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Les Chroniques

N’être que ça, Yves Namur (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

N’être que ça, Yves Namur, éditions Lettres Vives, juin 2021, 96 pages, 16 €

 

Être, silence, oiseau

Cette poésie très claire et très travaillée, qui côtoie l’essentiel, est satisfaisante en tout point. J’y ai deviné par exemple, un tempérament, et vu nettement le poète lui-même, retrouvant dans l’écume de la réalité poétique, le sens du vrai et de la quintessence, en gros, d’une présence, de la Présence. Donc, l’être. Donc le Dasein de l’être, de l’être en train d’être.

Le poète est au présent – même si ce recueil a été rédigé durant une décennie. Car son poème tire vers le contemplatif, à la japonaise peut-être, en tout cas comme décantation de l’observation, qui, en silence, veille pour l’être, parmi les oiseaux, créatures qui ne sèment ni ne récoltent. La récolte du poète, c’est son poème et sa timide apparition, sa façon de faire place, de rendre vacant ou d’éblouir.

Face aux maisons, Philippe Fumery (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 16 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Face aux maisons, Philippe Fumery, éditions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord, avril 2021, 89 pages, 12 €


Le titre de ce nouvel opus poétique de Philippe Fumery, édité chez Henry dans la collection dirigée par Jean Le Boël, Les Écrits du Nord, se trouve explicité à la dernière page. Nous n’en révèlerons pas bien sûr le contenu ici mais indiquons qu’il s’agit d’une citation du poète Pierre Dhainaut, ce qui n’est pas anodin, et qu’elle reste valable non seulement en toutes circonstances mais plus particulièrement au vu du travail du poète. Ainsi ce que le poète nous donne à voir dans le détail des contingences simples, des aléas soulevés par le regard dès que celui-ci se révèle curieux, constitue une mise en abyme de son activité, ce qui revient à dire qu’écrire le poème de chaque jour le respire en ses pores, en mange les instants de tristesse et la joie, en visualise les odeurs, en écoute les humeurs – dans une synesthésie fabuleuse qui nous fait palpitation intégrante d’un cosmos aussi vivant que l’inconnu sidéral est fascinant.

Nos voix persistent dans le noir, Sylvie Fabre G. (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 15 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Nos voix persistent dans le noir, Sylvie Fabre G., éditions L’Herbe qui tremble, juin 2021, ill. Jean-Gilles Badaire, 100 pages, 15 €

 

Habitation

On rencontre dans ce livre, si l’on essaye de discerner une tendance appuyée dans la trame générale de ce recueil, des concepts universaux et transversaux. Car il y a dans ce recueil, vie et mort, désir et crainte, soi-même et autrui qui se balancent, s’opposent et se scindent harmonieusement. De cet état de chose, je puis déterminer dans cet ouvrage de dizains, une sorte d’alternance entre le noir et le blanc, la force et la faiblesse, peut-être tout bonnement le yin et le yang chinois, inspirés du taoïsme. En tout cas, une préoccupation spirituelle malgré tout. Donc lumière et obscurité alternent, et le lecteur est obligé de trouver par les « huis » du poème le dessin de la « maison » céleste. Oui, car amour et haine, joie et angoisse cohabitent tellement dans notre monde matériel que le poème ne peut que s’aliéner à sa tâche de représentation de l’esprit.

Pour Emma (deuxième partie) Contre Lheureux, Léon Dupuis et Rodolphe Boulanger (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 14 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Madame Bovary, Gustave Flaubert, Folio Gallimard, 2001, édition de Thierry Larget, 528 pages, 4,10 €

 

Dans la première partie de cette chronique relative à Madame Bovary, une seconde partie a été annoncée, relative à Léon, Rodolphe, Lheureux et Homais – cette seconde partie a éclaté sous la pression du personnage Homais, l’exact pendant d’Emma Bovary, qui, dans son orgueilleuse et imbécile arrogance d’apothicaire à la sublime médiocrité, a réclamé que lui soit consacrée une page entière sur le site de La Cause Littéraire. Dont acte – il ne sera question dans cette seconde partie que de Léon Dupuis, Rodolphe Boulanger et l’in-prénommé Lheureux. À eux trois, ils représentent suffisamment la vilenie et l’hypocrisie pour qu’on épargne au lecteur de subir en sus le cas Homais.

La cité de mon père, Mehdi Charef (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 10 Septembre 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La cité de mon père, Mehdi Charef, éditions Hors d’atteinte, Coll. Littératures, août 2021, 230 pages, 17 €

Se tracer une route

La destinée était déjà tracée d’avance pour Mehdi Charef, celle d’un futur travailleur, circonscrit aux tâches manuelles des immigrés, « la seule chose que notre père nous ait transmise » : une assignation sociale, un déterminisme de classe, raciste, suite à une politique colonialiste et un profond mépris. La discrimination et le déni des droits de l’homme ont été soigneusement appliqués pour les « solvables » à merci. L’appartement HLM a été la récompense suprême pour avoir participé à construire dans l’anonymat les fondations de presque tous les bâtiments de France, et de s’être abîmés, pour les pères maghrébins, africains, sur tous les chantiers publics ou privés.

Dans La cité de mon père, le 7ème roman de Mehdi Charef, il s’agit d’abord de « franchir l’océan de l’exil ». Pour le père, de s’échapper d’un continent, l’Algérie, d’un village, « Ouled Charef, dachra de la montagne », d’une condition, « berger », de franchir les déserts, les plaines, la mer, de subir l’exil pour ce géniteur qui a « le regard fixe d’une statue ». De partir du pays confisqué dans lequel « des grandes personnes, misérables, indigènes comme nous, nous repoussaient comme des chiens, à coups de bâtons », « sous les yeux de familles de colons aux paniers pleins de victuailles que le spectacle aurait amusés ».