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La Une Livres

Naissance d'un pont, Maylis de Kerangal (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 10 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Verticales

Naissance d'un pont, Maylis de Kerangal, Gallimard, Coll. Verticales, 2010, 317 pages, 19,20 € . Ecrivain(s): Maylis de Kerangal Edition: Verticales

 

J’ai découvert Naissance d’un pont devant une brasserie du Canal Saint-Martin, devant le pont tournant, une fin de matinée un peu plus froide que les autres. Maylis de Kerangal attendait quelqu’un, je venais prendre un café, toutes les deux emmitouflées dans nos manteaux. Je me souviens de la couleur du sien, de l’inattendu et de l’inattention, le sien était boutonné à contre-sens, boutonné en jaloux diraient les Québécois. J’ai aimé d’emblée cette écrivaine pour ce détail-là, un contre-sens, pour la couleur des feuilles en automne sur son vêtement. Et j’ai aussitôt acheté le livre à la librairie tout près. Je n’ai pas pris de café ce matin-là. Car je ne suis pas revenue pour lire le livre dans la brasserie ou lui demander de dédicacer ledit livre. La déranger, hors de question. Nul besoin, le livre entier est une dédicace que l’auteure fait à son lecteur.

Le Sentiment du fer, Jean-Philippe Jaworski (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 09 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Science-fiction, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Le Sentiment du fer, Jean-Philippe Jaworski, février 2022, 272 pages, 7,60 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans la préface au présent recueil de nouvelles, Jaworski cite et complète Tolkien proclamant que « la fantasy est une littérature d’évasion, non de fuite ; c’est également une littérature de la consolation, c’est-à-dire un havre imaginaire qui permet de se réenchanter avant de revenir se frotter à l’ennui, aux tracas et aux épreuves du quotidien ». On ne saurait mieux dire. Certes, la fantasy n’est pas un genre littérairement reconnu, et nul doute que d’aucuns la regardent avec mépris, préférant lire « ce qu’il faut », uniquement du sérieux, du didactique, du « qui parle du monde d’aujourd’hui » (ou d’hier, pour donner une leçon à aujourd’hui). À ceci près que la fantasy est un haut lieu de création – on y reviendra – ainsi qu’un genre, qui malgré qu’une partie de la production est clairement de type industriel, dans lequel on rencontre de belles histoires humaines, avec des valeurs transcendantes et des questionnements qui, présentés hors toute lourdeur démonstrative, ont peut-être plus de profondeur que celles présentées dans la littérature « sérieuse » – quiconque a un jour lu le cycle de Lyonesse (Jack Vance) ou celui de L’Assassin royal (Robin Hobb) comprendra – les autres gagneraient à les lire.

Rusty Puppy, Joe R. Lansdale (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 09 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Polars, Folio (Gallimard)

Rusty Puppy, Joe R. Lansdale, septembre 2021, trad. anglais (USA), Frédéric Brument, 336 pages, 8,20 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Après une profonde blessure par poignard qui l’a laissé « mort deux fois à l’hôpital », Hap Collins, désabusé, presque la cinquantaine, termine sa convalescence dans les locaux de l’agence Brett Sawyer Investigation, les pieds habillés de chaussettes dépareillées, confortablement posés sur le bureau. Sa femme Brett et sa fille Chance sont enrhumées et se reposent en compagnie de leur femelle berger allemand, Buffy. Collins grignote les biscuits à la vanille que son acolyte Leonard Pine avait cachés derrière le réfrigérateur. Leonard est un ancien vétéran, grand, noir, homosexuel et toujours prêt à la baston, il est absent lui aussi. Soudain l’on pousse la porte, une grande femme noire imposante demande à voir le détective noir sous prétexte qu’avec « les Blancs, on ne peut jamais trop savoir », « non pas qu’elle soit raciste mais mieux vaut avoir affaire aux Blancs le moins possible », et puis les flics « ils ne font jamais rien ». Après lui avoir conté l’un de ses hauts faits ayant eu lieu dans son quartier sensible de Camp Rapture, Hap finit par l’emporter et la femme, Louise Elton, dépose une liasse de billets de banque sur le bureau et lui raconte les raisons de sa démarche. Son fils Jamar aurait été assassiné et elle soupçonne fortement la police.

Tallien, une brève histoire d’amour, Frederic Tuten (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 08 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Stock

Tallien, une brève histoire d’amour (Tallien, A Brief Romance, 1988), trad. américain Pierre Girard, 162 pages . Ecrivain(s): Frederic Tuten Edition: Stock

 

Faire sourire avec une des tragédies de l’Histoire, Frederic Tuten l’avait déjà fait une quinzaine d’années avant ce roman, dans Les aventures de Mao pendant la Longue Marche. Cette fois, c’est la Révolution française qui sert de cadre principal à ce roman, certes souriant mais aussi, paradoxalement, terrible. Le déplacement de la réalité historique vers la fiction permet de rendre légers et drôles certains événements mais, comme un bruit de fond, la tragédie de l’Histoire résonne avec son lot d’effroi – de Terreur au sens du terme en 1792.

Le narrateur de cette fiction (Frederic Tuten prend bien soin de nous dire qu’il a pris ses aises avec la rigueur historique), homme du XXème siècle récent, a été nourri au biberon de la révolution par un père révolutionnaire convaincu, né dans le Sud profond, et dont l’hymne est L’Internationale. Et, il faut le dire, haut en couleurs ! Peut-être Tuten a-t-il pensé au personnage de grand-père Gant dans Look Homeward Angel de Thomas Wolfe ? Héros quasi mythique de son jeune fils, le papa est un personnage tonitruant, bouillant, et surtout… socialiste ! Mais attention, pas marxiste dit-il sur son lit de mort.

Pasolini, René de Ceccatty (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 08 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Folio (Gallimard)

Pasolini, René de Ceccatty, Folio, 320 pages . Ecrivain(s): René de Ceccatty Edition: Folio (Gallimard)

 

Un essai éblouissant d’intelligence critique et sensible

Noguez le disait déjà, devant analyser en philologue rompu à l’exercice difficile d’admiration critique, lorsqu’il l’évoqua dans les Dossiers du cinéma (Casterman), en 1969-1970), l’œuvre de Pasolini est double, sous le sceau, la bannière du « centaure », figure mythologique de l’ambivalence.

De Ceccatty, traducteur invétéré de huit volumes pasoliniens, était évidemment le mieux placé pour brosser, non en grandes lignes, mais en essais chapitrés de sens (pour le philosophe ; pour le traducteur-accompagnateur des œuvres d’autrui – Barbedette, Violette Leduc, Sibilla Aleramo, Moravia, Callas, Penna, etc. Pour le critique du Monde et des mondes italiques), l’œuvre et le parcours pasolinien, de Bologne à Ostie, de Ramuscello (la première station du martyrologue) à Salo. De 1922 à 1975.