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Critiques

Eclipses japonaises, Éric Faye

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Seuil, La rentrée littéraire

Eclipses japonaises, août 2016, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Eric Faye Edition: Seuil

 

Nagasaki et Malgré Fukushima ont mis en lumière le talent d’Éric Faye (1963), auteur d’une trentaine de livres. Parfois, il faut un prix d’automne ou un séjour littéraire à l’étranger – ce fut le cas du Prix du roman de l’Académie française 2010 pour le premier titre cité, et pour le second, une résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto – pour qu’un auteur accède à une notoriété de bon aloi.

Le nouveau roman de l’écrivain épris de culture orientale comblera plusieurs publics de lecteurs : tout d’abord, ceux qui éprouvent pour le style une ferveur particulière ; ceux pour lesquels un vrai roman ne fait pas d’impasse sur l’intrigue ; tous les vrais liseurs de littérature française de qualité d’aujourd’hui : voilà un nom à ajouter depuis quelque temps déjà à ces « jeunes » écrivains qui honorent les lettres romanesques françaises. Je citerai, entre autres, L. Mauvignier, O. Adam, L. Gaudé, M. Enard…

Comment faire d’une réalité historique brevetée par des témoignages un roman de fiction : voilà la mission littéraire que s’est donnée Faye pour traduire des faits de disparitions étranges dans les années 60 et 70 sur les côtes japonaises ou à la frontière coréenne. Le titre suggère déjà ces êtres qui se volatilisent un beau jour, dans le plus grand mystère.

Les Chats de la rue Saint-Séverin, Anne-Marie Mitchell

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman

Les Chats de la rue Saint-Séverin, éd. Lucien Souny, coll. L’Histoire des pays, mai 2016, 235 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Anne-Marie Mitchell

Ill. couv. Le Magasin pittoresque, 1872, d’après un tableau de E. Lambert

 

« Les bêtes, elles, ne savent que vivre »

« Dans la rue de la Tournelle / Un coup de foudre est tombé. / Il n’a pas cassé de cervelles / Car il n’en a pas trouvé »

Vaudeville du Pont-Neuf

Dans la nuit du 16 au 17 novembre 1730, à Paris, sous le règne de Louis XV, eut lieu un massacre de chats, dans la rue Saint-Séverin. Les faits sont attestés par des chroniqueurs du temps, et des historiens plus récents (1). Ils appartiennent à ce que Jacques Chessex (2) appelle joliment et que nous rappelle la romancière « … les murmures dans les parois, les souffles qui hantent les murs, les recoins, les resserres. Ce qui ne se voit pas. L’oublié. L’autre histoire qui insiste dans l’ombre ». Le roman, en tant que roman, mêle fiction et réalités, avec ici ou là de plaisants anachronismes, et des « personnages et lieux réels [qui] situent le roman dans son contexte ».

Le Garçon, Marcus Malte

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Août 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Zulma

Le Garçon, août 2016, 535 pages 23,50 € . Ecrivain(s): Marcus Malte Edition: Zulma

 

On est en 1908. C’est l’histoire du garçon. Vous le suivrez tout au long de ce livre, avec passion et curiosité, tout au long de son parcours initiatique. Mais vous ne l’entendrez pas, jamais. Il ne parle pas, ne dit pas un mot. Il est muet le garçon. Depuis sa naissance, mis au monde par une femme qu’il porte sur ses épaules au début de ce roman, parce qu’elle est malade, parce qu’elle va mourir. Et elle meurt. Et le Garçon brûle son corps. On est en 1904, dans le sud de la France. Le chemin du Garçon commence.

Marcus Malte nous offre une œuvre ambitieuse, d’une parfaite maîtrise narrative, dans un style éblouissant. C’est un roman initiatique certes, mais comme on en a peu vus. Le jeune héros n’a pas de nom, pas plus que sa mère. A-t-il seulement eu un père ? Il part seul vers le monde, sans désirer l’aborder vraiment. Il n’a jamais vu d’autres humains que sa mère, à peine une silhouette furtive peut-être.

La première étape est le monde qu’il connaît déjà un peu, la nature sauvage. Moments de pure poésie tant les noms des plantes sont beaux, comme dans une page de Thoreau, comme dans Walden, ou comme dans un lieu de Giono.

Coffret de 3 romans de David Foenkinos, Gallimard Coll. Folio 

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 18 Août 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Le potentiel érotique de ma femme (2004, 179 p.), La délicatesse (2009, 210 p.), Nos séparations (2008, 218 p.), 20,70 € le coffret . Ecrivain(s): David Foenkinos Edition: Folio (Gallimard)

Le potentiel érotique de ma femme (2004, 179 p.), La délicatesse (2009, 210 p.), Nos séparations (2008, 218 p.), 20,70 € le coffret

 

Lorsqu’un lecteur découvre un écrivain sur un ensemble de trois volumes qu’il lit d’affilée avec un plaisir qui ne faiblit pas jusqu’à la dernière ligne du troisième, on peut affirmer, indéniablement, qu’une immédiate et permanente empathie s’est installée entre eux.

Pourquoi ? Comment ? Quelle est la recette ?

Foenkinos est un romancier malicieux, qui vous entourloupe dans ses histoires dont l’originalité tient au fait qu’elles se fondent à la fois, paradoxe habile, sur l’imbrication d’une série de faits courants marquant la vie quotidienne du couple et de situations des plus inattendues accompagnées de réflexions et commentaires des plus surprenants (au sens propre de l’adjectif) frôlant parfois l’ubuesque le plus débridé. Ainsi, quand le présumé cocu s’interroge sur le cinq à sept de son épouse :

Jamais mieux, Jean-Pierre Georges

, le Mercredi, 17 Août 2016. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Tarabuste

Jamais mieux, 2016, 160 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Georges Edition: Editions Tarabuste

 

Ce dixième titre… C’est drôle ! Il y a vingt ans, paraissait au Dé bleu Je m’ennuie sur terre. C’était déjà un dixième titre – que voilà rétrogradé à la quatrième place « du même auteur » de Jamais mieux. Lecteur, avec Georges, la circonspection est de rigueur, ne serait-ce que pour ne pas pisser de rire. Car il y a vingt ans, Je m’ennuie sur terre paraissait un long poème en vers brefs, non ponctués, avec une majuscule à chaque début de strophe dont la longueur variait de un à seize vers, le tout entremêlant des réflexions caustiques et des fragments de récit immobile en vers. Or depuis, Jean-Pierre Georges a jeté le vers aux oubliettes. Il fait référence, dans Aucun rôle dans l’espèce (Tarabuste, 2003), « à l’époque où je ne savais pas encore qu’il n’y a pas de grands poètes ». Et, s’il écrit, dans Jamais mieux, « il fut un temps où je rêvais d’un “achevé d’imprimer par l’Imprimerie Floch à Mayenne” » il oublie la parution de La Plainte dans La Nouvelle Revue française de septembre 1988, entre des pages d’Octavio Paz et de Karen Blixen. Il y notait déjà : « Je n’ouvre aucun livre car je sais ce que j’y trouverai ; au pire l’insoutenable rhétorique au mieux la banale confirmation ». C’est là qu’il a trouvé sa voie, entre le poème en prose, assez voisin de Jean-Claude Martin, et ces sentences drôles, cruelles, désabusées. Emprunté à Cioran, son exergue offre une fusée éclairante : « On ne peut rien dire de rien. C’est pourquoi il ne saurait y avoir de limite au nombre de livres ».