Il faut loyalement avertir tout lecteur de ce joyau littéraire : il sortira de ce livre éperdument amoureux de Nane et pour longtemps. Nane c’est Paris, la beauté, l’esprit, la joie d’être jeune et adulée par les hommes. Nane c’est l’insouciance des fêtes, des salons, des spectacles, du tout-Paris bourgeois du début du XXème siècle. Mais Nane c’est, d’abord, une jeune femme issue du peuple et qui s’est hissée dans le monde avec ce que la nature lui avait donné de mieux, sa beauté. Elle fait commerce de son corps mais en demi-mondaine, comme on disait alors. Aujourd’hui on utiliserait sûrement « call-girl » mais en tout cas jamais putain. Nane a trop de charme et d’intelligence pour ce terme brutal et jamais, le narrateur – Toulet sûrement – ne se permettrait son usage.
Ce roman, est-ce un roman ? Pas vraiment. On a une succession de tableaux mettant Nane dans diverses situations, devant son miroir, chez sa mère, à Venise, lors d’un apéritif mondain. Une succession qui, irrésistiblement, fait penser au théâtre, si prisé alors sur les boulevards parisiens. Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit point d’un « théâtre de boulevard » balourd et souvent trivial tel qu’on le connaît aujourd’hui. Non, nous sommes plutôt du côté de Labiche, avec des dialogues pétillants, un humour souvent très drôle, des personnages décalés et toujours étonnants.