L’acteur, Hélène Revay (par Didier Ayres)
L’acteur, Hélène Revay, Les éditions Sans Escale, octobre 2021, 70 pages, 13 €
Plus l’homme avance, moins il aura à quoi se convertir (Cioran)
Soliloque
En parcourant cette pièce, j’ai été vite persuadé que Samuel Beckett avait influencé la matière de ce travail. On y reconnaît la syntaxe d’un désespoir, la trace de présences innommables, sans nomination objective, l’absurdité donc de l’existence humaine. Cette impression est restée durable. Hélène Revay a suivi un cursus de philosophie à la Sorbonne, et sachant cela mon intuition a été définitive.
Cela dit, il reste à décrire la relation du lecteur à la pièce de théâtre, lecture dans un fauteuil. L’action n’est pas ici négligée, et on attend très nettement de voir la situation du personnage, de l’acteur, évoluer. Et l’on accepte bien aussi la mise en abîme du théâtre au théâtre, car le personnage n’hésite pas à dire qu’il est acteur et qu’il est dans un théâtre.
Surtout que comme je vous l’ai dit, je ne suis pas philosophe. Et à vrai dire, sans en être totalement sûr, je n’aime pas la philosophie.
(Un temps)
En classe d’ailleurs à l’époque, je n’aimais pas la philosophie, et pourtant après l’école, quand j’ai dû choisir une « orientation » comme on dit, j’ai choisi la philosophie alors que je la détestais.
Ce soliloque, récit décousu car sorti directement du vivant, mime la pensée en action. De grands thèmes sont abordés : le temps, le monde, les métamorphoses de la pensée en une solution palpable.
Cette atmosphère beckettienne ressemble à certaines Dramaticules où Samuel Beckett décrit une scène, sur les planches, à l’aide de didascalies, mettant en danger ainsi la cohésion conventionnelle d’un spectacle. H. Revay suit ce chemin tout d’abord en faisant du personnage un acteur, et ensuite en éliminant tout décor, tous les accessoires, les costumes, tout ce qui ne sert pas directement le propos. La philosophie ?
Il faudrait que je fasse le vide.
(Un temps)
Oublier les personnes que j’ai pu rencontrer.
(Un temps)
Oublier le malheur, le bonheur, le plaisir, le déplaisir, la jouissance, la déception, l’ennui.
Didier Ayres
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