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La Tresse, Laetitia Colombani (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Livre de Poche

La Tresse, Laetitia Colombani, 240 pages, 7,40 € Edition: Le Livre de Poche

 

Un premier livre pour cette réalisatrice et scénariste française. Une découverte donc, qui éclaire d’un jour sensible la condition de femmes et de filles aux quatre coins de la planète. Un regard attentif et attentionné sur le sort peu enviable des femmes, à l’heure où l’internet et les réseaux semblent défier les coutumes ancestrales. La jeune romancière a pris le pari de « tresser » trois histoires pour en livrer à la fois l’injustice, la correspondance et le combat contre la bêtise, les traditions mutilantes. Trois univers sont décrits, d’une plume très réaliste, sur un ton empathique qui emporte le lecteur vers des terres étrangères, qui semblent, de loin, si étranges, comme si le temps nous avait déplacés.

On est en Inde avec une Intouchable, Smita, décidée coûte que coûte à libérer sa fille Lalita de tous les jougs. Les Intouchables en Inde sont les réprouvés, les exclus, les ramasseurs de merdes (c’est le « métier » de Smita). Ils ne peuvent ni toucher ni vivre au contact des autres castes. Pour eux, aucune éducation, aucune libération. Les discours de Gandhi en leur faveur n’ont eu aucun résultat. Smita va se battre, ruer dans les brancards, se mettre en danger pour trouver autre chose pour elle, et surtout pour sa fille.

À mon père, mon repère, Fawaz Hussain (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

À mon père, mon repère, Éditions du Jasmin, septembre 2021, 206 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain

 

Los

Dans son nouveau livre, Fawaz Hussain s’adresse à son père, un repère pour lui, le fils, un point d’ancrage, un jalon, en un los élogieux : « océan d’amour sans rivage, immensité de bonté ». Il saisit la figure d’un homme rare, cavalier, à la dentition en or, « autrefois une ornementation faciale très courante chez les femmes transitionnelles-traditionnelles (…) un signe de prestige » (Fatima Ayat, Horizons Maghrébins n°25/26, 1994). Cette mode très appréciée a été depuis dépréciée à cause de l’occidentalisation du Maghreb, puis redevenue l’apanage de riches rappeurs internationaux, adeptes de grillz, prothèses en or et incrustations de pierres précieuses. Fawaz Hussain aborde de nouveau sa filiation avec le peuple kurde, dont la présence et la civilisation sont anciennes.

Chroniques du bord du monde, Histoire d’un désert entre Syrie, Irak et Arabie, Vincent Capdepuy (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 02 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Payot

Chroniques du bord du monde, Histoire d’un désert entre Syrie, Irak et Arabie, Vincent Capdepuy, mars 2021, 480 pages, 23 € Edition: Payot

 

Intéressantes et documentées chroniques où l’auteur nous rappelle que « les blancs des cartes sont aussi souvent des blancs de l’Histoire, à la lisière parfois de hauts lieux comme Damas ».

Le désert a fait les hommes et les peuples parfois mouvants comme les sables qui en révèlent la matière principale. L’Histoire des peuples est semée d’embûches et d’utilisations diverses rendues pratiques dans le quotidien quand, par exemple, des colonnes antiques sont intégrées au bâti récent.

C’est que l’Histoire, comme le sable, a ses propres et parfois regrettables, mouvances : « L’objectif de ce livre est une tentative de se décentrer en mettant la focale sur la steppe, la badiya, sans qu’on attribue nécessairement une identification précise aux populations qui l’ont habitée : Bédouins, Arabes, Saracènes, Araméens, ou je ne sais quel autre ethnonyme ».

Humeur noire, Anne-Marie Garat (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 02 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Actes Sud

Humeur noire, Anne-Marie Garat, février 2021, 304 pages, 21,80 € Edition: Actes Sud

 

A l’occasion d’une visite au musée d’Aquitaine de Bordeaux, la ville où elle est née, où elle remarque un cartel didactique sur l’esclavage, dont la rédaction la choque profondément, Anne-Marie Garat revient sur ses années de formation, son engagement en tant que professeur de lettres, puis de cinéma au lycée expérimental de Montgeron. « J’ai donc gagné ma vie et mon entière liberté d’écrire en étant prof de lycée dans l’Education nationale, comme pas mal d’écrivains d’ailleurs ».

L’auteure nous livre ses interrogations sur le « métier d’écrivain » qui, comme celui de professeur, tiendrait soi-disant de la « vocation », comme un « idéal de vieux romantisme ». Toujours pour elle le temps d’écrire a été pris sur celui d’enseigner, sur celui de la vie courante : « Ecrire n’est pas un métier, mais un rapt, un libre choix d’existence », dû à une « addiction monomaniaque à la lecture, à l’écriture ».

Le Cercueil de Job, Lance Weller (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 01 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Gallmeister

Le Cercueil de Job (Job’s Coffin, 2021), septembre 2021, trad américain, François Happe, 465 pages, 25 € . Ecrivain(s): Lance Weller Edition: Gallmeister

 

Lance Weller place son roman sous les ombres tutélaires de Cormac McCarthy et de Shelby Foote. Sa maîtrise stylistique, son sens prodigieux de la structure romanesque, lui permettent cette audace qu’il assume et transcende. Le Cercueil de Job est une traversée sous le ciel du Sud alors que grondent les canons meurtriers de la Guerre Civile, sous les étoiles d’un ciel sans Dieu ou d’un Dieu indifférent au malheur des hommes, jetés dans l’enfer de la folie guerrière ou de la folie raciale et dont la solitude ne se brise que quand une balle vient leur traverser le corps, pour les enlever à ce monde de terreur, ou les en extraire, brisés, abîmés pour toujours. On entend dans l’écriture de Lance Weller le chant désolé de La Route, de Méridien de sang, de Shiloh ; mais on entend surtout la scansion particulière de l’écriture de Lance, qui tourne autour d’une scène, en extrait tout le champ de vision, capte la douleur des personnages et nous l’envoie comme autant de blessures dans nos consciences d’hommes – étrange espèce de ceux qui sont capables de ça. De haïr, de pendre, de brûler vifs, de castrer, de violer, d’exclure des hommes et des femmes de la condition d’humains.