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Critiques

Tout a une fin, Drieu, Gérard Guégan

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 17 Juin 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Gallimard, Contes

Tout a une fin, Drieu, mai 2016, 131 pages, 10 € . Ecrivain(s): Gérard Guégan Edition: Gallimard

Ce n’est pas une biographie de Drieu la Rochelle que nous livre Gérard Guégan. Non, dans ce livre où apparaît sur la couverture le mot « fable » en-dessous du titre, c’est une apostrophe adressée à l’écrivain, dont les passages en italique peuvent refléter les différents états de conscience de Drieu, ou ceux du rédacteur de la fable, lui-même. L’ouvrage se focalise plus spécialement sur la période 1944-1945. Il débute au moment qui suit la première tentative de suicide de l’écrivain, survenue en août 1944, au luminal. L’ouvrage de Gérard Guégan tente d’éclairer l’attitude de Drieu, face au fascisme, au communisme, à la littérature, et il y parvient en confrontant l’écrivain avec des personnages issus de la Résistance, qui procèdent à son interrogatoire, avant sa mise à mort, que Drieu croit inévitable en raison des circonstances.

C’est le choix, entre fascisme et communisme, qui suscite les propos les plus significatifs, on sait que Drieu a longtemps hésité entre ces idéologies avant de basculer au mitan des années Trente, vers le fascisme : « C’est bien là la faiblesse des fascistes. Il leur faut constamment dialoguer avec d’imaginaires forces invisibles. (…) Tout autres sont les communistes de chez Staline qui dédaignent l’abstraction, qui honnissent le mysticisme. Avec eux, un innocent doit se déclarer coupable dans le seul but d’innocenter le tribunal qui va le rayer de l’histoire ».

Treize façons de voir, Colum McCann

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Juin 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Nouvelles, Belfond

Treize façons de voir (Thirteen ways of looking) Avril 2016. Traduit de l’anglais (Irlande) par Jean-Luc Piningre. 304 p. 20,50 € . Ecrivain(s): Colum McCann Edition: Belfond

Colum McCann est une des plus grandes plumes européennes d’aujourd’hui. Depuis le chant du coyote (Songdogs 1995) à ce fabuleux Treize façons de voir , il déroule une œuvre d’une cohérence, d’une exigence, d’une puissance jamais démenties. McCann est un magicien de la langue, dans la grande tradition irlandaise, et ce recueil de nouvelles vient encore ajouter à son statut de grand styliste.

Recueil de nouvelles disions-nous ? Pas vraiment, car l’opus commence par un véritable roman, Treize façons de voir, de 178 pages, qui précède 4 nouvelles. Un roman prodigieux dans son art narratif, dans le génie portraitiste que déploie McCann – en particulier pour le personnage central de Mendelssohn (il ne s’agit pas du musicien, même si ce Mendelssohn aime beaucoup la compositeur). Il ne faut pas mille pages à notre écrivain pour camper des figures profondes, inoubliables. Il lui suffit de posséder un art consommé du mot exact, une véritable économie lexicale qui lui permet la brièveté. Si McCann est « nouvelliste » (ce qui, encore une fois se discute, il s’agit d’un roman), alors c’est à Raymond Carver qu’il doit son art de la condensation. Mais McCann est un romancier et il ne doit à personne la magie de ses univers, ni à la précision d’orfèvre de son écriture, qu’il compare au travail de recherche de la police scientifique observant les images des caméras de rue. Et McCann nous livre là une clé essentielle à son roman :

Infini. L’Histoire d’un Moment, Gabriel Josipovici (2ème critique)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 15 Juin 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Quidam Editeur

Infini. L’Histoire d’un Moment, janvier 2016, trad. anglais Bernard Hoepffner, 164 pages, 18 € . Ecrivain(s): Gabriel Josipovici Edition: Quidam Editeur

 

