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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


En un monde parfait, Laura Kasischke (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 09 Juillet 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

En un monde parfait, Laura Kasischke, février 2020, trad. anglais (Etats-Unis) Eric Chédaille, 384 pages, 5,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Quelle étrange faculté de prémonition ont les écrivains, créateurs de mondes fictifs qui parfois anticipent une réalité à venir ! Laura Kasischke dépeint dans ce roman une Amérique dans laquelle « Personne n’avait jamais encore prononcé le mot d’épidémie, ni celui de pandémie. Nul ne parlait de calamité ». L’épisode de la contamination par le sars-cov2 ou covid-19 semble répondre en écho à une partie de ce récit paru en langue anglaise en 2009, et récemment traduit et publié par Gallimard, dans la collection Folio, début 2020.

Qui sont les insidieux ennemis de Jiselle, dans le monde parfait de son récent mariage avec Mark Dorn ? Certes, les trois enfants de son mari, au début du roman, lui mènent la vie dure, mais peu à peu, au fil de l’absence de Mark, ceux-ci deviennent plutôt des alliés, des adjuvants, tandis que Mark se change en opposant, froid et lointain, avant de s’estomper et de sombrer dans l’oubli. Chez Kasischke, les faits prennent un sens symbolique : on apprend que la première épouse de Mark, Joy, mère et épouse parfaites, est morte renversée par l’autocar dont elle voulait sauver son fils de la collision. Elle incarne le sacrifice maternel ; Jiselle va-t-elle subir son ascendant, son emprise ?

Bambi, Mons Kallentoft & Markus Lutteman (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 29 Juin 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres

Bambi, Mons Kallentoft & Markus Lutteman, 2019, trad. Hélène Hervieu, 528 pages, 9 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Midsommar c’est la saint Jean d’été en Suède. Pour célébrer le solstice on danse, on boit, on mange des harengs marinés, des pommes de terre nouvelles en salade et des fraises à la crème. On fait la fête ensemble et avec la nature. C’est un rituel païen. Cette année-là, le 25 juin, Linus Jonsson, qui n’a dormi que trois heures, fend les flots de la coque en aluminium de son bateau. Il croit apercevoir sur une petite île, non loin de Stockholm, des phoques qui se reposent. Isa Nehf, Theo Stranddahl, Hugo Löfwencrantz, Axel Hultqvist, sont découverts morts, Madelene Dahlén, très mal en point, survit, et Ebba Langer a disparu. Tous étaient lycéens au Hersby Gymnasium à Lidingö et étaient là pour s’amuser. Et l’on constate que l’un s’est enfoncé plusieurs couteaux en plastique dans la gorge, qu’un autre s’est mutilé la cuisse pour la manger. C’est un carnage dont les mouettes ont commencé à se repaître.

Noces de sang, Federico García Lorca (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 04 Juin 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Théâtre

Noces de sang (Bodas de sangre), février 2020 trad. espagnol Albert Bensoussan, 264 pages, 8 € . Ecrivain(s): Federico Garcia Lorca Edition: Folio (Gallimard)

 

Cette œuvre a déjà été tellement commentée, analysée, disséquée, critiquée, étudiée, annotée, glosée en long, en large, en diagonale, qu’il serait fort présomptueux d’essayer d’en rajouter en espérant en dire ce qui n’a pas déjà été écrit. On se contentera de rappeler l’intrigue. Elle est simple. Elle se déroule dans la campagne, quelque part en Andalousie.

Il y a le fiancé et la fiancée (ils n’ont pas d’autre nom dans la pièce). Le fiancé est le cadet des deux fils de « la mère ». L’aîné et le père ont été tués lors de querelles claniques par des membres de la famille Felix.

On assiste à la rencontre entre la mère (veuve) du fiancé et le père (veuf) de la fiancée, rencontre qui a pour objet la présentation de la fiancée, l’échange de consentements et les arrangements du mariage à venir. On note le rôle important que joue la servante, qui semble tenir lieu de mère à la fiancée.

Vies minuscules, Pierre Michon (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 03 Juin 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Vies minuscules, Pierre Michon (1984), 249 pages Edition: Folio (Gallimard)

On peut facilement imaginer que Pierre Michon, en choisissant le titre de cet ouvrage, dût avoir un sourire amusé au fond des yeux. Un fin latiniste comme lui n’a pu résister au plaisir malin de « répondre » au fameux « De Viris Illustribus (Urbis Romae) » qui a accompagné les années de lycée de bon nombre de latinistes en herbe. On peut aussi évoquer d’autres « Vies » – ce fut un genre littéraire à part entière autrefois – Vies des douze Césars de Suétone par exemple. Toujours des vies notoires. Les vies minuscules évoquées ici n’ont rien d’illustre ou de lumineux, elles sont ombreuses comme la Creuse, mais n’en sont pas moins nobles et finalement souvent aventureuses, étonnantes, étranges.

La Creuse. Omniprésente dans cette galerie de portraits, encadrement de ces personnages infimes qui y sont nés, y ont vécu et y sont morts. La Creuse d’ombre et de lumière, de froid et de chaleur, avec ses hivers longs, rigoureux, déprimants et ses étés brefs mais brûlants, chantants, joyeux. Pierre Michon est ancré dans un territoire dont les habitants, naguère, réduisaient à l’envi l’étendue, lui donnant des limites familières au-delà desquelles commençait l’inconnu, le « pays barbare au-delà de Limoges ».

Au cœur des ténèbres, Joseph Conrad (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Mai 2020. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness), trad. anglais Jean Deurbergue, 332 pages, 11,90 € . Ecrivain(s): Joseph Conrad Edition: Folio (Gallimard)

 

Il serait bien présomptueux de faire la critique globale du monument littéraire qu’est le court roman Au cœur des Ténèbres de Joseph Conrad. Lectures analytiques, thèses, articles, cours d’université, tout a été dit et écrit sur ce chef-d’œuvre de la littérature. Il est cité régulièrement parmi les plus grands livres de tous les temps – et ô combien à juste titre.

C’est un monument érigé à la condition humaine, sa détresse, sa folie, sa pathétique démesure condamnée à l’échec, à la mort. L’expédition racontée par le capitaine Charles Marlow, la remontée du fleuve Congo (jamais cité d’ailleurs) sur un rafiot rafistolé et bringuebalant, prend, au fur et à mesure de l’avancée dans la jungle primitive, l’allure d’un voyage en Enfer. La chaleur, l’air étouffant, les moustiques, les sons terrifiants venant des rives – le son prend une place centrale dans tous les romans de Conrad – font du fleuve une sorte de Styx bordé d’une verdure aussi impénétrable qu’angoissante. La nature ici est un temple de mort, de décomposition.