ses grandeurs, avec ses pleins et surtout ses manques chantants.

Composer une poésie qui soit à même de faire que les gens se tutoient sans malice, avec douceur, au plus profond d’eux-mêmes ; chacune d’elles, chacun d’eux.

Composer une poésie qui, ce faisant, n’oublie jamais, jamais, de prendre en compte les frémissements de l’Histoire et du temps. Et ce en donnant une place capitale au rythme, à la pulsation des vers sur la page, grâce à l’utilisation qui est faite du blanc, à la pulsation du sens dans nos vies, grâce à la découpe subtile des vers.

Sur le rivage, Rafael Chirbes

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Espagne, Rivages

Sur le rivage (En la orilla), traduit de l’espagnol par Denise Laroutis, janvier 2015, 507 pages, 24 € . Ecrivain(s): Rafael Chirbes Edition: Rivages

 

L’écriture de Rafael Chirbes est tendue comme une corde prête à casser. C’est l’outil parfait pour dire l’Espagne sombre. Verbe sombrer ? Oui, à travers les époques de son histoire qui se croisent ici de génération en génération, qui de la tragédie de la Guerre Civile à la Crise qui étreint un pays et ses habitants, se télescopent, s’amoncellent, s’additionnent comme une suite tragique, comme un destin inexorable qui broient les enfants d’Espagne de tous les temps. Mais non. Pas sombrer. Car Chirbes a cet art inimitable – trace du grand écrivain qu’il est – de déceler dans tout interstice lumineux, les signes de l’espoir. Quand même. Les hommes restent debout, comme avant, face aux armées franquistes que pères et grands-pères ont connues et combattues. Debout parce qu’encore ensemble.

Non, avec Chirbes, c’est l’Espagne sombre. Adjectif qualificatif. Presque pléonasme tant notre mémoire littéraire est chargée d’images noires venues des Asturies, de la Castille ou l’Andalousie. Avec en basse continue le décor brûlant et mortel des pièces et poèmes de Lorca.

Mes Oncles d’Amérique, Françoise Bouillot

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Récits, Joelle Losfeld

Mes Oncles d’Amérique, janvier 2015, 72 pages, 9 € . Ecrivain(s): Françoise Bouillot Edition: Joelle Losfeld

 

Petit récit et grand plaisir. On lit ce livre d’une traite, sans que l’intérêt ne faiblisse un instant. Deux femmes se souviennent des « oncles d’Amérique ». Et, avec eux, par eux, elles se souviennent d’une époque de leur toute jeunesse, d’un univers aujourd’hui disparu d’un New-York qu’elles ont quitté depuis pour Montmartre – et qui s’est effacé. Pas dans les mémoires. Dans la réalité et même dans le nom. Alphabet City – qui s’appelait ainsi car ses rues portaient toutes des noms de lettres – A, B, C … – est devenu East Village et la bohême est morte.

Des mondes qui disparaissent constituent le thème récurrent de ce récit. Les deux oncles connus et aimés à NY, étaient anglais et avaient quitté l’Angleterre dans des conditions aussi mystérieuses que sulfureuses. L’Angleterre s’était dissoute pour eux dans un déni farouche. Surtout de la part d’onc’ Peter, le plus rigide des deux. Ils forment un couple de vieux homosexuels à la fois drôles et teintés d’amertume.

Je suis un dragon, Martin Page (Pit Argamen)

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 12 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Robert Laffont

Je suis un dragon, janvier 2015, 288 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Martin Page Edition: Robert Laffont

« Les deux adolescents n’en croyaient pas leurs yeux.

Margot flottait à un mètre du carrelage. Elle était partagée entre la stupeur et le sentiment de sortir de sa chrysalide et de s’épanouir enfin ».

« Durant deux années, de quatorze à seize ans, Margot consacra son temps à sauver le monde.

Un avion de ligne en perdition au-dessus de l’océan Pacifique : Margot filait dans les airs trente secondes après le début de l’alerte. Elle recueillit l’avion sur son dos et le déposa sur une piste de l’aéroport d’Hawaï ».

Je suis un dragon est le roman de la naissance et des premiers âges de la vie d’un superhéros, d’une héroïne douée d’une force inouïe, qui d’un élan déjoue toutes les catastrophes humaines et d’un geste réduit en poudre tout agresseur. Je suis un dragon, comme l’on dirait je suis un monstre ou je suis une légende, mais aussi, je suis un roman. L’aventure m’appelle et m’hypnotise. Je suis Margot, petite fille perdue aux parents assassinés, à l’avenir flétri, mais à la colère intacte et dormante, une colère qui va se réveiller et tout déclencher, tout révéler. Je suis un dragon, je suis Margot, jouet des puissances mondiales qui tiennent, là, leur arme secrète.

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Patrick Modiano (2ème article)

Ecrit par Laurent Bettoni , le Lundi, 12 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, octobre 2014, 160 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

Ce qu’il y a de bien, avec Patrick Modiano, c’est que, contrairement à ses personnages, les lecteurs ne sont jamais perdus dans ses livres. Normal, ironisent certains, puisqu’il écrit toujours le même. C’est toujours l’histoire d’un homme qui marche dans les rues de Paris, la nuit et par temps de brume, à la recherche de son passé, de ses parents, de ses origines. Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier n’échappe pas au dogme. Il en serait même une sorte de quintessence, avec un titre fusion de deux précédents titres, Quartier perdu et Dans le café de la jeunesse perdue.

Soit. Sauf que. Sauf qu’en vérité c’est presque toujours le même livre, mais pas tout à fait non plus le même livre, et que tout réside dans le « presque », que là que se niche l’immense talent de l’auteur, que, là, tient son univers, son œuvre. Modiano, jusqu’à présent, a toujours su apporter une nouvelle nuance à la nostalgie, donner une nouvelle dimension à la mélancolie.