La disparition de Perek, Hervé Le Tellier (par Jean-Jacques Bretou)
La disparition de Perek, Hervé Le Tellier, mai 2022, 153 pages, 6,50 €
Edition: Folio (Gallimard)
Ce livre d’Hervé Le Tellier a la particularité d’être un Poulpe. On pourrait chercher longtemps les origines du mot « Poulpe ». Imaginer qu’il a été emprunté aux Pulp magazines, type de revues très populaires dans la première moitié du XXème aux Etats-Unis et connues pour leur violence graphique et leurs dialogues incisifs. Mais, Pulp est aussi le nom du dernier roman de Charles Bukowski, publié en 1994, juste avant sa mort. Il appartient à la littérature de gare. Ne tranchons pas, contentons-nous de dire que Le Poulpe est une collection de romans policiers publiée aux éditions Baleine, inaugurée en 1995 avec La petite écuyère a cafté de Jean-Bernard Pouy, également directeur de collection originel. Bien que chacun des épisodes soit écrit par un auteur différent, on y suit les aventures d’un même personnage, Gabriel Lecouvreur, un jeune détective libertaire surnommé « Le Poulpe » à cause de ses longs bras semblables aux tentacules d’un poulpe et qui s’attendrit lorsqu’on lui tape dessus.
Ce livre a une autre particularité, Le Tellier en tant que membre du NoDuBo, Noyau Dur Botulien et membre de l’Association des amis de Jean-Baptiste Botul y fait apparaître un canular littéraire, le personnage de « Jean-Baptiste Botul » : « Un silence pesant s’installa. Il revint à l’esprit du Poulpe une lettre émouvante de Jean-Baptiste Botul à Zweig. Adolescent, Botul afin de séduire une jeune fille, s’était inventé un faux patronyme, celui de Giovanni Calvino… ». Et comme si cela ne suffisait pas, la référence à « Calvino » nous rappelle qu’Hervé Le Tellier est membre de L’Oulipo. Le titre de l’ouvrage, La disparition de Perek, est un immense clin d’œil à Georges Perec (avec un c) fondateur de l’Ouvroir de Littérature Potentiel et auteur de La Disparition, un livre écrit sans un « e ».
Mettons un terme à ces prolégomènes et venons-en au cœur du sujet. Une adolescente, la fille du docteur Louvain est en train de s’éteindre lentement à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce d’une infection : un flavirus de souche West Nile qui a dégénéré en méningite cérébro-spinale. À l’aéroport du Bourget, planqué sur le toit d’un hangar, Philippe Perek tente de prendre des photographies. Il terminera haché et brûlé. Viera, le légiste chargé de l’enquête, invite Gabriel dit le Poulpe à venir se restaurer chez Ahmed : « Vous prenez quoi ? Ici la spécialité c’est la paella. / Ça m’ira./ Ça tombe bien, c’est aussi le nom de la patronne. Samira pas paella… ». Jeux de mots mais aussi roman terriblement bien construit, contraintes comprises, ce livre est un ravissement.
Jean-Jacques Bretou
Hervé Le Tellier est un écrivain français né à Paris le 21 avril 1957. Il obtient le prix Goncourt en 2020 pour son roman L’Anomalie.
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