Hommage à Aimé Césaire (1913-2008), par Mustapha Saha
Les mots nus
Que peuvent les mots nus quand sonnent les clairons
Quand s’éclipse la lune au rythme des alarmes
Quand s’endeuillent les clowns et les joyeux lurons
Quand s’abreuve l’amour aux collecteurs de larmes
Que peuvent les mots nus quand s’embrasent les tours
Quand voltigent les corps comme fétus de paille
Quand s’invite la bourse au festin des vautours
Quand s’unit la canaille aux funestes ripailles
Que peuvent les mots nus quand rodent les vampires
Quand traînent dans la boue les âmes sans ressort
Quand s’écroule d’un coup l’invulnérable empire
Quand s’arment les enfants pour conjurer le sort
Que peuvent les mots nus quand s’extirpent les lombes
Quand germe la guerre dans les mares d’or noir
Quand tombe au petit jour la dernière colombe
Quand spéculent sur l’art les affreux tamanoirs
Que peuvent les mots nus quand meurent les sirènes
Quand flambent les cités pour un bout d’oriflamme
Quand s’écrit la gloire dans le sang des arènes
Quand s’enfuient les serpents des ziggourats en flammes
Que peuvent les mots nus quand pleuvent les missiles
Quand s’ébattent les chiens dans les maisons sans porte
Quand crache la terre ses ténébreux fossiles
Que peuvent les mots nus que vent de sable emporte
Mustapha Saha
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