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Iles britanniques

L’élève du philosophe, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 14 Septembre 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Gallimard

L’élève du philosophe, Iris Murdoch, Gallimard, 1985, trad. anglais, Alain Delahaye, 606 pages, 23,20 €

 

George et Stella McCaffrey rentrent sous une pluie battante, passablement ivres, d’un repas de famille. L’habitacle retentit de leur dispute lorsque l’accident se produit. Le véhicule dont George a pu s’extraire tombe dans le canal. Mais le mari a-t-il aidé l’engin à basculer dans les eaux troubles avec l’intention d’assassiner sa femme ? Le Père Bernard, témoin inattendu de la scène, en a peut-être une idée.

La question primordiale est pourtant celle-ci : pourquoi la colère de George est-elle devenue incontrôlable lorsque Stella a évoqué l’arrivée annoncée de Rozanov ? Et ce célèbre philosophe, ancien professeur de George installé aux Etats-Unis, revient-il dans sa ville natale pour écrire le livre de sa vie ou pour une raison plus obscure ? Ce qui est certain, c’est qu’il provoque l’émoi de toute la population de cette station thermale que le narrateur, parce qu’il tient à rester anonyme sous l’initiale de N., décide de nommer Ennistone. Ses habitants, des plus marginaux comme Diane, prostituée maîtresse de George, aux notables, se retrouvent hebdomadairement aux thermes. Ne pas paraître autour des piscines, bassins, cascades fait autant jaser qu’y paraître faussement serein ou mortellement contrarié. Rozanov s’y montrera-t-il ou préfèrera-t-il prendre les eaux dans l’une des chambres dont peuvent disposer les baigneurs désireux de discrétion ?

Nos derniers jours, Un temps à vivre, Kathryn Mannix (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 07 Septembre 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Flammarion

Nos derniers jours, Un temps à vivre, Kathryn Mannix, Flammarion, mars 2022, trad. anglais, Marie-Anne de Béru, Clotilde Meyer, 318 pages, 22,90 € Edition: Flammarion

 

La mort est à la fois banale et exceptionnelle. Banale car, comme le rappelle Kathryn Mannix, « le taux de mortalité reste de cent pour cent » (p.16). Quoi qu’affirment les différentes religions, il n’est pas d’exemple d’être humain immortel. Même le Christ, le Fils de Dieu, a connu l’épreuve de l’humiliation, de l’angoisse, de la déréliction et, pour finir (ou pour commencer, selon le point de vue) de la mort. Auparavant, seul le prophète Élie avait échappé à la mort physique, mais le judaïsme s’est étrangement abstenu de bâtir une théologie entière sur cette exception, comme si elle était de peu de conséquence.

Exceptionnelle, car l’expérience des autres, si nombreux soient-ils, à avoir quitté ce monde avant nous (« Les morts sont plus nombreux que les vivants », écrivait Ionesco), ne nous est d’aucun secours et chacun doit « vivre sa mort » (étrange expression) individuellement, au contraire de la naissance, dont personne n’est conscient (sans doute est-ce mieux ainsi).

De Grandes Espérances, Charles Dickens (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Août 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Tristram, Cette semaine

De Grandes Espérances, août 2022, trad. anglais, Jean-Jacques Greif, 626 pages, 29,40 € . Ecrivain(s): Charles Dickens Edition: Tristram

 

Prélude en forme de mea culpa : sur foi de quelques lignes lues à la dérobée dans une bibliothèque, la traduction de L’Île au trésor par Jean-Jacques Greif a été expédiée de façon lapidaire dans une chronique relative à la nouvelle traduction de 1984. Quelques lignes de dialogue ont suffi à faire émettre un avis relatif à la lisibilité de cette traduction pour des adolescents d’aujourd’hui, du moins ceux à qui est encore proposé ce classique à l’école. Mais depuis, cette traduction a été lue, in extenso et surtout avec joie, et elle a emporté tous les suffrages. D’une part, Greif a rendu la musique de Stevenson, en particulier pour une phrase d’ouverture dont les multiples traductions lues ont toujours laissé sur une faim de rythme ; d’autre part, ce qui avait choqué est en fait bonne part de la grâce de cette traduction : Greif a effectué un véritable travail sur la langue française pour rendre celles des différents personnages, en particulier celles des pirates et autres flibustiers.

Le Seigneur des Anneaux, L’Intégrale, J. R. R. Tolkien (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 22 Août 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Science-fiction, La Une Livres, Pocket

Le Seigneur des Anneaux, L’Intégrale, trad. anglais, Daniel Lauzon, 1600 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): J. R. R. Tolkien Edition: Pocket

 

 

Entre 2001 et 2003, le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson a proposé au monde une certaine vision du Seigneur des Anneaux en trois films qui ont rencontré l’assentiment de la critique et un vaste succès public, surtout après les sorties en dvd de versions longues qui ont fait les délices d’innombrables soirées entre amis ou en famille. C’était il y a vingt ans, c’est ainsi qu’existe désormais majoritairement dans l’imaginaire collectif la trilogie de Tolkien, du moins pour un grand public à qui l’on propose, au travers d’innombrables adaptations cinématographiques ou télévisées, d’oublier de lire pour regarder, que ce soit un film ou une série n’y change rien, et donc adopter un point de vue spécifique sur un récit. Pour peu, on en oublierait qu’existe un livre, c’est-à-dire une ouverture absolue à l’imaginaire dont les descriptions nécessairement incomplètes incitent à se faire son propre… film.

Sous le filet, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 08 Juillet 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Folio (Gallimard)

Sous le filet, Iris Murdoch, Folio, 1957 (réédition de mars 1985), trad. anglais, Clara Malraux, 348 pages, 9,70 €

 

En 1954, Iris Murdoch enseigne la philosophie à Oxford. Son charisme et son intelligence font déjà sa renommée d’universitaire et fascinent John Bayley, qui termine ses études de lettres. Quarante-cinq ans plus tard, dans la biographie qu’il lui consacre (1), celui-ci se souvient.

Dès leur première rencontre, elle l’interrogea : avait-t-il déjà songé à écrire un roman ? Le jeune homme crut à une simple politesse car « étant philosophe, il était évident qu’elle ne pouvait s’intéresser à ce genre de choses ». Miss Murdoch, qu’il épousa deux ans plus tard, lui déclara pourtant ce soir-là « qu’elle avait elle-même écrit un roman qui n’allait pas tarder à paraître ».

Sous le filet est ce premier roman. Clara Malraux le traduit et exprime son admiration dans quelques lignes de préface où elle saisit l’essence de l’œuvre naissante : son « éblouissante cocasserie », typiquement britannique, « une bonté vraie » qui s’étend aux hommes et aux animaux et « ce ton de tranquille évidence », révélateur plus efficace des méandres du réel que n’importe quelle étude prétendument sérieuse.