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La Une Livres

Berlin on/off, Julien Syrac (par Marc Ossorguine)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 22 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Quidam Editeur

Berlin on/off, avril 2018, 142 pages, 15 € . Ecrivain(s): Julien Syrac Edition: Quidam Editeur

 

Berlin. Ach ! Berlin ! Pas besoin de « sein ein Berliner » pour que cette ville-là occupe une sacrée place dans nos repères culturels européens. Dans nos mythologies européennes, même. Une sacrée place, voire, pour certains, une place sacrée. Berlin. La VILLE. La capitale coupée en deux, fracturée, recollée… Mais sans doute pas libérée pour autant. La ville des rencontres les plus improbables. Celle des alternatives les plus radicales. La ville de toutes les « Kombinationen » entre les mots, les musiques, les couleurs, les ruines et les illusions, les espoirs. Une ville d’histoire du futur qui passe lentement dans nos mémoires, faisant ronfler mille échos.

Si l’on sait comment s’appelle cette ville, ses quartiers, on ne sait comment se nomme ce jeune français qui s’y fait flâneur de ses mythes et de ses mirages. Trois étapes à la manière d’un road movie qu’aurait pu tourner Wim Wenders (Der Himmel über BerlinLes Ailes du désir !). Ange aussi tombé du ciel, apprenti de l’humain et de la ville, il exerce d’étonnantes activités. Etonnantes de trivialité et d’absurdité.

La nuit se lève, Elisabeth Quin (par Marianne Braux)

Ecrit par Marianne Braux , le Vendredi, 22 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Grasset

La nuit se lève, Elisabeth Quin, Grasset, janvier 2019, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Elisabeth Quin Edition: Grasset

 

La nuit se lève sur le monde d’Elisabeth Quin. Atteinte d’un glaucome depuis plusieurs années, la journaliste et écrivaine raconte dans cet émouvant récit au titre évocateur ses peurs, son parcours du combattant avec les médecins et ses espoirs, le tout parsemé de citations issus d’ouvrages touchant à la cécité, de textes d’auteurs et de mythes antiques. Le résultat est poignant. L’écrivaine ne semble pas avoir cherché à faire un beau livre ; la langue est directe et personnelle, proche du journal intime, comme l’est le rythme qui fait entendre son souffle, à la fois inquiet et déterminé, paragraphe après paragraphe. Y est tenue la promesse que l’auteure s’était faite : écrire en se mettant à nu.

Présent et futur irriguent principalement le récit. Peu de souvenirs d’enfances, peu d’images dans lesquelles Quin chercherait à donner rétrospectivement un sens à son existence à l’aune de la maladie. La nuit se lève n’est pas la confession nostalgique d’une personne accrochée au passé. Beaucoup de descriptions en revanche, et de questions, à propos du quotidien qu’il lui faut d’ores et déjà réinventer et qu’elle ne peut s’empêcher d’anticiper, lorsqu’il deviendra vraiment difficile : comment prendre une douche ? Pourra-t-elle encore nager ? Comment une aveugle s’envisage-t-elle jour après jour, sans reflet ? Aura-t-elle encore du désir pour l’homme qu’elle aime et qu’elle ne pourra plus voir ?

Willnot, James Sallis (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Rivages/noir

Willnot, James Sallis, février 2019, 220 p. 19 € . Ecrivain(s): James Sallis Edition: Rivages/noir

 

 

Comme il en a l’art particulier, James Sallis déconcerte très vite le lecteur qui s’attend à un « roman noir » traditionnel, voire même à un roman noir tout court. Certes la première page nous fait découvrir un mystérieux charnier mis à jour – entrée classique d’un polar – à l’entrée de Willnot, petite ville (ne cherchez pas, vous ne trouverez pas) américaine dont le nom, à n’en pas douter, met d’entrée en doute l’existence réelle. Sallis en fait, en quelques chapitres, une ville à l’image des personnages auxquels il nous a habitués dans ses romans, une ville de solitaires, d’anxieux, de silencieux mais aussi de solidaires, de tolérants.

Willnot, une bourgade comme aucune autre, où rien ne se fait comme ailleurs, où la volonté commune, et communale, a choisi la marge, la bordure d’une géographie, loin du modèle américain. Les gens de Willnot ne ressemblent à personne.

De l’Angleterre et des Anglais, Graham Swift (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 21 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Récits, Gallimard

De l’Angleterre et des Anglais, janvier 2019, trad. anglais Marie-Odile Fortier-Masek, 332 pages, 21 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Gallimard

Le titre original, England and Other Stories, et celui de la présente traduction en français sont sobres et justes. Mais, prétention de lecteur, une expression (sans doute moins bon titre, concédons) décrit et énonce encore mieux ce dont il s’agit : « For intérieur » – dans le secret de sa pensée, au tribunal de sa conscience… Voici ce que sont tous, sans exception, les vingt-cinq textes qui composent ce nouvel ouvrage de Graham Swift. Pourtant ce sont des récits très variés, très différents les uns des autres. Un foisonnement de personnages, de métiers, de conditions sociales, d’origines et d’époques… Dans l’une des premières nouvelles, un coiffeur grec méditatif se répète la phrase suivante : « Les autres, c’est la vie ». Exact ! Graham Swift, à travers l’âme ou l’esprit d’un homme, d’une femme, ou d’un adolescent, décrit, répertorie les autres, tous ces autres qui sont la vie – la vie anglaise, la vie en Angleterre hier, avant-hier ou aujourd’hui. Un homme d’affaires interrompt un moment son jogging pour passer en revue sa vie, son couple, ses amitiés, ses vacances en famille ; un homme « converse » avec son épouse défunte ; une grand-mère se souvient de la brève permission de son premier mari mort peu après au front pendant la Première Guerre ; un divorcé se remémore un soir où il essayait d’écrire sur la table de la cuisine son profond sentiment d’amour à son épouse qui dort ; un homme est invité à passer la soirée par son meilleur ami dont il désire la femme… Ces récits pensent, cogitent avec sincérité et une admirable délicatesse de mots et de sentiments.

L’Indésirable, Louis Guilloux (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Jeudi, 21 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

L’Indésirable, février 2019, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Louis Guilloux Edition: Gallimard

 

La publication opportune d’un inédit de Louis Guilloux.

L’exhumation d’un inédit nous pousse immanquablement à nous interroger sur sa valeur. Va-t-on découvrir un chef d’œuvre inconnu, ou bien un texte oublié au fond d’un tiroir, finalement un ouvrage mineur un peu décevant ? On pourrait se le demander avec la publication de L’Indésirable de Louis Guilloux (1899-1980) par Olivier Macaux dans la Collection Blanche de Gallimard. Il s’agit du premier projet romanesque de Louis Guilloux, l’auteur a alors vingt-quatre ans. Refusé par les éditions Rieder et critiqué, entre autres, par Georges Duhamel qui déconseilla de publier le manuscrit en l’état, l’ouvrage a été délaissé par Guilloux lui-même. Le texte attendait son heure dans les archives de la bibliothèque municipale de Saint-Brieuc, ville natale de Louis Guilloux. Sans avoir l’épaisseur du chef-d’œuvre de Guilloux, Le Sang noir, L’Indésirable contient en germe tout ce que l’auteur développera par la suite et mérite beaucoup plus qu’une attention polie ; il provoque un réel émerveillement.