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Les Chroniques

La Vie d’un poète, Stefan Zweig (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La Vie d’un poète, Stefan Zweig, éditions Arfuyen, juin 2021, trad. allemand, Marie-Thérèse Kieffer, 192 pages, 17 €

 

Porosité

J’utilise le mot porosité pour ouvrir ma chronique, car l’ensemble du livre présente un écrivain en contact avec la poésie, et ce faisant s’approche des affres et luttes au cœur de l’exercice poétique, et ainsi dénote d’un moment de basculement vers le travail du poète. Il en fait presque un soin, toujours est-il. Et je persiste à penser à la porosité de ces poèmes, sachant l’œuvre romanesque si importante ; or un poète se glisse dans cette prosodie et rend poreuse l’écriture du roman par la pratique du poème en vers ou en prose !

Je crois encore que la vérité est derrière ces espèces de lieder, un chant qui va et vient entre le roman et le dit, cet épanchement sur l’authenticité, une certaine pureté de l’expression que recherche Zweig, et qui agit très certainement sur son travail de romancier – d’où l’aspect poreux que j’évoque. Poreux à la véracité, à la musicalité, à la couleur et au ton d’une métrique contrôlée, exigeante, nécessaire. Ce travail lui permet de revenir vers lui, vers sa force, et là, dans cet espace littéraire, le poème vient rendre possible la gésine de l’œuvre totale.

Ceci n’est pas un miroir, Mokhtar Chaoui (par Yazid Daoud)

, le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ceci n’est pas un miroir, Mokhtar Chaoui, éditions SL

 

Un roman de l’innommable

La littérature est aussi l’expression des frustrations, des malheurs et des traumatismes. Le dernier roman de Mokhtar Chaoui est le seul à avoir abandonné la société marocaine et ses travers pour se consacrer à l’Homme. La pandémie a unifié la planète et le romancier parle ici au nom de tous. Ceci n’est pas un miroir est un roman-cri, un roman vociféré, écrit dans la précipitation, tel un grand emportement qui ne saurait être adouci. Les 13 jours d’écriture du roman expliquent son style plutôt oral. C’est un roman à lire à haute voix pour percevoir les sonorités colériques et le rythme haché qui n’est autre que celui de l’homme essoufflé par la pandémie.

Dans ce roman-miroir, l’auteur pousse à l’extrême les tracas d’un confiné. Nommé Ixe, il s’agit (comme pour le cas de sa femme Zède) de « numéros matricules » qui représentent les hommes en confinement. En effet, le roman n’a ni lieu ni temps (sauf celui du confinement). Ce no man’s land renvoie au monde de Borges où le lecteur est déboussolé, incapable de situer les personnages ni de prévoir l’intrigue.

Une goutte d’éternité, Alain Joubert (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 02 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Une goutte d’éternité, Alain Joubert, Editions Maurice Nadeau, Les Lettres Nouvelles, 2007, 124 pages, 16 €

 

Mort le 22 avril 2021, Alain Joubert restera dans l’histoire littéraire comme l’un des compagnons les plus fidèles et les plus actifs du mouvement surréaliste, dont il fut le chroniqueur régulier et l’un des plus grands historiens.

Dans ce roman autobiographique intimiste, le surréalisme avec ses soubresauts, ses événements, ses aléas, est à la fois la toile de fond et le destinateur ou pour le moins l’un des adjuvants primordiaux de la vie d’un couple qu’il a constamment accompagnée, animée et nourrie.

L’auteur narrateur, en effet y dévoile et y analyse la relation d’amour, d’affection, d’inaltérable affinité qu’il a vécue avec son épouse Nicole, dans le champ mouvant et tourmenté du surréalisme, jusqu’à l’ultime seconde de la vie de cette femme remarquable, poétesse, partie prenante et actrice inconditionnelle méconnue du mouvement littéraire.

Le livre se décline en trois parties.

Le métier d’écrivain, Hermann Hesse (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 01 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le métier d’écrivain, Hermann Hesse, Payot-Rivages, mai 2021, trad. allemand, Nicolas Waquet, 90 pages, 14,90 €

 

Exigence

L’exigence, tel est le mot qui vient vite à l’esprit au milieu de la lecture tout à fait originale de ce projet littéraire que l’on pourrait rapprocher des Lettres à un jeune poète de Rilke. Hesse y décrit ce que la littérature veut dire, ce dont l’artiste a besoin, au niveau du style déterminé par la foi et dans la composition graphique de l’écriture. C’est l’exigence d’inventer, de prendre garde à tout, de ne rien laisser au hasard, et de voir jusqu’en la graphie des manuscrits une sorte de secret haut, enclin à étoffer la personne de l’écrivain. Hesse reste sur un chemin escarpé, allant vers la perfection autant matérielle que transcendante, nécessitant la rigueur à employer pour construire une œuvre littéraire.

Il faut détailler un instant et regarder comment ce livre opère comme gésine de l’écriture. Pour cela le livre doit bénéficier d’une assiduité, celle d’un écrivain cherchant la représentation unique, laissant apparente la lutte contre la médiocrité, grâce à sa ténacité. L’auteur est sujet à la métamorphose, seul accomplissement de l’opiniâtreté.

La mélodie sans les paroles, Catherine Benhamou (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 30 Août 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

La mélodie sans les paroles, Catherine Benhamou, juin 2021, 80 pages, 12 €

 

Emily Dickinson : des vérités

Cette pièce de théâtre a pour sujet la vie d’Emily Dickinson, en prenant le parti non pas d’une vérité biographique mais d’une vérité intérieure à la poétesse américaine. De fait, ce sont deux vérités qui s’affrontent : la vie de l’autrice et le féminisme de Catherine Benhamou. Ainsi le petit nombre de personnages susceptibles d’incarner un raisonnement féministe se retrouve autour de la mort du père. Et aussi dans le rapport de genre. Donc : deux explications, deux tentatives de véridicité, personnelles et interprétées. Le but visé, je crois, étant de faire de l’existence de l’autrice un exemple de défense de la condition féminine, en tout cas dans le prisme de la dramaturge.

Voyage littéraire à deux vitesses : celle de la dramaturge et celle d’Emily Dickinson, qui se rencontrent ici dans un même projet intellectuel – plus sans doute que celui de restituer la phrase de la poétesse. C’est une découpe socio-politique, l’histoire des combats des femmes à quoi nous assistons.