Françoise était née le 4 mai. Elle était morte le 24 décembre. Entre ces deux dates, elle avait vécu. Au Liban, en Syrie, au Maroc, au Sénégal, en Angleterre, en Espagne, en Italie. En France. En noir et blanc. Des milliers de photographies en désordre, dont les bords étaient dentelés, parfois tranchants, assez petites pour entrer toutes dans un coffret en marqueterie daté des années 50, tellement minuscules que je devais les regarder à la loupe. Des centaines de portraits sous la doublure du couvercle, autant de mosaïques décoratives, de pièces de bois d’ébène et de myrte, d’écaille et de nacre sur lesquelles je passais mes mains pour leur fermer les yeux. Nos ancêtres et nos descendants. Et quelques amis que la légende familiale célébrait. Des répliques.
Cinquante ans avant de mourir, les gènes de Françoise avaient sauté de son corps au mien, enjambant deux générations. Ses deux filles. Françoise était ma grand-mère. Son gène récessif de l’iris bleu dans les miens. Françoise m’avait transmis la vie par sa fille aînée. Et la promesse de sa longévité.