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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


La Passe-Miroir, Christelle Dabos (4 tomes) (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 17 Janvier 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Passe-Miroir, Christelle Dabos, Folio, octobre 2021, quatre tomes : Les Fiancés de l’hiver (608 pages, 8,70 €), Les Disparus du Clardelune (704 pages, 9,50 €), La Mémoire de Babel (576 pages, 8,70 €) & La Tempête des échos (704 pages, 9,50 €) Edition: Folio (Gallimard)

 

Un « phénomène éditorial », c’est ainsi qu’est présentée la tétralogie de La Passe-Miroir, publiée par Christelle Dabos entre 2013 et 2019 : le succès a immédiatement été au rendez-vous, et le premier tome, Les Fiancés de l’hiver, a été primé à quatre reprises. Dans la catégorie Roman pour la jeunesse, cette tétralogie est chaudement recommandée à n’importe quel parent s’enquérant de lectures pour un enfant déjà amateur de J.-K. Rowling, C.-S. Lewis ou Philip Pullman (l’auteur de ces lignes en est témoin : c’est ainsi qu’il a découvert La Passe-miroir, pour sa fille âgée de onze ans). La curiosité, ainsi que le goût pour les romans à destination de la jeunesse qui font rêver, réfléchir et au fond montrent que l’adolescence n’est qu’une transition parfois heurtée et chaotique vers l’âge adulte (qui elle-même ne sort jamais vraiment de la jeunesse, de l’émerveillement de l’enfance), incitaient à lire cette tétralogie, récemment rééditée chez Folio.

Un cœur si blanc, Javier Marias (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 11 Janvier 2022. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne

Traduit de l'espagnol Anne-Marie Geninet, Alain Keruzoré Edition: Folio (Gallimard)

 

La voix de Javier Marias s’insinue, serpente, creuse, obsède, dans ce monologue romanesque, ce flux de conscience aux ramifications inattendues, parfois surprenantes, mais toujours inscrites dans une cohérence narrative de la plus grande précision. Le narrateur parle. Nous parle ? Se parle ? « Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi ! » disait Victor Hugo dans la préface des Contemplations. Le murmure invasif du narrateur touche sans cesse à l’universel, à la condition humaine en ce qu’elle détient de divin et de trivial, en ce qu’elle traverse de grandeurs et de bassesses. La phrase de Marias étreint, embrasse, cherche à totaliser la conscience intime d’un homme effaré par les choses de la vie, enfoncé dans une solitude absolue au milieu des siens, père, épouse, amis. La phrase tricote, tisse infiniment une toile dont chaque fibre est un tremblement de l’être. Un point s’évase en tissu qui, à son tour, donne un point qui s’évase en tissu, dans une arborescence où le narrateur épingle le sens, le non-sens, de sa vie, ses amours, son métier de traducteur, sa filiation, son récent mariage, le hasard et ses choix, sa terreur d’être enfin.

La vie devant soi, Romain Gary, Folio (par Anaé Balista)

, le Lundi, 06 Décembre 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

La vie devant soi, mars 1982, 288 pages, 8,10 € . Ecrivain(s): Romain Gary


C’est entre les dernières pages du livre, cachés au numéro 268, que se dessinent les mots suivants : « Je voyais bien qu’elle ne respirait plus mais ça m’était égal, je l’aimais même sans respirer ».


Avec une remarquable simplicité, Gary rappelle ici que rien ne dépasse l’amour porté par un enfant. Ce dévouement intérieur ne se cultive pas tout au long d’une vie mais prend véritablement sens une fois la mort venue. Et c’est par l’intermédiaire d’un jeune garçon que l’auteur nous fait part de cet enseignement.

En effet, cet amour indéfectible même au-delà de la tombe est au cœur de la relation des deux protagonistes. On retrouve d’un côté le jeune Momo, fils de prostituée, délaissé, et de l’autre madame Rosa, vieille femme juive que le temps a fini par abîmer. Une relation unique va alors se nouer entre eux, pas plus amicale que parentale mais plutôt une attache mutuelle entre deux exclus de la société.

L’histoire de l’amour, Nicole Krauss (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 09 Novembre 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, En Vitrine

L’histoire de l’amour (The History of Love, 2006), trad. américain, Bernard Hœpffner, 459 pages, 9,20 € . Ecrivain(s): Nicole Krauss Edition: Folio (Gallimard)

Dès les premières pages, le phrasé du narrateur nous emmène dans les rues du shtetl, loin, aux frontières de la Pologne et de la Russie, dans un pays qui n’existe plus : le village des Juifs miséreux que les pogroms puis les nazis ont exterminés ou fait fuir là où ils pouvaient vivre – ou survivre – encore. Le phrasé du conteur avec son humour désabusé, son souci du détail, sa langue visuelle, cette langue prodigue qui colorait un peu la grisaille et la misère des jours et des nuits d’angoisse, de pauvreté et de désespoir, reproduisent comme un conte du Shtetl ou une narration d’un personnage de Bernard Malamud.

Quand je suis arrivé en Amérique, je ne connaissais presque personne, si ce n’est un cousin éloigné qui était serrurier, et j’ai donc travaillé pour lui. S’il avait été cordonnier, je serais devenu cordonnier ; s’il avait pelleté de la merde, moi aussi j’aurais pelleté. Mais. Il était serrurier. Il m’a appris le métier, et c’est ce que je suis devenu. Nous avions une petite affaire, tous les deux, et puis une année, il a attrapé la tuberculose, on a dû lui enlever le foie, sa température est montée jusqu’à 41 et il est mort, alors j’ai repris l’affaire. J’envoyais à sa femme la moitié des bénéfices, même après son mariage avec un médecin et son déménagement à Bay Side. J’ai fait ce métier pendant plus de cinquante ans. Ce n’était pas ce que je m’étais imaginé faire. Et pourtant. En vérité j’ai fini par l’aimer, ce métier. J’aidais à entrer ceux qui étaient enfermés dehors, j’aidais d’autres à laisser dehors ceux qui ne devaient pas entrer, pour qu’ils puissent dormir tranquilles.

La proie, Deon Meyer (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 08 Novembre 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Afrique

La proie, août 2021, trad. afrikaans, Georges Lory, 576 pages, 9,20 € . Ecrivain(s): Deon Meyer Edition: Folio (Gallimard)

 

À Bordeaux, Place Camille-Pelletan, Daniel Darret, un Zoulou, ancien combattant de la branche militaire de l’ANC, s’est retiré après la victoire de Mandela. Il mène une vie simple auprès d’Henry Lefèvre, ébéniste, atteint du syndrome d’Asperger, et de son épouse Sandrine. Son grand plaisir est de caresser le bois, d’en sentir l’âme. Il aime aussi parler à Wackett, le chat, ou discuter autour d’un verre de rouge avec Ali du Mali, ou bien encore faire un tour le dimanche dans les environs sur sa BMW. Tout va bien même s’il est hanté parfois par son passé, jusqu’au jour où il est contacté par Lonnie May, un ancien avocat blanc qui a lutté à ses côtés dans le clan anti-apartheid. Daniel doit reprendre du service, on a besoin d’un tireur d’élite exceptionnel pour commettre un attentat sur la personne du président en place. Lonnie lui parle de l’Afrique du Sud telle qu’elle est devenue après Mandela et la prise du pouvoir par Jacob Zuma (qui n’est pas cité mais facilement reconnaissable dans les descriptions de Meyer). Il lui conte les méfaits de la corruption, de la « kleptocratie », dans un pays rongé par la pauvreté, la volonté de la Russie de Poutine de mettre un pied en territoire africain en voulant y construire une centrale nucléaire.