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La Une Livres

Mikhaïl Kouzmine Vivre en artiste (1872-1936), John E. Malmstad, Nicolas Bogomolov (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 07 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Biographie

Mikhaïl Kouzmine Vivre en artiste (1872-1936), éd. ErosOnyx, coll. Documents, octobre 2018, 475 pages, 25 € . Ecrivain(s): John E. Malmstad, Nicolas Bogomolov

 

 

C’est un document exceptionnel que viennent de faire paraître les éditions ErosOnyx (dont le catalogue, déjà fourni, s’enrichit judicieusement de deux titres de l’auteur), soigneusement présenté et annoté et très utilement accompagné d’un index des œuvres et d’un index général. Exceptionnel et inédit. En effet, pour la première fois, le public francophone dispose en traduction de la biographie de référence de Mikhaïl Kouzmine (1872-1936), poète, écrivain, compositeur mais aussi auteur dramatique, critique et traducteur russe, né sous les tsars et mort dans l’Union soviétique de Staline. Une figure capitale des milieux intellectuels et artistiques de Saint-Pétersbourg et plus largement de l’histoire littéraire moderne de la Russie, censurée, mise sous le boisseau durant toute l’ère soviétique, et révélée au grand jour par deux universitaires, l’américain John E. Malmstad et le russe Nicolas Bogomolov, en 1999.

Manifeste Incertain 7, Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva, L’immense poésie, Frédéric Pajak (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 21 Décembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Poésie, Editions Noir sur Blanc

Manifeste Incertain 7, Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva, L’immense poésie, octobre 2018, 320 pages, 23 € . Ecrivain(s): Frédéric Pajak Edition: Editions Noir sur Blanc

 

« Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva : qu’ont-elles en commun ? L’une est d’Amérique, l’autre de Russie. Celle-là appartient au XIXe siècle, celle-ci à la première moitié du XXe. Toutes deux n’ont jamais douté de leur art, malgré leur isolement, la censure ou l’indifférence ».

 

« Certains vont le dimanche à l’église

Et moi – je reste à la maison

Avec un merle pour choriste

Et pour voûte un verger », Emily Dickinson

Des jours d’une stupéfiante clarté, Aharon Appelfeld (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 20 Décembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, L'Olivier (Seuil)

Des jours d’une stupéfiante clarté, janvier 2018, trad. hébreu Valérie Zenatti, 272 pages, 20,50 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Le dernier livre de l’écrivain israélien Aharon Appelfeld, qui nous a quittés cet hiver, raconte un voyage de retour chez soi et en soi : l’errance du jeune Théo à travers les paysages d’Europe centrale lorsque, à la libération du camp de concentration, il décide de quitter ses camarades prisonniers pour rentrer chez lui. Nimbé de brouillard, le jeune rescapé des camps avance sur une longue route sinueuse vers la lucidité cristalline « des jours d’une stupéfiante clarté ». Dans cette rencontre avec le silence de la plaine, on est frappé par la récurrence des mots « contempler » et « visions » qui ponctuent tout le récit du voyage, récit à la fois d’une pérégrination et d’une plongée en soi.

Ce voyage de retour chez soi, c’est d’abord l’histoire d’une intimité enfin retrouvée : Théo recherche son âme, ce qui l’a nourri comme ceux qui l’ont nourri et dont il a été brutalement arraché par la déportation. En route, il reconstitue les lambeaux de son passé : la vision de sa magnifique mère qu’il revoit sans cesse, en extase devant les icônes des monastères et les couchers de soleil, émue autant par les sonates de Bach que par la beauté des lacs. Il se souvient aussi, enfant, des délicieux bains chauds qu’elle lui donnait, de sa coquetterie frivole pour le maquillage et belles parures.

Par des traits, Henri Michaux (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 20 Décembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Fata Morgana

Par des traits, octobre 2018, 112 pages, 25 € . Ecrivain(s): Henri Michaux Edition: Fata Morgana

 

Vers un nouveau langage, Henri Michaux

Parlant des idéogrammes chinois, Michaux évoquait ce que ces « formes » généraient : « plutôt que choses, corps ou matières, montrant des groupes, des ensembles, exposant des situations. […] de lestes signes des paysages de branches fleuries et de feuilles de bambous qu’avaient vus en images et appréciaient » les paysans qui ne savaient pas lire.

A partir de là, Michaux, en deux livres, va à la recherche de ce paradoxal langage aussi neuf que premier. Les éditions Fata Morgana republient un des deux, Par des traits (1984). Comme dans l’autre livre de l’auteur sur le même sujet (Saisir), celui-ci rassemble pages de textes, de dessins abstraits, poèmes, essais, et groupes de signes graphiques à l’encre noire.

L’écriture chinoise n’y est jamais loin. Mais l’auteur propose, à partir d’une telle base, son propre « vocabulaire ». Michaux rêve d’un langage universel qui remplacerait les mots par les signes. L’objectif est de « saisir » de manière originale le monde et ses secrets là où le vocabulaire tomberait comme un fruit trop mûr.

Correspondance (1942-1982), Roman Jakobson, Claude Lévi-Strauss (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 19 Décembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Seuil, Correspondance

Correspondance (1942-1982), mai 2018, trad. Patrice Maniglier, préfacé, édité, annoté Emmanuelle Loyer, Patrice Maniglier, 434 pages, 25 € . Ecrivain(s): Roman Jakobson, Claude Lévi-Strauss Edition: Seuil

Isaiah Berlin – repris par Michel Serres – affirmait que le monde des chercheurs se pouvait diviser en deux catégories : les sangliers et les renards. Les sangliers labourent le sol en profondeur, mais dans un périmètre restreint ; tandis que les renards ne creusent pas, mais parcourent de vastes étendues. Roman Jakobson appartenait indiscutablement à la seconde catégorie. La pression des circonstances historiques le contraignit à une série d’exils qu’il sut faire fructifier : né en 1896, il dut quitter la Russie communiste (1920) pour se réfugier en Tchécoslovaquie (un État alors tout neuf), d’où il fut forcé de partir en 1939 pour le Danemark, la Norvège, puis la Suède, avant de finir par quitter le continent européen pour les États-Unis (1941). Ces déracinements successifs eussent brisé bien des êtres humains, mais Jakobson renforça son goût des langues (il parfait et écrivait aussi bien le russe et le tchèque que le français, l’anglais et l’allemand). Ses aptitudes en auraient fait un bon agent secret – la rumeur a d’ailleurs couru (p.139, note 2). Il élabora une œuvre profuse et protéiforme, rassemblée dans neuf épais volumes de Selected Writings, portant aussi bien sur la linguistique, les études slaves, la littérature comparée, la poétique, le Moyen-Âge. L’œuvre de Claude Lévi-Strauss, pour vaste qu’elle soit, se rattache principalement à une discipline, l’anthropologie.