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Les Chroniques

Les Trois Malla-moulgars, Walter de la Mare (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 13 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les Trois Malla-moulgars, Walter de la Mare, Éditions Callidor, mars 2023, trad. anglais, Maxime Le Dain, Ill. Anouck Faure, 392 pages, 25 €

 

Avant de s’intéresser à proprement parler au roman de Walter de la Mare, il me faut mettre l’accent sur ce qui, d’emblée, attire l’œil vers les livres des Éditions Callidor : le travail d’édition est tout simplement éblouissant. Devant nous, l’esthétique de l’objet est aussi fabuleuse que le livre dont nous allons parler, faite d’une mise en relief discrète sur les 1° et 4° de couverture, rehaussée d’un bleu métallique, aussi bleu que des pieds tout juste sortis de la neige sous l’éclat d’un rayon lunaire ; les rabats de la couverture nous cachent une autre illustration envoûtante de l’artiste principale, Anouck Faure, dont le trait s’accorde parfaitement à l’atmosphère du roman ; par ailleurs, les préface et postface nous dévoilent le travail des différents illustrateurs qui ont imaginé The Three Mulla-mulgars ; jusqu’au choix de la police de caractère pour les titres de chaque section, il semble que l’apparat général, selon Callidor, doive être à la hauteur de la richesse de l’œuvre qui nous est présentée. Et dans ce cas précis, c’est on ne peut plus justifié.

Transformations, Anne Sexton (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 12 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, USA, Poésie

Transformations, Anne Sexton, éditions Des femmes-Antoinette Fouque, mai 2023, trad. anglais (USA), Sabine Huynh, 120 pages, 14 €

 

Un univers

Je connais maintenant la poésie d’Anne Sexton, dans sa traduction française récente. Et de mes premières lectures de ses poèmes, j’ai été sûr qu’il s’agissait d’une voix, d’un univers, à la fois proches de Sylvia Plath, développant un style propre, un monde à part, un monde borderline au sens fort du terme : à la bordure. Il en est encore question ici, dans ce mélange, cette approche du conte pour enfant par le poème. Cette tentative est inouïe, car elle demande une force exceptionnelle pour articuler la prosodie du poème à la rhétorique du conte. Le conte universel se dilate dans cette poésie contemporaine (ces textes datent de 1971). Et ce qui ressort de ce travail, c’est un ton énigmatique, une légère euphorie liée à une ivresse des motifs, quelque chose de poreux en tout cas.

Bestiaire, Alexandre Vialatte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arléa

Bestiaire, Alexandre Vialatte, Editions Arléa, février 2023, Illust. Philippe Honoré, 168 pages, 11 €

Dérision

C’est principalement le mot dérision que je retiens de ma lecture du Bestiaire d’Alexandre Vialatte. Absurdité au même titre que la retrace la pièce La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco. Donc quelque chose qui mêle le tragique et le dérisoire, la profondeur et la légèreté, le sérieux et l’amusant. Cet échange entre l’ironie parfois mordante et une sorte d’émerveillement devant la nature des animaux, fait du bien au lecteur lequel s’abreuve des animaux du chroniqueur du quotidien régional La Montagne, comme il le ferait des Caractères de La Bruyère. Avec l’humour en plus.

L’intérêt du liseur c’est que les textes restent verticaux et ne fonctionnent que par verticalité. Replier ces dactylogrammes sur le syntagme ferait rater tout le suc de la pensée de Vialatte, fine, humoristique, mêlée d’une pointe d’angoisse. On apprécie cette littérature que conçue comme tentative de saisir dans l’axe paradigmatique l’intelligence de ces portraits d’animaux lesquels fournissent une impression de léger vertige, allant vers de l’inconnu, au travers de ces bêtes touchées d’étrangeté. Il s’agit de pointer un faux sérieux, là où le paradigme permet des choix, de préférer tel plan de l’expression, celui de la dérision.

Pétrarque en France, un modèle poétique ? (par Valérie T. Bravaccio)

Ecrit par Valérie T. Bravaccio , le Mardi, 06 Juin 2023. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Dans son ouvrage intitulé Pétrarque et le pétrarquisme, Jean-Luc Nardone se demande si, en tant que modèle linguistique, Pétrarque (1304-1374) est « du même coup, un modèle poétique » (1). Et il suggère que « Seule une analyse des textes, théoriques ou poétique […] permet[trait] de mieux discerner ce que fut le pétrarquisme français ». Pour aborder cette réflexion, nous proposons d’aller directement sonder les textes (2). Et notamment le sonnet 134, « Pace non trovo, e non ó da far guerra ; » du Canzoniere (3), célèbre pour ses antithèses lexicales. Ce sonnet a été imité au XVI° siècle par Louise Labé (1524-1566), « Je vis, je meurs ; je brule et me noie ; » (4), Pierre de Ronsard (1524-1585), « J’espère et crains, je me tais et supplie » (5), et par Joachim Du Bellay (1549-1550), « La nuit m’est courte, et le jour trop me dure » (6). Puis, nous connaissons 6 traductions de l’original (7) par le Comte Ferdinand de Gramont (1842), (8) remise en page par Jean-Michel Gardair (1983) (9) ; et celles de Pierre Blanc (1989), (10), Danielle Boillet (1994) (11), Gérard Genot (2009) (12), Yves Bonnefoy (2011) (13), et de René de Ceccatty (2018) (14).

Terres, Marwan Hoss (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 06 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arfuyen

Marwan HOSS - Terres - Arfuyen, 96 pages, juin 2023, 13€

 

"Terres" ... Le plus beau mot du monde (en tout cas le plus hospitalier, le plus fondateur, le plus familier) est ici mis, par le titre, au pluriel. Pourquoi ? Pour multiplier les sites de vie de rechange possibles ? Pour suggérer que chacun voit la planète au bout de son nez, et du fond de sa rue ? Pour assurer sols de réception innombrables à notre inévitable chute ? Pas du tout. Marwan Hoss n'écrit pas pour nous alerter (c'est de toute façon trop tard), ni non plus pour nous consoler (chacun est toujours assez doué pour se mentir), mais parce que chaque court poème est ici une petite terre de mots, oui, exactement une terre (et non un ciel, une mer, une lune, car aucun de ces trois ne formerait socle, habitacle, ni mémoire) de mots. "Terres" sont donc pays de mots, car ces mots - toujours simples, communs, courants - sont là, à chaque page, pour former pays, c'est-à-dire contrées où notre action se sente chez elle, que cette action soit, respectivement s'élever, flotter, cueillir ou même fuir :