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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


Lumière d’août (Light in August), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 06 Septembre 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, En Vitrine

Lumière d’août (Light in August, 1932), trad. américain, Maurice-Edgar Coindreau, 628 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

La scène inaugurale de ce roman – l’ouverture peut-on dire tant on pense à l’art lyrique – est d’une lenteur biblique. Le temps y semble dilaté jusqu’au bord de l’immobilité. Plus qu’un ralenti, c’est un à-peine-mouvement, un semblant, qui anime la jeune femme dans son long périple, avec son petit baluchon et cette charge innommable dans son ventre. Qui anime la charrette qu’elle croise et dont on perçoit plus le bruit que le mouvement. Scène d’ouverture écrasée par la chaleur, par la lumière d’août. Une des plus belles ouvertures romanesques de l’histoire de la littérature.

Assise sur le bord de la route, les yeux fixés sur la charrette qui monte vers elle, Lena pense : « J’arrive de l’Alabama : un bon bout de route. A pied de l’Alabama jusqu’ici. Un bon bout de route ».

Lena arrive à Jefferson comme une parfaite étrangère. Pieds nus, enceinte et abandonnée par le père de l’enfant qu’elle porte, Lena stupéfie et scandalise ceux qu’elle rencontre. Elle est considérée comme une paria, suscitant des réactions qui pourraient laisser penser que Jefferson est un lieu où les étrangers et les marginaux sont rares, où il y aurait des normes communautaires.

La Gloire des Pythre, Richard Millet (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 30 Août 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Gloire des Pythre, Richard Millet, Folio . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Folio (Gallimard)

 

Les vingt-deux premières pages de ce roman effarant et terrible suffisent à se convaincre que l’on est au début de l’un des plus grands ouvrages français de notre époque. La noirceur qui sourd du village perdu de Millevaches, portée par les volutes macabres des morts de l’hiver, est chargée du destin funeste des petites gens du pays que la misère écrase et qui colle à leurs sabots comme la glaise de Corrèze au début du siècle XX. Le style de Richard Millet, éblouissant d’élégance et de puissance, nous mène au plus profond de ce monde oublié.

En mars, ils se mettaient à puer considérablement. Ça sentait bien toujours un peu, selon les jours, lorsque l’hiver semblait céder et que ça se réveillait, se rappelait à nous, d’abord sans qu’on y crût, une vraie douleur, ancienne et insidieuse, que l’on pensait éteinte, qu’on avait fait mine d’oublier et qui revenait, par bouffées, haïssable comme les vents d’une femme aimée ;

La disparition de Perek, Hervé Le Tellier (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 24 Août 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres

La disparition de Perek, Hervé Le Tellier, mai 2022, 153 pages, 6,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Ce livre d’Hervé Le Tellier a la particularité d’être un Poulpe. On pourrait chercher longtemps les origines du mot « Poulpe ». Imaginer qu’il a été emprunté aux Pulp magazines, type de revues très populaires dans la première moitié du XXème aux Etats-Unis et connues pour leur violence graphique et leurs dialogues incisifs. Mais, Pulp est aussi le nom du dernier roman de Charles Bukowski, publié en 1994, juste avant sa mort. Il appartient à la littérature de gare. Ne tranchons pas, contentons-nous de dire que Le Poulpe est une collection de romans policiers publiée aux éditions Baleine, inaugurée en 1995 avec La petite écuyère a cafté de Jean-Bernard Pouy, également directeur de collection originel. Bien que chacun des épisodes soit écrit par un auteur différent, on y suit les aventures d’un même personnage, Gabriel Lecouvreur, un jeune détective libertaire surnommé « Le Poulpe » à cause de ses longs bras semblables aux tentacules d’un poulpe et qui s’attendrit lorsqu’on lui tape dessus.

Sous le filet, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 08 Juillet 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Iles britanniques, Roman

Sous le filet, Iris Murdoch, Folio, 1957 (réédition de mars 1985), trad. anglais, Clara Malraux, 348 pages, 9,70 €

 

En 1954, Iris Murdoch enseigne la philosophie à Oxford. Son charisme et son intelligence font déjà sa renommée d’universitaire et fascinent John Bayley, qui termine ses études de lettres. Quarante-cinq ans plus tard, dans la biographie qu’il lui consacre (1), celui-ci se souvient.

Dès leur première rencontre, elle l’interrogea : avait-t-il déjà songé à écrire un roman ? Le jeune homme crut à une simple politesse car « étant philosophe, il était évident qu’elle ne pouvait s’intéresser à ce genre de choses ». Miss Murdoch, qu’il épousa deux ans plus tard, lui déclara pourtant ce soir-là « qu’elle avait elle-même écrit un roman qui n’allait pas tarder à paraître ».

Sous le filet est ce premier roman. Clara Malraux le traduit et exprime son admiration dans quelques lignes de préface où elle saisit l’essence de l’œuvre naissante : son « éblouissante cocasserie », typiquement britannique, « une bonté vraie » qui s’étend aux hommes et aux animaux et « ce ton de tranquille évidence », révélateur plus efficace des méandres du réel que n’importe quelle étude prétendument sérieuse.

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 25 Mai 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke, avril 2022, trad. anglais (USA) Anne Wicke, 362 pages, 8,70 €

 

Autant préciser de suite : ce roman ne mérite en rien les critiques élogieuses qui ont incité à l’ouvrir et à en lire péniblement les cent premières pages, puis à vagabonder au fil des suivantes dans l’espoir vain d’y trouver un peu de lumière. Pire encore : le fait que ce roman ait reçu pareil accueil critique est inquiétant, car cela en dit long sur l’époque, sur sa délectation pour le laid, son goût immodéré pour la fange (quand bien même ornée de quelques tournures lexicales poétisantes), sa tendance à confondre l’asservissement au sordide cantonné au niveau du fait divers avec l’élégance de certains auteurs d’antan qui surent sublimer le fait divers, et un jour il est à espérer que cette époque sera jugée comme telle, un jour où l’élégance, tant du style que du propos, sera enfin attendue et reconnue.

Reprenons. Un Oiseau blanc dans le blizzard est la narration par Kat, seize ans, de la vie dans une banlieue huppée quelconque sise dans l’Ohio, narration provoquée par la disparition soudaine de sa mère – dont, on l’écrit afin d’éviter tout suspense inutile, le corps sera retrouvé en fin de roman, dans le réfrigérateur familial.