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Temps couvert… Pas de vent, Odile Gapillout

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 02 Novembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Temps couvert… Pas de vent, Ed. de la Rémanence, coll. Traces, décembre 2014, 170 pages, 16 € . Ecrivain(s): Odile Gapillout

 

Comment rendre-compte d’une vie ? Que dire d’une enfance, d’un passé enfoui ? Odile Gapillout, dans Temps couvert… Pas de vent, fait le choix de ne rapporter que des bribes, des souvenirs épars, des fragments. Pas de continuum, de récit totalisant qui nous restituerait – ou prétendrait le faire – dans l’entièreté de notre être.

Son livre, c’est un album photo sans images, ce sont des images devenues mots, revenues à la surface. Ce sont des moments de vie, des épiphanies, mais aussi des moments plus graves et douloureux. La narratrice les saisit, les conserve, les embaume en autant de petits mausolées qu’il y a de chapitres.

La narratrice, c’est Lucile. Ce n’est pas Odile, pas tout à fait du moins. La quatrième de couverture nous signale pourtant qu’Odile Gapillout est la fille de Robert, qui est aussi le père de la narratrice. On apprend par ailleurs dans le texte que la grand-mère de Lucile s’appelle, tout comme l’auteur, Gapillout. Pourquoi ce jeu avec l’identité ? Pour garder une distance semble-t-il, la juste distance pour se raconter, pour rendre à ces instants leur authenticité. Pour dire que le temps a passé. Que nous ne sommes peut-être plus les mêmes.

L’imposteur, Javier Cercas

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 31 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Espagne, Actes Sud

L’imposteur, trad. de l'espagnol Aleksandar Grujicic, Elisabeth Beyer, septembre 2015, 400 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Javier Cercas Edition: Actes Sud

 

« Je ne voulais pas écrire ce livre ». C’est par cet incipit en forme d’aveu (ou de défense) que s’ouvre L’imposteur, un récit biographique étonnamment réel et fictif à la fois. L’auteur-narrateur va, en effet, nous raconter l’histoire d’Enric Marco, personnage encore vivant, « grand imposteur et grand maudit », pseudo-survivant des camps nazis, icône nationaliste antifasciste, symbole de l’anarcho-syndicalisme, à la tête de plusieurs organisations. Pour être bien sûr que nous ne soyons pas, avec cette histoire réelle truffée de mensonges, dans un véritable roman, Javier Cercas va nous parler d’abord de comment il a résisté à l’envie d’écrire cette biographie d’un menteur et non pas un roman. Ce livre est donc le roman d’une biographie fictive. C’est qu’au-delà du mensonge de l’homme qu’était Enric Marco, il y a l’illusion de la réalité que contient toute tentative d’écrire sur.

Beaucoup de questions sont posées au lecteur, par Cercas qui se les pose sans cesse à lui-même : a-t-il tort d’essayer de comprendre le mal extrême ?, si on considère que Marco a réellement menti sur sa présence en tant que victime du nazisme dans les camps de la mort. A-t-il raison de vouloir comprendre quelqu’un comme Enric Marco quand il trompe le monde avec le mal extrême ?

La Zone d’Intérêt, Martin Amis

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 31 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Calmann-Lévy

La Zone d’Intérêt, août 2015, trad. anglais (GB) par Bernard Turle, 400 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Martin Amis Edition: Calmann-Lévy

 

La Zone d’Intérêt est le dernier roman en date de Martin Amis (1949), et il a été l’objet du scandale d’une rentrée littéraire coutumière dans ses extases pré-programmées et sa tiédeur éditoriale ; pensez donc : Gallimard, éditeur historique des romans de l’auteur de London Fields, a refusé La Zone d’Intérêt, et c’est Calmann-Lévy qui a hérité de la potentielle bombe littéraire qu’est ce roman. Autant l’annoncer de suite : en fait de bombe littéraire, on a surtout affaire à un pétard mouillé.

Certes, le sujet en est sulfureux en apparence : dans le camp de concentration fictif Kat Zet I, situé en Pologne et ressemblant comme un frère à Auschwitz, des personnages, allemands pour la plupart, s’ébattent, font état de leurs petites misères existentielles, connaissent de sordides histoires de coucherie… Un officier SS, Angelus Thomsen, aryen au « physique idéal » et, pas si accessoirement que ça, neveu de Martin Bormann, tombe amoureux de Hannah, la femme du commandant du camp, Paul Doll, ce qui incite le second à faire suivre le premier, comme dans un vulgaire vaudeville…

La guerre de l’once et du serpent, Patrice Montagu-Williams

Ecrit par Stéphane Bret , le Samedi, 31 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, L'Harmattan

La guerre de l’once et du serpent, avril 2015, 209 pages, 20 € . Ecrivain(s): Patrice Montagu-Williams Edition: L'Harmattan

 

Le Brésil est un pays qui engendre des rêves : en tant que contrée rattachée au continent américain d’abord, par son immensité et la diversité de ses populations et de ses régions, ensuite. Patrice Montagu-Williams, auteur du roman La guerre de l’once et du serpent, qui a pour cadre le Brésil des années 30, nous introduit bien dans cet univers.

L’action se déroule dans le Nordeste brésilien, le long du fleuve São Francisco, dans la région du sertão, terre imprégnée de légendes, de superstitions les plus diverses faisant bon ménage avec le catholicisme dominant. Cette région passe aussi pour être peuplée de bandits, de prophètes – faux ? – et de saints à la légende non confirmée.

C’est la veille de la seconde guerre mondiale ; le Brésil est dirigé alors d’une main de fer par Getulio Vargas, un dictateur, qui a installé un état fort, autoritaire, l’Estado Novo, et n’a pas choisi son camp entre les Nazis et les Alliés occidentaux. Peu de temps auparavant, Lampiào, l’un des plus célèbres des cangaçeiros, sorte de bandes assimilées à des « bandits d’honneur », et ses compagnons ont été abattus, décimés par les troupes du régime, ce dernier ne pouvant accepter de laisser une région entière sous le contrôle de bandes armées défiant son autorité.

Mémoires d’outre-mer, Michaël Ferrier

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 30 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Mémoires d’outre-mer, août 2015, 352 pages, 21 € . Ecrivain(s): Michaël Ferrier Edition: Gallimard

 

« Ces gens étaient des aventuriers, des Outre-mer. Ils venaient de loin, de l’Inde, ou de l’Afrique, d’Europe ou bien de Chine, ils venaient de bien plus loin encore sur l’éperon de leur désir ; ils arrivaient de toujours, ils s’en allaient partout ».

En mémoire de Jean-Pierre B. qui n’aura pas eu le temps de le lire.

Les grands romans sont des cyclones. Ils s’annoncent par des frémissements, de légers bruissements, quelques vibrations, et par contamination romanesque, ces courants d’air chaud prennent force et vigueur, ils se lèvent comme une vague, déferlent et multiplient éclairs et éclats, et deviennent le mouvement même du roman. Mémoires d’outre-mer est un cyclone littéraire, un art du souffle, l’histoire d’un homme du vent, d’un homme volant, libre, qui survole une île et une époque, et qui se joue des trahisons de l’Histoire.