Gabriel Josipovici (1940) a, on le suppose, rencontré la musique de Giacinto Scelsi (1905-1988) et en a subi un choc, une fascination telle qu’il lui a fallu écrire un roman aussi bref qu’intense gravitant autour d’un compositeur, Tancredo Pavone, dont la biographie ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de Scelsi. Cela va même plus loin, puisque dans une note en fin de volume « l’auteur aimerait remercier la Fondation Isabella Scelsi, Rome, de l’avoir autorisé à incorporer des fragements des écrits de Scelsi dans son récit ». Là, le lecteur potentiel s’interroge : n’aurait pas mieux valu écrire une biographie de Scelsi, lui qui a déjà fait l’objet de quelques essais ? Etant donné le résultat obtenu par Josipovici, la réponse est sans nul conteste négative : avec Infini. L’Histoire d’un Moment, l’auteur britannique est à la fois bien en-deçà et bien au-delà de l’exercice biographique. Le fait d’avoir créé un double fictionnel de Scelsi et, surtout, d’avoir choisi une forme romanesque originale, permet de centrer son propos sur le phénomène de la création artistique, musicale en particulier, et d’ainsi intéresser n’importe quel lecteur à son propos, pas juste les amateurs de Scelsi – dont les œuvres, il faut bien l’avouer sont quelque peu absconses aux oreilles du néophyte…

Le tour d’Europe en avion, Un petit-bourgeois dans la Russie rouge, Manuel Chaves Nogales

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 14 Juin 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Espagne, Récits, Quai Voltaire (La Table Ronde), Voyages

Le tour d’Europe en avion, Un petit-bourgeois dans la Russie rouge, octobre 2015, trad. espagnol Catherine Vasseur, 240 pages, 21 € . Ecrivain(s): Manuel Chaves Nogales Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Journal de voyage, reportage journalistique, ce récit a été publié en une vingtaine de chroniques entre août et novembre 1928 dans le journal madrilène l’Heraldo, dont Manuel Chaves Nogales était le rédacteur en chef, puis, augmenté de textes censurés, il parut broché en un seul volume en 1929 aux éditions Mundo Latino. C’est cette dernière version que les éditions Gallimard viennent de traduire et éditer.

Le « petit-bourgeois » républicain comme se définit Manuel Chaves Nogales entreprend un long périple qui va le conduire d’Espagne en France, puis en Suisse, en Allemagne, en Russie de Moscou à Bakou en passant par la Lettonie, enfin en Tchécoslovaquie, en Autriche et en Italie avant de reprendre le chemin de l’Espagne. Moyen de locomotion : l’avion. Le Junkers de préférence, enfin lorsque celui-ci ne tombe pas en panne de moteur ou de carburant, n’atterrit pas en catastrophe dans un champ de blé fraîchement coupé.

Cindy Sherman, Eva Respini, Collection Catalogues d’exposition Hazan, Paris

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 14 Juin 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts

 

Cindy Sherman, jusqu’au 11 juin 2016, Metro Pictures, New-York

 

Cindy Sherman : les surannées

Après cinq ans de retrait, Cindy Sherman fait un retour sur un « terrain » a priori inattendu ? Celle qui disait il y a quelques années « Le passé ne passe plus dans mes œuvres, elles sont créées contre lui pour des extases négatives », l’artiste crée l’équivoque. Un doute apparaît sur ses fondamentaux. Celle qui refusait que le corps de la femme soit une machine à fabriquer du fantasme ou d’écrin semble changer de cap.

Mais qu’on se rassure : l’artiste pastiche l’univers du portrait tel qu’il fut décliné au cinéma de l’entre deux-guerres et en particulier du cinéma muet. L’artiste rameute les « climax » et les ambiances du genre en éloignant tout artifice par l’artifice lui-même. Au moment où elle semble jaillir, l’activité mimétique de la photographie capote. Et comme dans le Portrait ovale de Poe, si la vie semble passer intégralement de la réalité à l’art, les deux sont laissés pour « morts ».