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Iles britanniques

Persuasion, Jane Austen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 04 Juin 2024. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Persuasion, Jane Austen, Folio Éditions spéciales, novembre 2023, trad. anglais, Pierre Goubert, 432 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jane Austen Edition: Folio (Gallimard)

 

Célébrons d’abord l’objet : une couverture cartonnée couverte d’une fine couche de velours gaufré bleu, et un ruban de même couleur en guise de signet. Ouvrir Persuasion dans cette belle édition, c’est s’abstraire quelque peu du monde de l’édition moderne pour retrouver le goût de lire un bel objet – quand bien même on est conscient de l’aspect commercial de cette proposition, qui donne un sentiment de luxe et d’ancien, voire de précieux. Nonobstant, c’est un beau flacon pour une belle ivresse littéraire, celle offerte par le dernier roman achevé par Jane Austen – et pourtant le plus négligé par la critique parmi l’œuvre de l’Anglaise.

L’histoire, comme toujours chez Austen, peut sembler complexe en ceci qu’elle met en présence de nombreux personnages avec des interactions fluctuantes, mais elle se résume comme suit : Anne Elliot, âgée de vingt-sept ans, a autrefois éconduit, sur les conseils de son amie Lady Russell, Frederick Wentworth parce qu’il n’était qu’un jeune officier de la Royal Navy à l’avenir incertain (« Elle avait renoncé à lui pour obliger les autres. Elle avait succombé à la persuasion. Elle avait été pusillanime et timorée ») ;

Avilion, Robert Holdstock (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 01 Mai 2024. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Avilion, Robert Holdstock, Folio, 2015, trad. anglais, Florence Dolisi, 528 pages, 9,90 €

 

« Je suis l’un des neuf aigles […]. Je suis l’un des neuf cerfs. Je suis l’un des neuf hommes perdus dans la forêt qui ont protégé une enfant. Je suis l’une des neuf voix. Je suis toute la vie qui s’est déroulée avant moi… ». Ainsi s’exprime Peredur, guerrier mythologique issu d’un fonds légendaire celtique, durant cette quête tant guerrière qu’existentielle qu’est Avilion. Ce roman est le cinquième et ultime volet d’une suite d’histoires relativement indépendantes les unes des autres et pourtant profondément imbriquées qui forment le cycle de La Forêt des Mythagos, création géniale et ambitieuse de l’Anglais Robert Holdstock étalée entre 1984 et 2009. Peredur s’exprime de la sorte car, comme chacun des personnages de ces cinq romans, il est une histoire et en contient de nombreuses à raconter, des histoires terribles puisque mythologiques, des histoires à la frontière entre notre monde et ceux contenus dans la forêt des Ryhope, des histoires racontant avant tout la quête de soi.

L’Œuvre poétique I, Le code de la nuit, Dylan Thomas (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Avril 2024. , dans Iles britanniques, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Arfuyen

L’Œuvre poétique I, Le code de la nuit, Dylan Thomas, éd. Arfuyen, février 2024, trad. anglais, Hoa Hôï Vuong, 329 pages, 24 €

 

Organicité

L’important travail de traduction et de documentation qu’a fourni le traducteur Hoa Hôï Vuong, mérite largement de faire apprécier l’œuvre poétique de Dylan Thomas en France et en tous pays francophones. Cette traduction, qui n’est pas littérale, arrive cependant à restituer une vision du monde, un univers. Cette langue du poète gallois donne à écrire, à voir et à entendre une forme presque archaïsante de la langue anglaise, et, peut-être cette idée était aussi celle du traducteur. Langue nette et brute, lais modernes, écoute d’un son d’Edgard Varèse.

Ces considérations générales ne doivent pas empêcher de considérer cette littérature comme parlant depuis une organicité de la matière, saillant çà et là comme irruption de l’angoisse. Visions faites d’os et de sang, de tout ce qui est sujet au pourrissement, les asticots, la mort, tout cela se racontant comme en une double vie terrestre, vie combattant la mort, faits vifs de chacune des vies, fluidité conduisant au néant.

Peter Pan, James Matthew Barrie (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 01 Avril 2024. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Peter Pan, James Matthew Barrie, Folio/Bilingue, octobre 2023, trad. anglais, Henri Robillot, 464 pages, 13,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

De l’œuvre de l’Écossais James Matthew Barrie, la postérité n’a retenu qu’une seule œuvre : Peter Pan. C’est aussi celle qui a échappé à son auteur comme peu d’œuvres le font, entre autres grâce à l’adaptation qu’en a réalisé Walt Disney en 1953. Avec Peter Pan, à l’origine une pièce de théâtre devenue roman en 1911, Barrie crée un archétype, celui de l’enfant qui refuse de grandir, dont la crainte se résume à ceci : « si j’allais me réveiller et sentir que la barbe pousse à mon menton ! ».

L’enfant ? Pas si sûr : il se pourrait que Barrie ait écrit le roman de la modernité, de l’homme moderne qui, pris dans les rets d’une vie mécanique, refuse son âge, refuse la vieillesse – refuse au fond la mort. Car même s’il la donne de bon cœur, Peter Pan craint au fond l’inéluctable, au point de se montrer cruel au possible, ainsi que Barrie l’explique lors de son retour au Pays de Nulle Part en compagnie de Wendy, Michael et John, alors qu’une sarabande infernale entoure l’île :

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 06 Février 2024. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages poche

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge, Rivages Poche, octobre 2023, trad. anglais, Suzanne V. Mayoux, 528 pages, 12 €

Pour L’Auteur ! l’auteur !, publié en 2004, David Lodge se fait romancier du réel d’un… autre romancier. En effet, il s’appuie, pour raconter essentiellement la frustration d’Henry James par rapport au succès littéraire, en particulier théâtral, sur « des sources factuelles », mentionnées en fin de volume, et tous les personnages de ce roman ont bel et bien existé, certains ayant été voire étant toujours renommés. Lodge, ainsi qu’il l’écrit en préambule, a « usé d’une licence de romancier en relatant ce qu’ils pensèrent ou ressentirent et les propos qu’ils échangèrent », d’où un fort travail sur des dialogues enlevés, à la teneur et au rythme plausibles, et une grande profondeur psychologique globale offerte à tous les personnages principaux, qu’il s’agisse de James, ses amis, sa famille ou même ceux à son service, secrétaires ou domesticité. Le travail romanesque est aussi lié à la structure du roman, remarquable parce qu’elle permet un aperçu de la carrière et la vie privée d’Henry James tout en restreignant la narration à son agonie et sa mort (première et quatrième parties, les plus brèves, de décembre 1915 à février 1916), et à son désir de devenir un auteur dramatique reconnu, de 1880 à 1897, année où il emménage à Lamb House, son refuge idéal trouvé après des années de villégiatures diverses et même un vague projet vénitien.