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Parade Jeunesse d’Eternité, Zoé Balthus

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Dimanche, 12 Février 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Parade Jeunesse d’Eternité, Gwen Catalá Editeur, janvier 2017 . Ecrivain(s): Zoé Balthus

 

Dans ses écrits esthétiques, Zoé Balthus n’ignore jamais les dérapages de la langue plastique lorsqu’elle devient complice de l’impensable. C’est sans doute pourquoi son premier roman ramène à une des aubes majeures d’un tel langage. Preuve qu’au commencement était le Verbe mais aussi l’Image. Le livre débute au chevet d’un blessé de guerre au seuil de la mort : Guillaume Apollinaire, un éclat d’obus fiché dans le crâne. Pablo Picasso lui annonce que Jean Cocteau, poète inconnu à l’époque, lui propose de réaliser les décors d’un « ballet réaliste » qu’il veut créer pour les Ballets Russes. Le compositeur Erik Satie est déjà de la partie. Le livre réinvente une fraternité au milieu des arts dont les jeunes officiants refusent à un usage communal ou classique.

Certes des nuages traversent les cieux, mais l’ombre permet aux personnages de devenir non une projection, résultat d’années de recherches, de lectures, d’écritures et de réécritures tant l’auteure est à la fois passionnée et perfectionniste. Le roman, en dépit de son retour amont, n’a rien d’une consolation nostalgique. La narration devient un appel à la beauté en train de se créer dans les labyrinthes et les vicissitudes de ceux qui la fomentent. Chaque personnage exprime à la fois l’histoire d’une solitude et d’un appel à l’autre.

Seules les bêtes, Colin Niel

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 11 Février 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Rouergue

Seules les bêtes, janvier 2017, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Colin Niel Edition: Le Rouergue

 

« La tourmente.

Oui, certains disaient qu’Evelyne Ducat avait été emportée par la tourmente, comme autrefois. La tourmente, c’est le nom qu’on donne à ce vent d’hiver qui se déchaîne parfois sur les sommets. Un vent qui draine avec lui des bourrasques de neige violentes, qui façonne les congères derrière chaque bloc de roche, et qui, disait-on dans le temps, peut tuer plus sûrement qu’une mauvaise gangrène ».

Seules les bêtes est ce roman de la tourmente. Le roman du vent glacial qui saisit les hommes et les femmes du plateau, qui vient griffer ce territoire oublié, perdu, saisi par le givre. La tourmente des corps et des âmes est au cœur de ce roman polaire. Une femme disparaît dans la tourmente, seule reste sa voiture abandonnée, et cette étrange disparition va révéler ces vies, ces rêves, ces fantasmes qui sommeillent entre les fermes sombres et isolées, dans les ornières des chemins boueux, et dans les bergeries où se blottissent les brebis.

Tocqueville, Brigitte Krulic

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 11 Février 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Folio (Gallimard), Histoire

Tocqueville, février 2016, 318 pages, 10 € . Ecrivain(s): Brigitte Krulic Edition: Folio (Gallimard)

 

Comprendre et définir la personnalité singulière, à la fois privée et publique, de celui qui se rendit célèbre à plusieurs titres durant la première moitié du XIXe siècle sous le nom authentique d’Alexis-Henri-Charles Clérel, comte de Tocqueville, requiert imparablement aujourd’hui un champ de vision élargi au cadre détaillé des évolutions sociales et politiques que connut la France pendant, mais aussi avant le cycle de son existence. Incontestablement nantie d’une connaissance sérieuse de toutes les secousses qui bousculèrent tour à tour les structures et le mode culturel de l’Etat, quelquefois même au-delà des strictes limites du pourtour national, également assurée d’une analyse objective des positions et agissements d’un seul à travers les contrecoups sismiques hérités du grand séisme révolutionnaire de 1789, Brigitte Krulic restitue de façon alerte et clairvoyante le cheminement vital du penseur et écrivain politique devenu après La Fayette sûrement le plus inconditionnel défenseur hexagonal de la démocratie à la mode étasunienne.

Ton cœur comme un poing, Sunil Yapa

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 10 Février 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Rivages

Ton cœur comme un poing, janvier 2017, trad. anglais (USA) Cyrielle Ayakatsikas, 352 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Sunil Yapa Edition: Rivages

C’est un roman puissant, un roman américain dans ce qu’il donne de meilleur, écrit au présent de narration, comme si les événements se déroulaient devant nos yeux, immédiatement.

L’intrigue prend place lors d’une des premières manifestations altermondialistes, la fameuse marche de protestation qui a lieu à Seattle en novembre 1999. Deux camps se font face : les manifestants, pacifistes de tous bords, et les forces de police, prêtes à tout pour maintenir l’ordre.

Plusieurs personnages sont approchés en multifocale : Victor le junkie, John Henry l’ancien homme d’Eglise, l’agent de police Timothy Park au visage balafré, patrouillant sur son cheval, Julia, dite Ju, la fliquette armée pour tuer, le Major Bishop, à la tête des forces de l’ordre en charge de la sécurité, menant les troupes au combat, King, la spécialiste de la non-violence. Il y a aussi le Dr Charles Wickramsinghe, ministre adjoint des Finances et de la Planification du Sri Lanka, délégué pour participer à une rencontre avec Clinton afin d’obtenir la quarantième et dernière signature de son traité régulant le commerce extérieur de son pays, et malencontreusement pris dans le maëlstrom. Tous ces personnages, le lecteur les suit pas à pas, heure après heure, dans leurs déplacements, les scansions de leurs slogans, leurs pensées et leurs agissements.

Le silence pour toujours, Stuart Neville

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Février 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Iles britanniques, Roman, Rivages

Le silence pour toujours (The Final Silence), janvier 2017, traduit de l’anglais par Fabienne Duvigneau, 316 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Stuart Neville Edition: Rivages

 

Retrouver Stuart Neville et son flic préféré, Jack Lennon, c’est comme replonger au fond du gouffre le plus noir. On sait peut-être ce qui nous y attend, mais à chaque nouveau livre, il semble que l’obscurité se fait plus opaque, plus glaciale.

Jack Lennon va mal. Ce n’est pas nouveau pour ce personnage poissard, ambigu, violent. Mais son mal s’est encore aggravé. Il est en morceaux, au plan physique et plus encore au plan psychique. Il n’est peut-être pas (encore) fou, mais il flirte dangereusement avec les pathologies mentales les plus graves. Sa vie est un enfer qui tourne comme un cycle fatal : pour supporter la douleur (physique) il avale des antalgiques puissants – non prescrits par ordonnance – ce qui accroît sa douleur (mentale). Une descente en enfer vécue dans la solitude. Sa « compagne » du moment, Susan, ne veut plus de lui, n’en peut plus de lui. Elle a accueilli Lennon avec sa fille Ellen en espérant recomposer une famille (elle-même a une fille). Mais alcool, drogues, désespoir ont fait de Lennon une loque et elle n’en veut plus.