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Le pacha qui s’ennuyait, André Bouchard

, le Mercredi, 06 Juillet 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Jeunesse, Seuil Jeunesse

Le pacha qui s’ennuyait, avril 2016, 48 pages, 13,90 € . Ecrivain(s): André Bouchard Edition: Seuil Jeunesse

C’est un bon gros pacha, bien paisible, bien installé dans son fauteuil, lui-même posé sur une pile de coussins moelleux. Bien habillé, de jolies babouches, des bijoux et bagues à chaque doigt, et pourtant… malgré le confort, des serviteurs zélés, des distractions de plus en plus acrobatiques et extravagantes, notre pacha s’ennuie. Rien ne vient relever ses paupières tristement grises et à demi baissées, pas même la lecture du soir que lui fait Shéhérazade. Un seul recours possible, le « Plus grand Génie du royaume », qui arrive, sitôt convoqué, à bord de son tapis volant. « Ton mal vient du fait que tu vis sur un nuage, Pacha. Je vais te faire redescendre sur terre ! » Et aussitôt le vœu s’accomplit. Voilà le pacha en guenilles au milieu de ce peuple qu’il ne savait même pas exister. Et le voici confronté à la cruauté de celui qui les terrorise.

Mais sous les haillons le Pacha a gardé son autorité. Sa résistance au tyran lui attire la reconnaissance de ces gens jusque-là persécutés. Et lorsqu’il use du « nous » de majesté, ses sujets croient que ce sauveur est des leurs. Le voici porté en triomphe dans un cortège qui ne cesse de s’accroître et s’étirer dans les rues de la ville. Au palais, on craint l’insurrection. Le Grand Chambellan, les gardes, les hussards finissent par déserter, croyant à la fuite du souverain face au danger. Mais le Pacha rentre au palais, accompagné des habitants de la ville qui profitent alors de tous ses bienfaits.

J’ai été Johnny Thunders, Carlos Zanon

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 05 Juillet 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Espagne, Asphalte éditions

J’ai été Johnny Thunders, mars 2016, trad. De l’espagnol Olivier Hamilton, 321 pages, 22 € . Ecrivain(s): Carlos Zanon Edition: Asphalte éditions

 

La soumission aux formules consacrées est une facilité qui ici, malgré tout, s’impose : n’est pas Johnny Thunders qui veut ! Carlos Zanon nous conte la trajectoire de Francis, « Mr. Frankie », dont la première analogie avec le héros new-yorkais est la musique, le rock. Mais qui se souvient de Johnny Thunders ?

Qui se souvient de ce guitariste né à New-York, qui rejoint le groupe qui deviendra le mythique New York Dolls ? Il quitte ce groupe pour fonder en 1975 les Heartbreakers avec le bassiste de Television. Il entame une carrière solo à partir de 1978. Il meurt en 1991 à la Nouvelle-Orléans. Il reste la musique dont l’album LAMF (like a mother fucker), emblématique du mouvement punk.

Francis a été à Barcelone un rocker adepte de cette musique et qui a connu son heure de gloire locale avec un ou deux albums. On le retrouve dans cette même ville quelque trente ans après, sans le sou, ventru, avec dans la tête des souvenirs et surtout la volonté de prendre un nouveau départ ; il cherche un travail régulier pour pouvoir voir un fils qu’il n’a pas beaucoup vu et aider financièrement à son éducation, d’autant qu’il doit passer devant un juge en raison d’une pension alimentaire qu’il n’a pas payée.

