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Essais

La philosophie au risque de la préhistoire, Philippe Grosos (par Marc Wetzel)

, le Mercredi, 13 Septembre 2023. , dans Essais, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La philosophie au risque de la préhistoire, Philippe Grosos, Editions du Cerf, mai 2023, 208 pages, 18 €

La philosophie est née au VI-Vemes siècles avant Jésus-Christ, sur la côte ouest (qui parlait alors grec) de l’Asie Mineure, pour des raisons historiques qu’elle n’aime pas trop (elle, pourtant, la spécialiste de la « raison ») détailler. On parle souvent de « miracle grec », et la philosophie s’en estime souvent – davantage que la géométrie, l’historiographie, la médecine, le théâtre, la politique etc., nés là en même temps qu’elle –, le prodige central, voire le maître d’œuvre. Elle se croit volontiers sortie de la cuisse d’un Logos jupitérien, et, pour parler franchement, la philosophie n’examine pas volontiers la raison de la Préhistoire parce qu’elle estime, au fond, que la raison même, avant elle, n’était que dans sa préhistoire ! L’auteur démonte cette prétention en faisant prendre, lucidement, à la philosophie le « risque » de saisir son propre enracinement préhistorique en général – et Néolithique en particulier. Un peu comme l’exégète honnête de la Bible remarquerait en passant que si la faute originelle relève encore de l’âge de la cueillette, le premier meurtre concerne sans transition, sans même y penser, ni a fortiori penser ce que la possibilité même de sa mise en récit même leur doit, les deux figures majeures du Néolithique (l’agriculteur Caïn et l’éleveur Abel) ; mais une théologie au risque de la préhistoire serait une tout autre affaire.

Rock en France, de 1976 à nos jours, Grégory Vieau (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 28 Août 2023. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Le Mot et le Reste

Rock en France, de 1976 à nos jours, Grégory Vieau, éd. Le Mot et le Reste, mai 2023, 280 pages, 23 € Edition: Le Mot et le Reste


Le 21 aout 1976, un certain Marc Zermati « organise la première messe punk de l’histoire à Mont de Marsan dans les Landes », avec des groupes anglais comme les Damned, ou encore Eddie and the Hot Rods, mais aussi français tels Bijou pour Paris et Little Bob Story du Havre. D’autres festivals suivirent où se produisirent à Londres les Français de Stinky Toys et Jacno aux côtés des Sex Pistols ou des Buzzcocks, pour ne citer qu’eux. C’est dire qu’en France, la vague punk et plus généralement rock a eu ses représentants, même si l’impact de ces groupes reste mineur dans ces années 70.

Constance Pascal, Une pionnière de la psychiatrie française, Felicia Gordon (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 25 Août 2023. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Constance Pascal, Une pionnière de la psychiatrie française, Felicia Gordon, éd. Des femmes-Antoinette Fouque, mai 2023, trad. anglais, Danièle Faugeras, 368 pages, 22 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Vie et mort d’une femme aliéniste innovatrice

L’étude remarquable de Felicia Gordon (historienne, spécialiste du féminisme français dans ses dimensions sociales et politiques et de l’histoire de la médecine, professeure émérite du Wolfson College à Cambridge, notamment autrice d’une biographie sur Madeleine Pelletier, non traduite), sort de l’ombre et de l’oubli l’une des premières femmes psychiatre, novatrice, née en Roumanie en 1877, morte en France en 1937. Felicia Gordon puise dans les archives familiales de Jeanne Pascal-Rees et aux sources de Jean-Michel Barbier, auteur d’une thèse de médecine sur Constance Pascal en 1997. La grande scientifique Constance Pascal a « ouvert une fenêtre » sur les personnes atteintes de troubles mentaux, considérés alors comme « anormaux », « dégénérés », « imbéciles », « crétins », « déments », « aliénés », et cela dans le climat délétère d’une propagande en faveur des « qualités féminines et maternelles » incarnées dans « l’idéologie domestique » et donc, « dévolue » aux femmes.

Le goût de la philosophie, Collectif, textes choisis et présentés par Lauren Malka (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 22 Août 2023. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Mercure de France, Anthologie

Le goût de la philosophie, Collectif, textes choisis et présentés par Lauren Malka, Mercure de France, 2019, 123 pages, 8 € Edition: Mercure de France


Imaginez un banquet, pourquoi pas chez l’hôte Agathon, qui réunirait des philosophes comme Aristote, Montaigne, Spinoza et bien d’autres, à qui on demanderait pourquoi ils ont consacré leur vie à philosopher, et ce qui, dans cette façon d’interroger le vivant, leur a permis de mieux vivre, quitte d’ailleurs à en mourir, on n’est pas à un paradoxe près, et c’est bien tout l’intérêt de tous les questionnements auxquels ils se sont astreints, la Vérité est plurielle à n’en pas douter, et tous ont eu cette perspicacité, en interrogeant le vivant, à ne pas se laisser enfermer dans des propos doctrinaires, laissant ainsi la voix libre à tous les raisonnements, puisqu’il s’agit bien de rigueur aussi.

Apprendre à faire l’amour, Alexandre Lacroix (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 21 Août 2023. , dans Essais, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Apprendre à faire l’amour, Alexandre Lacroix, Champs/Flammarion, mai 2023, 224 pages, 9 €

Ce matin à la radio, What’s going on de Marvin Gaye : la voix du chanteur-phare de la Motown, sensuelle, dont chaque intonation est servie par une tessiture qui tient du velours et de la soie tout en étant un coton rassurant, vogue sur des arrangements complexes et un rythme qui échappe au binaire. Alexandre Lacroix marquera son accord à la comparaison : cette chanson de Marvin Gaye donne envie de faire l’amour à la femme aimée, d’accorder les coeurps (néologisme indiquant une préférence pour un « holisme strict » tel que défini dans Apprendre à faire l’amour) à ses vibrations – et si la femme aimée est absente, cette chanson fait penser à elle, tout comme la jazzy et rythmiquement affolante Wild is the wind interprétée par Nina Simone, envoûtante elle aussi dans la présence et dans l’absence. Tout le contraire d’une chanson contemporaine à celle de Gaye, 1971, signée James Brown, Hot pants, dont le titre seul (« mini-short moulant ») indique la teneur : alors que Gaye fait l’amour, Brown baise. Chez le second, cette rythmique lourde et répétitive, cette voix qui tient du feulement, du cri, et de tout ce qui rugit entre les deux, c’est de la baise. Voici, en deux chansons, expliquée la teneur du bel essai d’Alexandre Lacroix, Apprendre à faire l’amour, découvert par le biais d’une brillante interview radiophonique – écouter la radio, donc, pour avoir envie de faire l’amour et en entendre parler.