Le pacha qui s’ennuyait, André Bouchard
Le pacha qui s’ennuyait, avril 2016, 48 pages, 13,90 €
Ecrivain(s): André Bouchard Edition: Seuil JeunesseC’est un bon gros pacha, bien paisible, bien installé dans son fauteuil, lui-même posé sur une pile de coussins moelleux. Bien habillé, de jolies babouches, des bijoux et bagues à chaque doigt, et pourtant… malgré le confort, des serviteurs zélés, des distractions de plus en plus acrobatiques et extravagantes, notre pacha s’ennuie. Rien ne vient relever ses paupières tristement grises et à demi baissées, pas même la lecture du soir que lui fait Shéhérazade. Un seul recours possible, le « Plus grand Génie du royaume », qui arrive, sitôt convoqué, à bord de son tapis volant. « Ton mal vient du fait que tu vis sur un nuage, Pacha. Je vais te faire redescendre sur terre ! » Et aussitôt le vœu s’accomplit. Voilà le pacha en guenilles au milieu de ce peuple qu’il ne savait même pas exister. Et le voici confronté à la cruauté de celui qui les terrorise.
Mais sous les haillons le Pacha a gardé son autorité. Sa résistance au tyran lui attire la reconnaissance de ces gens jusque-là persécutés. Et lorsqu’il use du « nous » de majesté, ses sujets croient que ce sauveur est des leurs. Le voici porté en triomphe dans un cortège qui ne cesse de s’accroître et s’étirer dans les rues de la ville. Au palais, on craint l’insurrection. Le Grand Chambellan, les gardes, les hussards finissent par déserter, croyant à la fuite du souverain face au danger. Mais le Pacha rentre au palais, accompagné des habitants de la ville qui profitent alors de tous ses bienfaits.
Le Pacha ne s’ennuie plus. Il n’a plus de serviteurs mais il a des amis. Il ne dit plus « nous » mais « je » et, après avoir salué la foule qui l’acclame au pied du château, il « regagne les cuisines pour aider à faire la vaisselle ». Ainsi se termine ce conte que l’on peut qualifier de véritable apologue.
Ce pacha, bien sympathique, invite à regarder les autres, à reconnaître les valeurs de courage et de fraternité. La chute ne manque pas d’humour et on ne peut s’empêcher de penser à quelque apologue de Voltaire – lui même inspiré d’un conte des Mille et une nuits – qui serait écrit pour les petits.
Les illustrations servent le propos avec bonheur. L’orientalisme est bien représenté par les silhouettes, les coiffures, l’esquisse de l’architecture du palais. L’ensemble crée un univers propice au rêve. Les personnages sont campés et croqués de telle sorte qu’on peut d’emblée en reconnaître le caractère. Le commentaire que l’on partage à la lecture avec l’enfant est riche et souvent amusé.
Voici donc un bel album à lire sans modération, autant pour le plaisir de l’adulte que pour celui de l’enfant, dès 5 ans.
Christine Perrin-Lorent
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