Tenir tête aux dieux, Mahmoud Hussein

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 05 Juillet 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Tenir tête aux dieux, avril 2016, 167 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Mahmoud Hussein Edition: Gallimard

 

C’est un texte original et pleinement actuel que nous offre Mahmoud Hussein, pseudonyme qui inclut en réalité deux essayistes, Baghad El Nadi et Adel Rifaat. Le narrateur est un jeune étudiant égyptien. Il est idéaliste, rebelle, généreux, avide de justice et d’équité pour les citoyens de son pays. Pour calmer quelque peu les ardeurs de ces révolutionnaires trop bouillants et excessivement impatients, Nasser décide de les interner au cours d’une grande rafle survenue en 1959, dans le camp de concentration du Fayoum. Le récit du narrateur pourrait ressembler à bien d’autres témoignages du même type, ceux des anciens prisonniers ou victimes de régimes autoritaires ; il ne tombe pas dans ce piège et emprunte une autre voie, beaucoup plus efficace, celle d’une autocritique lucide, celle d’une interrogation sur la nature même de ses engagements moraux. Ainsi le narrateur repense-t-il à un vieux paysan, entrevu avant son incarcération, un être humain symbole de ce qu’il veut combattre : la fatalité, le conservatisme, la résignation : « J’aurais dû lui en vouloir, mais je comprenais son indifférence. Au fond, j’éprouvais la même à son égard. Le monde dont je rêvais pour lui répondait d’abord à mes souhaits à moi. Une Egypte indépendante et fière où chacun serait libre de penser et de faire ce que bon lui semblerait, ce n’était pas son souci ».

Du Bonheur d’être Morphinomane, Hans Fallada

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 04 Juillet 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Nouvelles, Denoël

Du Bonheur d’être Morphinomane, novembre 2015, trad. allemand Laurence Courtois, 352 pages, 22 € . Ecrivain(s): Hans Fallada Edition: Denoël

 

 

Depuis 2007, les Editions Denoël et la traductrice Laurence Courtois se sont lancées dans une entreprise plus qu’honorable : porter à la connaissance du public francophone l’œuvre de l’Allemand Hans Fallada (1893-1947). Pour l’heure, ce ne sont que trois romans (Quoi de Neuf, Petit Homme ?, 1932, Le Buveur, 1950, et son chef-d’œuvre absolu, Seul dans Berlin, 1947) parmi la grosse vingtaine d’ouvrages publiés de son vivant ou de façon posthume ; autant dire qu’il y a encore du pain sur la planche. Pour le présent volume, Du Bonheur d’être Morphinomane, Laurence Courtois a selon ses dires sélectionné des textes « choisis parmi deux recueils réunissant une quarantaine de nouvelles et une vingtaine d’histoires pour enfants » ; en français, ceci est donc le premier recueil de nouvelles signées Hans Fallada, et c’est l’opportunité de prendre connaissance des multiples formes que prend son talent littéraire à l’inspiration multiple.

Il y a poésie, Mathias Lair

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 04 Juillet 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Poésie

Il y a poésie, éd. Isabelle Sauvage, 2016, 164 pages, 17 € . Ecrivain(s): Mathias Lair

 

Le livre de Mathias Lair peut se prendre comme une suite de « Lettres au jeune poète ». Au plus vieux aussi. L’auteur y propose son Ars Poetica par sauts et gambades plus que par tyrannie du logos. Et comme l’on dit, « ça dépote ». De manière jouissive et judicieuse. Le prétexte de caresser une forme poétique ne suffit pas à se prétendre poète. La connivence est remplacée par la distance nécessaire ente la réalité et le fantasme de l’écriture. La « tutoyer » impose un trouble double que même la seule expertise ou diagnostic autocritique ne suffit pas à établir.

Au premier rang des risques ou « incestes » (comme le dit Lair) inhérent au genre : l’idéalisme de supposés illuminateurs qui se prennent pour ses gourous (et parfois ses lacangourous). Ils réduisent à une théosophie de plus. D’autant que se cache souvent « sous » le prétendu poète un psychotique : il ne souffre pas (à l’inverse d’un Beckett) de ne pas être né, mais de n’avoir pas été « identifié ». L’objectif sera de faire savoir à la terre entière son état d’« inséparation » mais n’est pas Artaud qui veut. De cette maladie infantile surgit un totalitarisme, un besoin dérisoire de toute-puissance qui « puise à nos racines premières ».