Les yeux lourds, elle choisit sur le rayonnage Villa Triste. Son regard hésitant avait parcouru d’autres titres avant de se soumettre à cette nécessité joyeuse, relire encore celui-ci. Ne serait-ce que quelques paragraphes, au hasard. Alors elle dormirait du sommeil béat de qui a retrouvé son lit de retour de voyage.
Ce n’était qu’après plusieurs lectures qu’elle s’était résignée à prononcer « triste » comme il convenait et non pas « tristé », qui lui était spontanément venu à l’esprit. Peut-être que prononcer le mot « triste », quand elle l’était déjà tant à l’approche d’une longue séparation d’avec l’aimé, lui avait été impossible.
Ou alors cette prononciation méditerranéenne s’était-elle imposée parce qu’elle s’était imaginé, quand il lui avait prêté le roman au mois de juin, que ce serait la passade d’un été. Pourtant, de même que rien ne destinait leur histoire à durer, Villa Triste s’était installé dans sa vie. Après tout, ses crises de tristesse n’étaient que le prix dérisoire de son bonheur à aimer et à être aimée.
Elle rechercha un passage, goûtant la douceur fraîche des draps de percale sur son corps.