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Le tour d’Europe en avion, Un petit-bourgeois dans la Russie rouge, Manuel Chaves Nogales

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 14 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Récits, Quai Voltaire (La Table Ronde), Voyages

Le tour d’Europe en avion, Un petit-bourgeois dans la Russie rouge, octobre 2015, trad. espagnol Catherine Vasseur, 240 pages, 21 € . Ecrivain(s): Manuel Chaves Nogales Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Journal de voyage, reportage journalistique, ce récit a été publié en une vingtaine de chroniques entre août et novembre 1928 dans le journal madrilène l’Heraldo, dont Manuel Chaves Nogales était le rédacteur en chef, puis, augmenté de textes censurés, il parut broché en un seul volume en 1929 aux éditions Mundo Latino. C’est cette dernière version que les éditions Gallimard viennent de traduire et éditer.

Le « petit-bourgeois » républicain comme se définit Manuel Chaves Nogales entreprend un long périple qui va le conduire d’Espagne en France, puis en Suisse, en Allemagne, en Russie de Moscou à Bakou en passant par la Lettonie, enfin en Tchécoslovaquie, en Autriche et en Italie avant de reprendre le chemin de l’Espagne. Moyen de locomotion : l’avion. Le Junkers de préférence, enfin lorsque celui-ci ne tombe pas en panne de moteur ou de carburant, n’atterrit pas en catastrophe dans un champ de blé fraîchement coupé.

Cindy Sherman, Eva Respini, Collection Catalogues d’exposition Hazan, Paris

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 14 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts

 

Cindy Sherman, jusqu’au 11 juin 2016, Metro Pictures, New-York

 

Cindy Sherman : les surannées

Après cinq ans de retrait, Cindy Sherman fait un retour sur un « terrain » a priori inattendu ? Celle qui disait il y a quelques années « Le passé ne passe plus dans mes œuvres, elles sont créées contre lui pour des extases négatives », l’artiste crée l’équivoque. Un doute apparaît sur ses fondamentaux. Celle qui refusait que le corps de la femme soit une machine à fabriquer du fantasme ou d’écrin semble changer de cap.

Mais qu’on se rassure : l’artiste pastiche l’univers du portrait tel qu’il fut décliné au cinéma de l’entre deux-guerres et en particulier du cinéma muet. L’artiste rameute les « climax » et les ambiances du genre en éloignant tout artifice par l’artifice lui-même. Au moment où elle semble jaillir, l’activité mimétique de la photographie capote. Et comme dans le Portrait ovale de Poe, si la vie semble passer intégralement de la réalité à l’art, les deux sont laissés pour « morts ».

76 Clochards célestes ou presque, Thomas Vinau

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 13 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Poésie, Le Castor Astral

76 Clochards célestes ou presque, mai 2016, 160 pages, 15 € . Ecrivain(s): Thomas Vinau Edition: Le Castor Astral

 

« Charles Bukowski : Le vieux Buk est né en 1920 et il était déjà vieux. Le vieux Buk est mort en 1994 flétri comme un bébé juteux. Le vieux Buk est le fils unique de l’Amérique »

« Albert Cossery : Albert Cossery pratique la paresse (tout comme Perros) comme un art martial. Celui de la contemplation séditieuse »

« Michel Simon : Accusé d’être juif pendant l’Occupation, d’être collabo à la Libération, d’être agent soviétique ensuite. Une tête à se prendre des gnons. Il est le poupon tordu qui fait tapiner la tendresse »

L’art de l’esquisse et du portrait éclate à chaque ligne des 76 Clochards célestes ou presque. Chaque mot y est pesé. Chaque miniature brossée avec finesse et justesse, les mots dévoilent, les phrases soulignent, éclairent ces croquis savants et savoureux. C’est l’art bref du regard porté sur Antoine d’Agata, Nicolas Bouvier – Il se sert de ses chaussures pour écrire. La rosée est son encre –, et Blaise Cendrars, Billie Holiday, et Georges Perros – Notes et poèmes, petites choses de rien, aiguisés et pointus, ses mots sont tout ce qui résiste au toc et à l’insignifiance (c’est aussi ce qui pourrait être écrit à propos de Thomas Vinau), ou encore Elliot Smith et Lester Young.

La Huitième Reine, Bina Shah (2ème critique)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 13 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asie, Roman, Actes Sud

La Huitième Reine, février 2016, trad. anglais Christine Le Bœuf, 360 pages, 23 € . Ecrivain(s): Bina Shah Edition: Actes Sud

Après de nombreuses années d’exil, suite à une amnistie, Benazir Bhutto atterrit à Karachi le 18 octobre 2007. Elle est pressentie pour devenir de nouveau premier ministre du Pakistan.

Ali Sikandar, à la fois étudiant à Bhutto University et reporter pour la chaîne de télévision privée City24 News, est chargé de couvrir l’évènement. Un attentat a lieu, tuant plus d’une centaine de personnes dont Haroon le cameraman d’Ali. Ce dernier qui sort très choqué de cette épreuve est amené à se poser des questions.

Personnage central, de ce livre, Ali a une vie un peu particulière. Expatrié pendant un certain temps à Dubaï pour suivre ses études, il est obligé de rentrer à Karachi pour aider sa mère et ses frères et sœurs. Son père, qu’il hait, a abandonné sa famille pour se remarier. Ali cache cette situation à ses proches et prétend que son père est mort. Il a peur d’être détesté non pas tellement pour le remariage de son père que pour les origines de ce dernier. C’est un Pir, un féodal appartenant à la classe dominante accusé d’exploiter le peuple. Ali, comme tous jeunes de son pays, se pose des questions sur la politique du Pakistan et ses dérives. Il se demande s’il doit rester ou préférer à nouveau l’expatriation. Dans sa chair, il vit douloureusement son amour pour sa fiancée hindoue à qui il a aussi caché ses origines.

Le plus et le moins, Erri De Luca

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 11 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits, Gallimard, Italie

Le plus et le moins, mai 2016, trad. italien Danièle Valin, 208 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Erri de Luca Edition: Gallimard

Chez De Luca, l’ancrage dans la réalité napolitaine ou ouvrière ou encore alpine est au cœur de nombre de ses ouvrages. Naples, comme Montedidio (honoré du Prix Médicis étranger 2002) ou Le jour avant le bonheur, l’ont montré avec brio et inventivité. L’alpiniste accompli a trouvé moyen d’illustrer l’univers de sa passion par le biais de la fable dans Le poids du papillon.

Depuis, des recueils de nouvelles ou de récits ont accompagné les soubresauts de la vie du Napolitain, finalement relaxé dans un sombre fait divers, d’où il est sorti grandi et prompt à affronter d’autres combats, plus intérieurs sans doute, comme le révèle le dernier opus, ensemble de 37 récits, suivis de trois poèmes, au titre singulier – qui en éclaire la portée, disons, hautement morale, Le plus et le moins.

Entre récits autobiographiques et autres histoires à portée symbolique, l’auteur napolitain, né en 1950, ayant longuement vécu au sceau des réalités parfois très sombres de son parcours, sent l’intense désir d’évoquer, en pages réalistes, nourries d’expériences diverses, ce que fut un certain passé. Passé lointain de l’enfance comme événements plus récents liés aux faits de mai 68, d’un passage douloureux dans la France de 1982. Sans oublier le passé tout proche, lorsque sa mère, ainsi, dut remplacer sa carte d’identité. Chez De Luca, l’intime, le noyau familial rejoint sans cesse les préoccupations communautaires et/ou collectives de la cité.