Trois poèmes de Marianne Braux
Oraison
Vaquant
à la vue de l’autre monde
noir-transparence
dans les yeux d’une bête de somme
de même nature
l’homme d’outre-Rhin
à Turin pense
et parle d’horizons
L’homme du Rien trop pur
criant depuis les caves
qu’on le libère
qu’on regarde enfin son monstrueux visage de glaire
l’homme du Bien sans contraire
croule d’en finir avec
l’aveuglement des têtes rudes
des bourreaux en souffrance
des animaux trop sûrs
de vivre eux la vie dense
L’homme du Lien déchirable
coule en terre d’une volonté de puissance
venue de l’air
soumise à l’engeance
trop humaine
trop capable
Inondant les veines d’un monde possible en expansion
l’homme du Tiens
reçoit le noble appel du don
rompu à coups de bâton mou
vers un futur fuyant
L’homme du Viens au bord de l’explosion
se jette amoureux
sous le fouet du cocher fou
Sacre de l’automne
Dans la cacophonie inouïe des cacatoès
vus pour la première fois hier
de l’autre côté du monde
(sphère amie des cœurs départis
entre printemps et automne)
je suis encore
mon insertion criminelle dans leur partie au fait
de ce qu’ignorent les hommes
infâmes chasseurs du leurre sans états d’âme
Leur cris jamais dits
ouvrent mes pores lilas
au lacrimosa de leur enseignement animal
las sans le dire du mépris pour les bonnets d’âne
des mauvais élèves que nous sommes
L’air âcre de leur chant à peine symphonique
perce ma vie
au pays lisse des pâles visages
coupant d’un sourire commercial
écrasant de lunes froides
barrant d’une croix si peu méridionale
la nuit symbolique
Au diable leur rêve bien en ligne
Adieu géométrie ! venue d’en haut
je reste vivre ici-bas
parmi les autres hommes
parmi les oiseaux
Sonnée
A l’avant du monde en éclosion forcée,
Bondent les hommes un navire arrivé de là
- bas où les toges trop lourdes furent évincées,
en vertu d’un secret par-delà bien et mâle,
où d’autres hommes à tire d’aile et pieds à terre et
on voudrait oublier, abattirent les mâts
rigides, brandis vers un ciel sombre et mort-né,
de leurs chants comme une très vieille ballade.
(une promenade dans la main d’une femme
mère à l’ouïe voilée d’un enfant à venir,
claire orangeade des jours décomptés en nuits)
Je les regarde attendre l’ennui du voyage,
écourte mes phrases du son de leur frappe éprise
des voix sans passé, sonnée sur le bateau ivre.
Marianne Braux
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